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09/07/2009 | FRANCE | N°07PA01593

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 09 juillet 2009, 07PA01593


Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2007, présentée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI, qui demande à la cour d'annuler pour partie le jugement nº 0410334 en date du 1er mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat d'une part, à restituer à la Société Viatel France la contribution au financement du service universel des télécommunications pour l'année 2000, et d'autre part à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

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Vu les autres pièces du dos...

Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2007, présentée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI, qui demande à la cour d'annuler pour partie le jugement nº 0410334 en date du 1er mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat d'une part, à restituer à la Société Viatel France la contribution au financement du service universel des télécommunications pour l'année 2000, et d'autre part à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des postes et télécommunications devenu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2009 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les conclusions de Mme Desticourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Rigal-Alexandre pour la société Viatel France, et celles de M. Perrin au nom de l'ARCEP ;

Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI relève régulièrement appel du jugement susmentionné en date du 1er mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a notamment condamné l'État à restituer à la société Viatel France la contribution au financement du service universel des télécommunications que celle-ci a versée au titre de l'année 2000 ; qu'en défense, la société Viatel France demande à la cour la confirmation dudit jugement, s'agissant de la contribution définitive mise à sa charge au titre de cette même année, y ajoutant de manière incidente qu'il soit enjoint à l'Etat, sous astreinte, d'exécuter sans délai ce même jugement ; que l'ARCEP oppose au nom de l'Etat à cette dernière demande, la compensation prévue par l'article L. 203 du livre des procédures fiscales ;

Sur la recevabilité de la requête et la fin de non-recevoir opposée par la société Viatel France :

Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI ayant reçu notification du jugement attaqué le 13 mars 2007, son recours, qui a été déposé au greffe de la cour le 4 mai 2007, n'a pas été enregistré après l'expiration du délai de recours contentieux ; que la fin de non-recevoir opposée par la société Viatel France et tirée de sa tardiveté doit, par suite, être écartée ;

Sur les conclusions de l'appel principal relatives à l'année 2000 :

Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 35 du code des postes et télécommunications alors en vigueur : Le service public des télécommunications est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité. Il comprend : a) Le service universel des télécommunications défini, fourni et financé dans les conditions fixées aux articles L. 35-1 à L. 35-4 ; (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 35-1 du même code : Le service universel des télécommunications fournit à tous un service téléphonique de qualité à un prix abordable. Il assure l'acheminement des communications téléphoniques en provenance ou à destination des points d'abonnement, ainsi que l'acheminement gratuit des appels d'urgence, la fourniture d'un service de renseignements et d'un annuaire d'abonnés, sous formes imprimée et électronique, et la desserte du territoire en cabines téléphoniques installées sur le domaine public ; qu'aux termes du II de l'article L. 35-3 de ce code : Le financement des coûts imputables aux obligations de service universel est assuré par les exploitants de réseaux ouverts au public et par les fournisseurs de services téléphoniques au public... ; qu'aux termes des III et IV du même article : III - Les méthodes d'évaluation, de compensation et de partage des coûts nets liés aux obligations de service universel sont rendues publiques un an au moins avant leur mise en application./ IV - Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications, précise les modalités d'application du présent article. Il établit notamment les méthodes de l'évaluation, de la compensation et du partage des coûts nets du service universel, ainsi que les modalités de gestion du fonds de service universel des télécommunications ; qu'enfin, aux termes du sixième alinéa de l'article R. 20-39 du même code : Les soldes définitifs relatifs à l'année considérée sont constatés par le ministre chargé des télécommunications au plus tard le 15 novembre de l'année suivant l'année considérée sur proposition de l'autorité de régulation des télécommunications exprimée au plus tard le 15 octobre de cette même année ;

Considérant que la Cour de justice des communautés européennes, par un arrêt en date du 6 décembre 2001, a jugé certaines des dispositions du code des postes et télécommunications relatives au financement du service universel des télécommunications incompatibles avec le droit communautaire ; que cette circonstance faisait obstacle à l'application de ces dispositions par les autorités nationales ;

Considérant que par décision en date du 11 avril 2005, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté du 2 août 2002 par lequel le ministre délégué à l'industrie avait fixé les contributions définitives des opérateurs au fonds de service universel des télécommunications pour l'année 2000 aux motifs qu'à la date de l'intervention de cet arrêté les autorités nationales n'avaient pas, dans la forme prévue par la loi, du décret en Conseil d'Etat, modifié les dispositions du code des postes et télécommunications contraires au droit communautaire et qu'aucune urgence liée à la nécessité d'assurer la continuité du financement du service universel ne justifiait qu'il fût dérogé aux dispositions législatives applicables ;

Considérant par suite, que la première notification de la contribution au financement du service universel adressée à la société Viatel France au titre de l'année 2000 s'est trouvée privée de base légale ;

Considérant en second lieu, que si, pour assurer l'exécution des décisions susvisées de la Cour de justice des communautés européennes et du Conseil d'Etat, le décret n° 2007-563 du 16 avril 2007 est venu définir à nouveau les méthodes d'évaluation, de compensation et de partage des coûts nets du service universel, et si l'ARCEP a, d'une part, rendu publiques les règles employées pour les évaluations du coût net du service universel au titre des années 1998 à 2000, selon les méthodes fixées par le décret, par une décision du 20 septembre 2007 mentionnée au Journal officiel du 5 octobre 2007, et, d'autre part, par une décision n° 2007-872 du 23 octobre 2007 publiée au Journal officiel du 13 novembre 2007 déterminé à nouveau le montant de la contribution due par la société intimée au titre de l'année 2000 en litige, il est constant que le décret du 16 avril 2007 n'avait pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de servir rétroactivement de base légale aux contributions des opérateurs au financement du service universel, telles qu'elles avaient été fixées par l'arrêté ministériel du 2 août 2002 annulé par le Conseil d'Etat, mais permettait simplement aux autorités compétentes de déterminer la contribution définitive demeurée exigible de l'opérateur de télécommunications au titre de l'année litigieuse ;

Considérant enfin, que si le principe de la contribution au financement du service universel est demeuré inscrit à l'article L. 35-3 du code des postes et des communications électroniques, le Conseil d'Etat en annulant les arrêtés ministériels susmentionnés des 11 juillet et 2 août 2002 en tant qu'ils révélaient des décisions ayant fixé les règles applicables à la détermination du coût net du service universel des télécommunications et le montant prévisionnel ou définitif de ce coût net pour les années considérées, n'a pas examiné les opérations de liquidation de l'impôt, ce qu'il n'aurait pas été compétent pour faire en tant que juge de l'excès de pouvoir, mais s'est prononcé sur les règles relatives à l'assiette de l'impôt dont s'agit, ayant la nature d'un impôt de répartition, constituée à la fois par le coût net du service universel représentant une charge inéquitable pour l'exploitant de ce service et par le chiffre d'affaires réalisé par chaque exploitant de réseau de télécommunications ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que le Tribunal administratif de Paris, juge de l'impôt, après avoir régulièrement constaté qu'à la date de son jugement, l'ARCEP n'avait pas encore déterminé, à nouveau, par une décision légalement opposable, le montant de l'assiette et de la contribution de la société Viatel France au fonds de service universel au titre de l'année 2000, a pu valablement ordonner à l'Etat de restituer la contribution initialement versée par l'intéressée sur le fondement d'actes privés de base légale ; que par suite, et alors que l'ultime moyen tiré par l'appelant de ce que le remboursement de la contribution encaissée conduirait à déséquilibrer la concurrence sur le marché régulé des communications électroniques est inopérant, les conclusions à fin d'annulation de la requête du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions incidentes de la société Viatel France pour l'année 2000 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ;

Considérant que le jugement dont l'exécution est demandée, qui n'a pas le caractère d'un simple jugement avant dire droit est, de ce fait, exécutoire dès son prononcé, nonobstant le fait qu'il est frappé d'appel, ne doit cependant être regardé comme exécutoire qu'en tant qu'il condamne, lors de son prononcé, l'Etat à restituer à la société Viatel France la somme de 40 000 euros au titre de la contribution définitive au financement du service universel des télécommunications pour l'année 2000 ; que par ailleurs, il y a lieu de relever qu'à la date du présent arrêt, une nouvelle imposition, de montant identique, a été déterminée et notifiée à la société intimée sur le fondement du décret du 16 avril 2007 et des décisions des 20 septembre et 23 octobre 2007 de l'ARCEP susvisés ;

Considérant en premier lieu, que le législateur a expressément entendu s'en remettre, aux termes de l'article L. 35-3 IV, à la définition par le pouvoir réglementaire, au moyen d'un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, des méthodes de l'évaluation, de la compensation et du partage des coûts nets du service universel, ainsi que des modalités de gestion du fonds de service universel des télécommunications ; que dans ces conditions, il ne peut être excipé devant la cour, de l'illégalité externe du décret n° 2007-563 du 16 avril 2007 ; qu'en tout état de cause, les articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales ne sauraient trouver application à un litige relatif à un impôt de répartition ;

Considérant en deuxième lieu, que le décret contesté par la voie de l'exception d'illégalité procédant de la nécessité pour les autorités compétentes d'assurer, après avoir tiré les conséquences des décisions de la Cour de justice des communautés européennes et du Conseil d'Etat, la continuité du fonctionnement du service universel et, par voie de conséquence, de son financement par les opérateurs de télécommunications sur la période 1998-2000, et qui avait pour seul objet de permettre à ces autorités de déterminer à nouveau les contributions définitives demeurées exigibles desdits opérateurs au titre de ces mêmes années sans faire obstacle à d'éventuelles condamnations de l'Etat à verser les intérêts moratoires dus à raison du versement initial des contributions sans base légale, n'apparaît pas, dans ces conditions et eu égard au caractère suffisant des motifs d'intérêt général sur lequel il est fondé, entaché d'une rétroactivité illégale ;

Considérant en troisième lieu, que le calendrier fixé par l'article R. 20-39 du code des postes et des communications électroniques n'était pas applicable compte tenu de l'urgence qui s'attachait à l'adoption des nouvelles règles de financement du service universel ;

Considérant enfin, que ni l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 décembre 2001, ni les décisions du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, des 11 avril et 12 décembre 2005, n'impliquaient que les opérateurs de télécommunications soient exemptés de tout paiement d'une contribution au financement du service universel pour les années 1998 à 2000 ; qu'ainsi, les moyens tirés de ce que le décret attaqué, en permettant de recouvrer de nouvelles contributions au titre de ces années, porterait atteinte au droit à un recours effectif posé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la contribution d'un montant de 40 000 euros initialement versée par la société Viatel France est, à la date du présent arrêt, redevenue légalement exigible pour un même montant ;

Considérant par ailleurs, qu'aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ; qu'en l'absence d'insuffisances ou d'omissions dans la détermination de l'assiette ou le calcul de la contribution due par la société Viatel France au titre de l'année 2000, l'ARCEP n'est pas fondée à opposer, au nom de l'Etat, à la restitution réclamée par cette société, le droit à compensation ouvert par les dispositions précitées ;

Considérant en revanche, que l'Etat ou en son nom l'ARCEP, était en droit, ainsi que cette autorité l'a fait lors de la notification en date du 21 décembre 2007 de la nouvelle décision d'imposition du 23 octobre 2007 fixant à nouveau et de manière identique le montant de la contribution due, de se prévaloir de la compensation de paiement prévue par les articles 1289 et suivants du code civil, sans toutefois que l'exercice de ce droit ne fasse obstacle au versement d'intérêts moratoires calculés sur la période allant de la date de versement initial de la contribution par la société Viatel France, à la date du 21 décembre 2007 précédemment mentionnée ; que dès lors, il n'y a pas lieu pour la Cour d'enjoindre à l'Etat d'exécuter l'ordre de restitution inscrit dans le jugement attaqué ;

Sur les conclusions relatives au versement de frais irrépétibles :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI le versement à la société Viatel France d'une somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font, en tout état de cause, obstacle à ce que la société Viatel France, qui n'a pas la qualité de partie perdante, supporte le versement à l'ARCEP de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'EMPLOI, et les conclusions de l'ARCEP sont rejetées.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions incidentes de la société Viatel France tendant à enjoindre à l'Etat d'exécuter le jugement susmentionné en date du 1er mars 2007 du Tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la société Viatel France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 07PA01593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Numéro d'arrêt : 07PA01593
Date de la décision : 09/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme DESTICOURT
Avocat(s) : DUPUIS-TOUBOL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-07-09;07pa01593 ?
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