Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2008, présentée pour la SOCIETE NC NUMERICABLE, anciennement société UPC France, par Me Bachelet ; la SOCIETE NC NUMERICABLE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0501045/1 en date du 29 mai 2008, par lequel le Tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de M. Gislain X en annulant la décision en date du 13 décembre 2004 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a autorisé le licenciement de ce dernier et a condamné la SOCIETE NC NUMERICABLE à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de confirmer la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 13 décembre 2004, en ce qu'elle a autorisé le licenciement de M. X ;
3°) de condamner M. X à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2009 :
- le rapport de M. Treyssac, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de M. X ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. X ;
Considérant que M. X avait été engagé le 4 septembre 2000 par la société UPC France, devenue NC NUMERICABLE, et détenait un mandat de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise ;
Considérant que les délégués syndicaux disposent, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre du travail, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant que l'inspecteur du travail, par une décision en date du 8 juillet 2004, a refusé d'autoriser le licenciement de M. X par la société UPC France ; que le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a annulé cette première décision et, par décision en date du 13 décembre 2004, autorisé le licenciement de l'intéressé pour faute ; que celui-ci a déféré cette dernière décision à la censure du Tribunal administratif de Melun, qui par jugement du 29 mai 2008 dont la SOCIETE NC NUMERICABLE relève appel, a annulé la décision du ministre ;
Considérant que pour autoriser la société UPC France à licencier M. X, le ministre a considéré que le salarié, en violation des règles de la vente à domicile imposant au conseiller commercial d'apposer son nom et sa signature pour chaque contrat établi, a, au contraire, fait signer ces contrats par une personne n'appartenant pas à l'entreprise (...) en se servant de formulaires comportant l'en-tête et les coordonnées de la société UPC France pour établir des contrats qui, d'une part, n'entraient pas dans le cadre de son activité professionnelle au sein de la société UPC France et, d'autre part, associaient le nom de cette société à des actes illégaux et frauduleux ;
Considérant que pour annuler la décision ministérielle, les juges de première instance ont considéré que si M. X a rempli pour un tiers signataire, par ailleurs mandataire régulier d'UPC France, des projets de contrats d'abonnements, les contrats ainsi établis au profit de l'employeur de M. X, qui ne les avait pas dénoncés à la date où l'autorisation de licenciement en cause a été sollicitée, ont permis à l'employeur de bénéficier des agissements de ce dernier ; que par ailleurs s'il est établi que M. X a méconnu les règles de la vente à domicile et commis une faute, aucune pièce du dossier ne tend toutefois à confirmer que les signataires desdits contrats aient été induits en erreur pour ce qui concerne le procédé de vente, l'identité du cocontractant mandataire d'UPC France ou d'autres éléments devant être précisés dans le cadre des pratiques commerciales en application des dispositions de l'article L. 121-1 du code de la consommation ; qu'enfin il n'est pas établi que M. X a tiré bénéfice de l'établissement desdits contrats ; que les agissements commis par celui-ci et retenus par l'administration pour autoriser son licenciement ne portaient pas préjudice à son employeur et ne révélaient aucune intention de fraude ;
Considérant, cependant, qu'il ressort des pièces du dossier qu'au mois de mars 2004 le chef des ventes a constaté qu'un distributeur agréé par la société UPC France, la société Espace Vidéo de Melun, avait réalisé au mois de février 2004 un nombre exceptionnellement élevé de contrats d'abonnements pour le compte d'UPC France ; que l'analyse d'une partie des contrats effectués par ce distributeur a permis de mettre en évidence que l'écriture et la manière de remplir certains contrats d'abonnements ressemblaient à ceux habituellement établis par M. X dans le cadre de ses obligations contractuelles avec la société UPC France ; qu'au cours de l'enquête qui a été diligentée, des clients ont affirmé que M. X ne faisait pas état de sa qualité et se présentait comme distributeur, que les contrats ne comportaient ni le nom de M. X ni sa signature, en violation de la réglementation sur la vente à domicile ; qu'un expert agréé par la Cour de Cassation a formellement établi que les contrats litigieux avaient bien été rédigés de la main de M. X ; que par ailleurs la société a constaté que pendant la période de signature des contrats litigieux, entre le 26 janvier et le 16 février 2004, celui-ci avait téléphoné 22 fois avec son téléphone portable professionnel à M. Richard Y, ancien salarié d'UPC France, ayant fait l'objet d'un licenciement en septembre 2003, et dont l'expert en graphologie a formellement identifié l'écriture sur certains contrats établis par M. X ; qu'il est ainsi établi que celui-ci a travaillé pour le compte d'un tiers rémunéré par ailleurs par la société UPC France, tout en étant salarié de cette dernière, et ce, en violation manifeste de la clause d'exclusivité contenue dans son contrat de travail, en dehors de sa zone de prospection, sans autorisation de son employeur, et en méconnaissance de la réglementation sur la vente à domicile ; que ces faits sont constitutifs d'une faute grave justifiant son licenciement ; que, par ailleurs, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Melun, le comportement de M. X a eu un impact financier négatif pour la société UPC France, celle-ci étant amenée à rémunérer un salarié travaillant pour le compte d'un tiers, ce qui induisait pour l'entreprise une perte de contrats corroborés par les statistiques relatives aux objectifs commerciaux fixés à M. X ; qu'il suit de là que la faute commise par ce dernier a occasionné à la société UPC France un préjudice pécuniaire, dans la mesure où elle a rémunéré M. X pour un travail qu'il n'a pas effectué, et a rémunéré simultanément la société prestataire de services pour les ventes réalisées ; que la circonstance que les contrats soient en définitif profitables à l'entreprise n'est pas de nature à exonérer M. X de son comportement fautif établi ; que l'ensemble de ces circonstances traduisent un manquement grave à l'obligation de loyauté à laquelle était astreint M. X à l'égard de son employeur ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun s'est fondé sur ce que la faute commise par M. X n'était pas suffisamment grave pour justifier son licenciement pour annuler la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 13 décembre 2004 autorisant le licenciement ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. X ;
Sur les moyens de légalité externe :
Considérant, en premier lieu, que M. X prétend que la décision du 13 décembre 2004 n'a pas été signée par une personne justifiant d'une délégation de signature ; qu'il ressort au contraire que la décision litigieuse a été signée par Mme Laurence Z, sous-directrice des droits des salariés ayant reçu délégation de signature pour les affaires relevant de sa compétence en qualité de sous-directrice d'administration centrale ; qu'ainsi le moyen soulevé manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X prétend que la décision attaquée est insuffisamment motivée ; que toutefois il ressort de la lecture de ladite décision que le ministre a procédé à un examen détaillé des circonstances dans lesquelles le salarié s'est livré à des actes illégaux et frauduleux constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; qu'ainsi le contrôle de la matérialité des faits ainsi que son imputabilité figurent dans la décision attaquée ; que la décision attaquée est, dès lors, suffisamment motivée ;
Considérant, en troisième lieu, que M. X allègue que les faits fautifs sont prescrits en application des dispositions de l'article L. 122-44 du code du travail qui dispose que la prescription est de deux mois à compter du moment où l'employeur a connaissance de la matérialité des faits fautifs et de leur imputabilité au salarié ; qu'en l'espèce il y a lieu de considérer que c'est le 19 avril 2004, date du dépôt du rapport d'expertise graphologique établi par un expert agréé par la Cour de Cassation, que l'employeur de M.X a eu connaissance des faits fautifs imputables à ce dernier ; et que l'intéressé a été convoqué à l'entretien préalable le 21 avril 2004, soit bien avant l'expiration du délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article L. 122-44 du code du travail ;
Sur les moyens de légalité interne :
Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, le licenciement de M. X est justifié par ses agissements déloyaux à l'égard de son employeur en violation de son contrat de travail, par sa participation à une activité commerciale au profit d'une autre entreprise, et, ainsi que l'ont reconnu tant l'inspecteur du travail que le ministre, par la violation des règles de vente à domicile, faits dont la gravité est de nature à justifier son licenciement ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X n'est pas fondé à contester le grief tiré de l'insuffisance des objectifs commerciaux réalisés ; qu'en effet, ainsi que le ministre l'a lui-même constaté, l'intéressé n'a pas rempli les quotas de vente qui lui étaient impartis ; que par ailleurs il ne ressort pas des pièces du dossier que l'employeur n'aurait pas proratisé ses objectifs en considération de ses mandats syndicaux, et que ce soit l'exercice desdits mandats, et non le fait de travailler pour des tiers, qui a empêché l'intéressé de réaliser les objectifs qui lui avaient été fixés ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. X aurait fait l'objet d'une discrimination syndicale et que la société UPC France aurait demandé l'autorisation de le licencier à raison de ses mandats ; que par ailleurs, préalablement à la demande de licenciement du requérant, le comité d'entreprise s'est prononcé à l'unanimité en faveur du licenciement pour faute grave au vu des pratiques exposées, des preuves apportées par le biais des attestations et de l'analyse graphologique, et des explications données par M. X ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE NC NUMERICABLE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité du 13 décembre 2004 autorisant le licenciement de M. X ;
Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. X, qui succombe dans la présente instance, tendant à la condamnation de la SOCIETE NC NUMERICABLE à lui verser la somme qu'il réclame, au titre des frais exposés dans la présente procédure et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SOCIETE NC NUMERICABLE, tendant à la condamnation de M. X à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions du même article ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun du 29 mai 2008 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE NC NUMERICABLE est rejeté.
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N° 08PA04709