La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2009 | FRANCE | N°08PA02420

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 19 mars 2009, 08PA02420


Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2008, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801465/6 du 27 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun a déclaré l'exécution forcée de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. Thomas X nulle et non avenue, a rejeté les conclusions du requérant tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution forcée dont il a fait l'objet comme portées devant

une juridiction incompétente pour en connaître, a annulé les décisions du ...

Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2008, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801465/6 du 27 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun a déclaré l'exécution forcée de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. Thomas X nulle et non avenue, a rejeté les conclusions du requérant tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution forcée dont il a fait l'objet comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, a annulé les décisions du PREFET DE POLICE du 23 octobre 2007 refusant à M. X un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination, a enjoint à l'autorité administrative de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et a condamné l'Etat à verser à l'intéressé une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Melun ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mars 2009 :

- le rapport de Mme Lecourbe, rapporteur,

- les conclusions de M. Bachini, rapporteur public,

- et les observations de M. X ;

Considérant que M. X, de nationalité camerounaise, né le 28 avril 1979 à Yaoundé, déclare être entré en France au cours de l'année 2002 et a souscrit le 17 mars 2003 un engagement de cinq ans auprès de la Légion étrangère ; qu'il a fait l'objet d'une procédure de réforme et a été rayé des contrôles de la Légion étrangère par une décision du 10 janvier 2007 ; que par arrêté en date du 23 octobre 2007, le PREFET DE POLICE a opposé un refus à sa demande de carte de résident fondée sur l'article L. 314-11 7° en sa qualité d'étranger ayant servi dans la Légion étrangère et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que le PRÉFET DE POLICE relève appel du jugement en date du 27 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Melun a déclaré l'exécution forcée de l'obligation de quitter le territoire français nulle et non avenue, a rejeté les conclusions du requérant tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution forcée dont il a fait l'objet comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, a annulé l'arrêté du 23 octobre 2007 et a enjoint au PRÉFET DE POLICE de délivrer à M. X une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

Sur la fin de non recevoir opposée par M. X :

Considérant que le jugement litigieux a été notifié au PREFET DE POLICE le 7 avril 2008 ; que le délai d'un mois dont disposait le préfet en vertu de l'article R. 775-10 du code de justice administrative pour présenter sa requête n'était donc pas expiré lors de l'enregistrement de celle-ci le 7 mai 2008 ; que, par suite, la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la requête doit être écartée ;

Sur les conclusions de la requête du PREFET DE POLICE :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative : « Par dérogation aux dispositions de l'article R. 811-10, le préfet présente devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat lorsque le litige est né de l'activité des services de la préfecture dans les matières suivantes : 1° Entrée et séjour des étrangers en France » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le PREFET DE POLICE n'a pas qualité pour contester le jugement en tant qu'il a déclaré nulle et non avenue l'exécution forcée de l'obligation de quitter le territoire français dès lors que cette exécution forcée n'a pas été le fait de services placés sous son autorité ;

Considérant que pour annuler l'arrêté litigieux, le Tribunal administratif de Melun a estimé que X remplissait les conditions lui ouvrant droit à une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour de M. X était présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur celui de l'article L. 313-11 7° du même code ; que le PREFET DE POLICE, après avoir rejeté la demande présentée sur le premier fondement, n'était pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé pouvait prétendre à un titre sur le fondement de l'article L. 313-11 7°; qu'il suit de là qu'en faisant droit au moyen inopérant soulevé par le requérant, tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a, par son jugement du 27 mars 2008, annulé l'arrêté du 23 octobre 2007 ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Melun et devant la Cour ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

Considérant que la décision de refus de titre de séjour contestée expose les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde ; que cette décision, qui prend en compte les circonstances propres à la situation particulière du demandeur, est suffisamment motivée au sens de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 7° A l'étranger ayant servi dans la Légion étrangère, comptant au moins trois ans de services dans l'armée française, titulaire du certificat de bonne conduite » ;

Considérant que M. X fait valoir qu'il a servi dans la Légion étrangère pendant quatre ans, du 17 mars 2003 au 1er avril 2007 et qu'il aurait obtenu le certificat de bonne conduite s'il n'avait pas dénoncé les faits de violences volontaires dont il avait été victime le 30 août 2006, qu'il n'a été réformé de la Légion étrangère que pour raison médicale et que la seule circonstance qu'il n'était pas titulaire du certificat de bonne conduite n'est pas un motif de refus légal ; que, toutefois, dès lors que l'intéressé n'était pas titulaire du certificat de bonne conduite, le préfet de police était tenu de refuser la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que si M. X entend exciper de l'illégalité de la décision de l'autorité militaire lui refusant la délivrance d'un certificat de bonne conduite au motif qu'elle serait insuffisamment motivée au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, ce moyen doit être écarté dès lors que ladite décision n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article premier de ladite loi ;

Considérant que si, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour « est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-33 », il résulte de ce qui précède que M. X n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DE POLICE n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour ; que si l'intéressé soutient en outre que les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont également été méconnues en ce qu'il a droit à la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort de l'analyse des pièces du dossier qu'il n'a pas sollicité de titre de séjour sur ce fondement ; que par suite, en prenant la décision attaquée, le PREFET DE POLICE n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant que pour les motifs exposés ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que dès lors qu'il a seulement sollicité une carte de résident au titre de l'article L. 313-14 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir son engagement comme légionnaire, M. X ne peut utilement soutenir que le refus qui lui a été opposé méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que s'il entend faire valoir sa situation familiale et privée il lui appartient de solliciter un titre de séjour sur ce fondement ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles » ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France : « I.- L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration » ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du même code : « L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d'un mois suivant la notification, demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif. Il peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Son recours suspend l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative dans les conditions prévues au titre V du présent livre » ;

Considérant que la circonstance que l'obligation de quitter le territoire ait fait l'objet d'une exécution avant que le juge administratif ait statué sur le recours en annulation présenté par M. X n'est pas de nature à faire regarder ladite obligation comme méconnaissant les stipulations susmentionnées de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle ne faisait pas, par elle-même, obstacle à l'introduction d'un recours juridictionnel lequel a un caractère suspensif en vertu des dispositions susmentionnées de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de X devant le Tribunal administratif de Melun doit être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt qui rejette la demande de X n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, pour le même motif, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 23 octobre 2007 en tant que celui-ci refuse à M. X la délivrance d'un titre de séjour ;

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 3 et 4 du jugement n° 0801465/6 du Tribunal administratif de Melun en date du 27 mars 2008 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2007 est rejetée.

2

N° 08PA02420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08PA02420
Date de la décision : 19/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Anne LECOURBE
Rapporteur public ?: M. BACHINI
Avocat(s) : BOUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-03-19;08pa02420 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award