Vu la requête sommaire, enregistrée le 3 juillet 2007 et les mémoires complémentaires, enregistrés le 12 octobre 2007 et le 28 janvier 2009, présentés pour Mme Stella X, élisant domicile ..., par Me Muriaux ; Mme X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0504920/6-3 en date du 8 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 14 décembre 2004 par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté sa réclamation en date du 25 octobre 2004 tendant à être indemnisée de la spoliation de ses biens à la suite de l'accession à l'indépendance de l'Etat du Vanuatu et à la condamnation de l'Etat français à l'indemniser de la perte définitive de ses biens à la suite de l'indépendance de ce pays et à lui verser d'une part la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices dont elle a été victime du fait de l'atteinte à son droit de propriété et d'autre part la somme 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance et de condamner l'Etat français à lui verser d'une part la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices constitués par la perte définitive de ses biens dont elle a été victime à la suite de l'indépendance du Vanuatu et d'autre part la somme 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ainsi que son protocole additionnel n° 1 ;
Vu la Constitution et son préambule ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ;
Vu la loi n° 79-1114 du 22 décembre 1979 ;
Vu la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ;
Vu la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987 de finances pour 1988 ;
Vu le décret n° 88-409 du 22 avril 1988 relatif à l'indemnisation des rapatriés des Nouvelles-Hébrides ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2009 :
- le rapport de M. Luben, rapporteur,
- les observations de Me Muriaux pour Mme X,
- et les conclusions de Mme Desticourt, rapporteur public ;
Considérant, en premier lieu, que la requérante fait valoir que la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée du fait qu'il a, après avoir incité les citoyens français à investir sur le sol du Vanuatu, soutenu l'accession à l'indépendance de cet Etat sans négocier avec les nouvelles autorités un accord sur l'expropriation des biens et placé, de fait, les ressortissants français détenteurs légaux de biens sur ce territoire dans une situation dangereuse, ne présentant pas le caractère d'un cas de force majeure, qui a eu pour effet de porter atteinte à leur droit de propriété par la spoliation de leurs biens ; que, cependant, les conditions dans lesquelles la responsabilité sans faute de l'Etat peut être engagée du fait des situations comportant un risque exceptionnel auquel certains citoyens français peuvent se trouver exposés ne sont pas réunies en l'espèce en raison, d'une part, de l'absence de liens de droit existant entre l'Etat et la requérante et, d'autre part, au motif que les préjudices incriminés ne résultent pas directement du comportement des autorités françaises mais sont imputables aux agissements d'un Etat étranger ;
Considérant, en second lieu, que si la requérante recherche également la responsabilité pour faute de l'Etat, les préjudices dont il demande la réparation résulteraient des conditions dans lesquelles s'est exercé l'accomplissement de la mission de protection des biens détenus par des citoyens français au Vanuatu au moment de l'accession de cet Etat à l'indépendance, qui incombe aux services diplomatiques et consulaires de l'Etat français et qui n'est pas détachable de l'exercice des pouvoirs du gouvernement dans les relations internationales ; que, comme l'ont à X droit estimé les premiers juges, les conclusions susvisées soulèvent une question qui n'est pas susceptible, par sa nature, de faire l'objet d'une action contentieuse ;
Considérant, au surplus et en premier lieu, qu'aux termes de l'article 100 de la loi de finances n° 87-1060 susvisée du 30 décembre 1987 : « Les rapatriés des Nouvelles-Hébrides, qui y avaient résidé habituellement pendant une période d'au moins trois ans avant la date d'accession à l'indépendance de ce pays, perçoivent une indemnité forfaitaire de 45 000 F pour la perte de biens de toute nature dont ils étaient propriétaires. Il n'est alloué qu'une indemnité par ménage. » ;
Considérant, d'une part, que la requérante fait valoir que l'indemnisation forfaitaire prévue par l'article 100 précité, qui serait inférieure à l'indemnisation qui aurait été consentie à d'autres catégories de rapatriés et qui ne correspondrait en rien à la valeur et à la singularité du patrimoine spolié, serait contraire à la fois au principe de solidarité nationale énoncé dans le préambule de la Constitution et à un principe général d'individualisation des préjudices ; que toutefois, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la constitutionnalité de l'article 100 de la loi susvisée du 30 décembre 1987 ni sa compatibilité avec le principe général sus énoncé ;
Considérant, d'autre part, que les dispositions précitées de l'article 100 n'ont ni pour objet ni pour effet de prévoir une indemnisation au franc le franc des spoliations de biens de toute nature dont des ressortissants français ont pu être victimes au Vanuatu du fait, direct ou indirect, de cet Etat, mais d'instituer une indemnité pour la perte desdits biens qui présente un caractère forfaitaire ; qu'ainsi, la requérante ne peut utilement soutenir que ladite indemnisation forfaitaire, qui ne constitue pas la compensation d'une cession qui serait intervenue sous la contrainte de l'Etat français, méconnaîtrait les dispositions de l'article 545 du code civil, aux termes desquelles « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité » ; que, pour le même motif, et alors que l'ingérence dans le droit de la requérante au respect de ses biens n'est pas le fait de l'Etat français, la requérante ne peut utilement soutenir que les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international », auraient été méconnues par celui-ci ;
Considérant, en deuxième lieu, que si la requérante soutient que l'Etat, qui n'a réagi aux multiples demandes d'indemnisation des familles rapatriées des Nouvelles-Hébrides depuis la spoliation intervenue en 1980 qu'en versant une indemnité forfaitaire de 45 000 F, a ainsi méconnu l'obligation de respecter un délai raisonnable garanti par l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, les stipulations dudit article ne s'appliquent qu'aux seules procédures juridictionnelles ; que ce moyen doit, par suite, être écarté comme inopérant ;
Considérant, en troisième lieu, que le législateur qui a, par la disposition législative précitée, organisé un régime propre de réparation pour les rapatriés des Nouvelles- Hébrides, a entendu exclure toute autre forme d'indemnisation ; que, dès lors, la requérante, qui a d'ailleurs bénéficié de l'indemnité de 45 000 F prévue par l'article 100 de la loi du 30 décembre 1987 précitée, ne saurait utilement invoquer une atteinte au principe de personnalité du préjudice ni la rupture de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ;
Considérant enfin que si la requérante soutient qu'une atteinte a été portée par l'Etat au principe de légalité et invoque à cette fin les dispositions « contenues dans la Constitution, incluant celles du Préambule et les textes auxquels il renvoie - le Préambule de la Constitution de 1946, la Déclaration de 1789, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme » -, ce moyen, qui n'est assorti d'aucune précision de nature à permettre à la cour d'en apprécier le bien fondé, doit être écarté pour ce motif ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 14 décembre 2004 par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté sa réclamation en date du 25 octobre 2004 tendant à être indemnisée de la spoliation de ses biens à la suite de l'accession à l'indépendance de l'Etat du Vanuatu et à la condamnation de l'Etat français à l'indemniser de la perte définitive de ses biens à la suite de l'indépendance de ce pays et à lui verser d'une part la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices dont elle a été victime du fait de l'atteinte à son droit de propriété et d'autre part la somme 10 000 euros au titre de son préjudice moral ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme Stella X est rejetée.
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N° 07PA02365