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28/01/2009 | FRANCE | N°07PA02478

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 28 janvier 2009, 07PA02478


Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2007, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS, ayant son siège social 21 rue Georges Auric à Paris (75948), par Me Bossu ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0424799/6-3 en date du 25 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 164 763, 11 euros en remboursement des prestations exposés au profit de

M. Alexandre X, ainsi que la somme de 243 380, 72

euros au titre des dépenses résultant des frais futurs ;

2°) de condamne...

Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2007, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS, ayant son siège social 21 rue Georges Auric à Paris (75948), par Me Bossu ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0424799/6-3 en date du 25 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 164 763, 11 euros en remboursement des prestations exposés au profit de

M. Alexandre X, ainsi que la somme de 243 380, 72 euros au titre des dépenses résultant des frais futurs ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser ces sommes, augmentées des intérêts de droit, versés, pour ce qui est des frais futurs, à compter de leur engagement, ou de la décision à intervenir si le tiers opte pour un versement en capital ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 1 000 euros ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 janvier 2009 :

- le rapport de M. Demouveaux, rapporteur,

- les observations de Me de Bary, pour les consorts X-A,

- et les conclusions de M. Jarrige, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, des rapports d'expertise du professeur Y et du professeur Z que

M. X, alors âgé de 22 ans, a été victime d'une chute, le 12 janvier 1999, alors que profitant d'un défaut de surveillance, il s'était échappé du service psychiatrique de l'hôpital d'instruction des armées Percy à Clamart où il était hospitalisé ; qu'à la suite de cette chute, il se trouve de manière définitive atteint d'une paraplégie sensitivo-motrice totale avec fonte musculaire, troubles sphinctériens majeurs et niveau sensitif D10 ; que, par un jugement avant dire droit du 14 juin 2005 devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris a déclaré l'Etat intégralement responsable des conséquences dommageables de l'accident ainsi survenu et a ordonné un supplément d'instruction afin de lui permettre de se prononcer sur l'évaluation des préjudices encourus; que, par le jugement susvisé du 25 mai 2007, le tribunal a condamné l'Etat à verser à M. X la somme de 147 186, 23 euros, à Mme Chantal A la somme de 15 000 euros, à M. Guillaume A-X la somme de 3 000 euros, à Mme Camille A la somme de 2 500 euros et, respectivement, à Mme Nadine B, Mlle Ilana B, Mme Pascaline C et M. Sydney A la somme de 1 euro ; qu'il a en revanche rejeté les conclusions présentées par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS ; que celle-ci relève appel de ce jugement et en demande l'annulation ;

Sur la régularité du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 431-2 du code de justice administrative : « Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avoué en exercice dans le ressort du tribunal administratif intéressé, lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né d'un contrat. » ; qu'aux termes de l'article R. 612-1 du même code : « Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / Toutefois, la juridiction d'appel ou de cassation peut rejeter de telles conclusions sans demande de régularisation préalable pour les cas d'irrecevabilité tirés de la méconnaissance d'une obligation mentionnée dans la notification de la décision attaquée conformément à l'article R. 751-5. / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7. » ;

Considérant que lorsque le tribunal administratif invite une des parties à régulariser sa demande dans un délai qu'il fixe, il doit attendre, pour clore l'instruction et pour statuer, l'expiration de ce délai ou l'accomplissement de la régularisation demandée, alors même qu'il n'aurait pas été tenu par les dispositions de l'article R. 621-1 précité d'adresser une telle invitation ;

Considérant que, dans un mémoire en date du 28 février 2007, notifié à l'intéressée le

6 mars 2007, le ministre de la défense a opposé aux conclusions de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS une fin de non recevoir tirée du défaut de ministère d'avocat ; que le vice-président de la 6ème section du Tribunal administratif de Paris a, par lettre du 6 mars 2007 reçue le 8 mars 2007, et alors qu'il n'y était pas tenu, attiré l'attention de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS sur le fait que sa demande devait, en application de l'article R. 431-2 du même code, être présentée et signée par l'un des mandataires énumérés audit article et il l'a mise en demeure de régulariser sa demande sur ce point dans un délai d'un mois suivant la réception de sa lettre ; que par un mémoire adressé par télécopie au greffe du tribunal le 16 mars 2007, soit au jour de l'audience et à l'intérieur du délai qui lui était imparti, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS a régularisé sa demande en la faisant signer par l'un des mandataires énumérés à l'article R. 431-2 du code susvisé ; que, sans rouvrir l'instruction, le tribunal administratif a rejeté cette demande comme irrecevable au regard des dispositions dudit article ; que la caisse est fondée à soutenir que ce jugement a été rendu au terme d'une procédure irrégulière ; qu'il y a donc lieu pour la cour d'annuler ledit jugement et d'évoquer l'affaire ;

Sur l'évaluation du préjudice subi par M. X :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007, le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste du préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste du préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

S'agissant des dépenses de santé :

Considérant, en premier lieu, que l'ensemble des frais d'hospitalisation, des frais médicaux et pharmaceutiques et des frais d'hospitalisation, de rééducation et de transport exposés par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS s'élève à un montant non contesté de 125 126, 06 euros ; que, dans le dernier état de ses écritures, la caisse justifie en outre des frais futurs qu'elle sera contrainte d'exposer pour un montant de

44 928, 45 euros ; que, si M. X déclare procéder à des examens cytobactériologiques des urines avec une fréquence moindre que celle qui est estimée par la caisse, il n'en résulte pas que la caisse aurait fait une évaluation excessive des frais qu'elle sera conduite à exposer dans le futur dès lors qu'elle a fait application d'un barème de capitalisation moins avantageux que celui qui, utilisé par M. X et par le ministre de la défense, résulte des tables d'espérance de vie publiées par l'INSEE en 2001 et d'un taux d'intérêt de 3,20% ; que si M. X fait valoir en outre qu'il fait plus fréquemment appel à des médecins spécialistes et à un psychiatre que ce qui est estimé utile par la caisse, il n'établit pas la nécessité du nombre de ces consultations ni leur lien direct avec l'accident, eu égard notamment à ses antécédents psychiatriques ; que la partie du poste des dépenses de santé prises en charge par la caisse, et dont celle-ci est en droit de demander le remboursement, s'élève donc à la somme de 170 054, 51 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X demande, pour sa part, à être indemnisé des frais médicaux exposés par lui et non remboursés depuis la fin de sa période d'incapacité temporaire totale, soit au 31 décembre 2003, ainsi que des frais futurs restant à sa charge, soit des frais de pédicurie et d'achat de crèmes hydratantes et stimulante du système respiratoire, de sondes urinaires et de compresses ; qu'il produit à cette fin, dans le dernier état de ses écritures, un décompte faisant état de la somme de 18 076, 29 euros, se décomposant en 10 066, 43 euros au titre des arrérages et 8 009, 86 euros au titre des frais futurs ; qu'en ce qui concerne toutefois les frais de pédicurie, s'il a été conseillé à M. X par son médecin généraliste, le 20 janvier 2003, de se faire donner des soins de pédicure à domicile une fois par mois, il ne justifie avoir eu recours à de tels soins que pour la somme totale de 62 euros ; que, par suite, il y a lieu de déduire de ce décompte la somme de 1 332 euros demandée au titre des arrérages de ces soins exposés à la date du 30 juin 2008, ainsi que la somme de

5 597, 93 euros qui, demandée au titre des frais futurs, ne saurait, eu égard au défaut de nécessité des soins en question, être regardée comme justifiée dans son principe ; que l'Etat doit donc être condamné à verser à M. X au titre de la part non remboursée de ses dépenses de santé la somme de 11 146, 36 euros, laquelle se décompose ainsi en 8 734, 43 euros pour les arrérages et 2 411, 93 euros pour les frais futurs ;

Considérant que le total des sommes qui peuvent être mises à la charge de l'Etat sur ce poste s'élève en conséquence à 181 200, 87 euros dont 170 054, 51 euros sont dus à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS et 11 146, 36 euros à

M. X ;

S'agissant des frais liés au handicap :

Considérant, en premier lieu, qu'en ce qui concerne les frais liés au handicap de

M. X, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS justifie avoir exposé les sommes de 37 043, 62 euros au titre des frais de petit appareillage et de 559, 99 euros pour un fauteuil roulant, soit le montant total non contesté de 37 603, 61 euros ; que, dans le dernier état de ses écritures, la caisse demande en outre le paiement des frais futurs qu'elle sera contrainte d'exposer pour un fauteuil roulant manuel, un coussin anti-escarres, un appareil à verticalisation et un matelas anti-escarres, du Penilex, des sondes urinaires et poches à urine ; que ces frais s'élèvent, selon elle, à un montant de 173 865, 13 euros ; que

M. X déclare toutefois sans être contredit, consommer du Penilex dans des proportions moindres que ce qui est indiqué par la caisse, ce qui conduit à diminuer de

3 066 euros le coût annuel des soins exposés par la caisse ; qu'en appliquant à ce coût un coefficient multiplicateur de 24, 129 résultant des paramètres indiqués précédemment et de l'âge du requérant en 2007 et qui est adopté tant par le ministre que par M. X, il y a ainsi lieu de ramener à 165 745, 12 euros la somme dont la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS est en droit de demander le paiement au titre des frais futurs ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X justifie, au vu des factures versées au dossier et relatives à des achats de fauteuil roulant, de coussins adaptés, d'un élévateur de bains et d'un appareil à verticalisation, ainsi que de divers frais de réparation et d'entretien, d'un montant indemnisable de 7 251, 16 euros, compte tenu de la correction d'une erreur liée à la facture du 30 novembre 2000, celle-ci indiquant, pour l'achat de l'appareil, un montant total non remboursable par la caisse de 173, 49 euros au lieu des 191, 94 euros demandés devant la cour ; que le requérant sollicite également l'indemnisation des frais futurs qu'il devra exposer au titre des dépenses de matériel liées à son handicap ; que compte tenu de la part prise en charge par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS et étant précisé que le requérant a, à la date du 31 décembre 2007, résilié son contrat avec la mutuelle Intégrance, celui-ci estime à 72 919, 10 euros le montant des dépenses de matériel médical que son état nécessite à l'avenir et qui resteront à sa charge ; que cette estimation correspond aux dépenses exposées directement par lui, affectées du coefficient de capitalisation sus-indiqué ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, rien ne s'oppose donc à ce que cette estimation soit retenue ;

Considérant, en troisième lieu, que l'état de santé de M. X, dont la période d'hospitalisation s'est achevée le 21 août 2000, a nécessité, à compter de cette date, l'assistance quotidienne d'une tierce personne, assurée par sa mère à raison de 4 heures par jour ; que le requérant est dès lors fondé à demander à ce titre une indemnité de 112 308, 70 euros correspondant aux charges exposées à ce titre et non prises en charge par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS ; qu'il estime, d'autre part, à 433 526, 71 euros les charges qu'il sera amené à supporter dans le futur ; qu'il ne peut toutefois être tenu pour établi que M. X bénéficiera, sa vie durant, d'un mode d'assistance insusceptible d'être, ne serait-ce qu'en partie, supporté par les organismes sociaux ; que compte tenu de cette incertitude, il y a lieu de limiter à la somme de 300 000 euros l'indemnité allouée à

M. X à ce titre ; que le caractère indéterminé de la période pendant laquelle ce dernier bénéficiera de l'assistance de sa mère et, en tout état de cause, non viager justifie, par ailleurs, que la somme en question lui soit versée en capital et non en rente ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. X est fondé à demander à l'Etat le remboursement de la somme de 5 989, 23 euros, correspondant au montant actualisé de la location de la place de parking supplémentaire qu'a nécessité son handicap entre avril 2000 et mai 2006, de la somme de 6 996, 26 euros relative à la mise en place d'un monte-escalier dans son appartement, de la somme de 44 820, 98 euros correspondant au montant actualisé des frais d'adaptation de son véhicule et de la somme de 231, 72 euros correspondant au coût d'obtention d'un permis de conduire spécialisé ; qu'en conséquence, M. X est fondé à solliciter à ces divers titres la somme totale de 58 038, 19 euros ; qu'en revanche, il n'est pas établi, à l'exception des travaux de déplacement de la cuvette des WC dont le coût spécifique n'est pas précisé, que les travaux, d'un coût de 22 482, 02 euros, envisagés par l'intéressé en vue de l'aménagement et de la rénovation de son logement soient en lien direct avec son handicap ; qu'il en est de même des sommes engagées en vue de l'acquisition d'un ordinateur et d'un scanner et qui ne peuvent, pour cette raison, ouvrir droit à indemnité à son profit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le total des sommes qui peuvent être mises à la charge de l'Etat sur ce poste s'élève en conséquence à 887 392, 59 euros dont 203 348, 73 euros sont dus à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS et 550 517, 15 euros à M. X ;

S'agissant des pertes de revenus :

Considérant, d'une part, que si, pour la période du 30 juin 1999 au 10 avril 2001, il existe une différence de 10 530, 06 euros entre, d'une part, le salaire mensuel net auquel

M. X aurait pu prétendre s'il n'avait pas été accidenté, qui s'élevait à la somme de 579, 79 euros, et d'autre part, les indemnités journalières qui lui ont été accordées durant cette période, il résulte de l'instruction que l'intéressé a également perçu pour la période du 20 avril 1999 au 19 avril 2002 une pension militaire d'invalidité d'un montant total de 37 427, 36 euros ; qu'ainsi il n'a subi aucune perte de revenus au titre de cette période ;

Considérant, d'autre part, que M. X, dont le contrat de travail de vendeur a été suspendu et non résilié pendant la période de son service militaire, doit également être indemnisé de la perte de revenus qu'il a subie entre le 10 avril 2001 et le 31 octobre 2007, ainsi que du manque à gagner futur qu'il subira du fait de son handicap, lequel s'il ne lui interdit pas toute reprise d'activité, ne lui permettra pas de retrouver le niveau de rémunération auquel il aurait pu normalement prétendre ; qu'eu égard, toutefois, à la faible qualification de l'emploi qu'exerçait M. X avant son incorporation, et pour lequel il percevait un salaire sensiblement inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance, eu égard également à l'incertitude qui s'attachait pour lui au maintien de cet emploi, il sera fait une juste évaluation de la perte de revenus subie par M. X en l'estimant à

200 000 euros ; que cette somme est toutefois inférieure au capital représentatif de la pension définitive, prenant effet à compter du 20 avril 2002, qui lui a été allouée par arrêté du 22 juin 2006, et qui s'élève à 325 698, 10 euros ; qu'en conséquence, M. X ne peut se prévaloir d'un préjudice certain tiré d'un prétendu manque à gagner ;

Considérant en revanche que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS justifie avoir exposé la somme de 2 034, 44 euros au titre des indemnités journalières versées à M. X du 1er juillet 1999 au 31 décembre 1999 ; qu'il y a donc lieu de condamner l'Etat à lui payer cette somme ;

En ce qui concerne les préjudices personnels :

Considérant, en premier lieu, que M. X reste atteint d'une incapacité permanente partielle de 75% ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence subis de ce fait par M. X en les évaluant à

250 000 euros ; que M. X, qui pratiquait des activités sportives, a également subi un préjudice d'agrément ainsi qu'un important préjudice sexuel, qui, compte tenu de son âge, seront indemnisés à hauteur de 50 000 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que les souffrances physiques endurées par M. X ont été évaluées à 6 sur une échelle de 7 ; qu'il a souffert de surcroît d'un préjudice esthétique évalué, sur la même échelle, à 5 ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation de ces chefs de préjudice en les fixant respectivement à 15 000 euros et 13 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les préjudices personnels de

M. X s'élèvent à la somme cumulée de 328 000 euros ;

Sur l'évaluation du préjudice subi par Mme A, M. A-X, Mme B, Mlle B, Mme C et M. A :

Considérant, d'une part, qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme Chantal A, mère de la victime, en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros et de celui subi par M. Guillaume A-X, frère de la victime, en condamnant l'Etat à lui verser la somme de

500 euros ;

Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme Camille A, grand-mère de la victime, Mme Nadine B, sa tante, Mlle Ilana B, sa cousine, Mme Pascaline C, sa tante et M. Sydney A, son oncle, aient subi un préjudice moral dont ils soient fondés à demander la réparation ;

Sur les sommes à payer :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etat, en premier lieu, doit être condamné à payer à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS la somme de 375 437, 68 euros, dont 170 054, 51 euros au titre des dépenses de santé, 203 348, 73 euros au titre des frais liés au handicap et 2 044, 44 euros au titre des indemnités journalières ; que sur cette somme, 210 673, 57 euros sont dus au titre des frais futurs ; qu'en l'absence d'accord du tiers responsable sur le versement d'un capital, ces frais ne sont dus qu'au fur et à mesure des débours et doivent par conséquence être remboursés par l'Etat à concurrence des sommes effectivement versées par la caisse dans la limite d'un capital représentatif égal à ladite somme de 210 673, 57 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X doit être indemnisé, pour sa part, de la somme de 889 663, 51 euros, dont 11 146, 36 euros et 550 517, 15 euros au titre des dépenses de santé et des frais liés à son handicap non remboursés par les organismes sociaux, ainsi que de la somme de 328 000 euros au titre de son préjudice purement personnel ; que sur cette somme, 375 331, 03 euros sont dus au titre des frais futurs ; qu'en l'absence d'accord du tiers responsable sur le versement d'un capital en ce qui concerne la partie de cette somme sur laquelle le présent arrêt ne se prononce pas, soit la somme de 75 331, 03 euros, ces frais ne sont dus qu'au fur et à mesure des débours et doivent par conséquence être remboursés par l'Etat à concurrence des sommes effectivement versées par la caisse dans la limite d'un capital représentatif égal à ladite somme de 75 331, 03 euros ; que la somme que l'Etat doit être condamné à payer à M. X en dehors de ces frais, s'élève donc à

814 332, 48 euros ; qu'enfin M. X, en exécution du jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris, a déjà reçu de l'Etat la somme de 247 186, 23 euros, somme que celui-ci est, dès lors, fondé à déduire de l'indemnité mise à sa charge par le présent arrêt ;

Considérant, en troisième lieu, que si l'Etat est condamné par le présent arrêt à payer à Mme Chantal A la somme de 10 000 euros et à M. A-X la somme de 500 euros, il résulte de l'instruction que ces derniers ont déjà reçu, de l'Etat, au-delà des sommes qui leur sont ainsi accordées ; que l'Etat n'est donc plus redevable à leur endroit ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 164 763, 11 euros à compter du

8 novembre 2006, date d'enregistrement de sa demande auprès du Tribunal administratif de Paris et, pour le surplus, à compter de la date de versement des prestations ;

Considérant que M. X a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 514 339, 41 euros, correspondant aux frais exposés et aux préjudices personnels, à compter du 29 décembre 2003, date de la réception de sa demande préalable ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par lui le 16 décembre 2005 ; qu'à cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, puis d'accorder la capitalisation à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 086, 66 euros par l'ordonnance susvisée du vice-président du Tribunal administratif de Paris ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens et la somme de 1 000 euros exposée par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement en date du 25 mai 2007 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS la somme de 164 764, 11 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du

8 novembre 2006. L'Etat lui remboursera, en outre, au fur et à mesure de ses débours, les frais médicaux, pharmaceutiques et de réparation et renouvellement d'appareillage nécessités par l'état de santé de M. X, dans la limite d'un capital représentatif de 210 673, 57 euros.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. X la somme de

814 332, 48 euros sous déduction de la somme déjà versée de 247 186, 23 euros. Les intérêts au taux légal courront à compter de la date du 29 décembre 2003 sur la somme de

514 339, 41 euros. Les intérêts échus à la date du 16 décembre 2005 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. L'Etat remboursera, en outre, à M. X, au fur et à mesure de ses débours, les frais médicaux, pharmaceutiques et de réparation et renouvellement d'appareillage nécessités par son état de santé, dans la limite d'un capital représentatif de 75 331, 03 euros.

Article 4 : L'Etat est condamné à verser à Mme Chantal A la somme de 10 000 euros et à M. Guillaume A la somme de 500 euros, sous déduction des sommes qui leur ont déjà été versées.

Article 5 : L'Etat versera à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS la somme de 1 000 euros et aux consorts X-A pris solidairement la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les frais et honoraires de l'expertise confiée à M. Z et taxés à la somme de 1 086, 66 euros par l'ordonnance du vice-président du tribunal en date du

15 novembre 2002 sont mis à la charge de l'Etat.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

2

N° 07PA02478


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 07PA02478
Date de la décision : 28/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre DEMOUVEAUX
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : BOSSU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2009-01-28;07pa02478 ?
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