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31/12/2008 | FRANCE | N°06PA03289

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7éme chambre, 31 décembre 2008, 06PA03289


Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2006, présentée pour la société à responsabilité limitée GALLAHER FRANCE, dont le siège social est situé 77 rue Marcel Dassault à Boulogne Cedex (92773), par la société d'avocats FIDAL ; la société GALLAHER FRANCE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0008619/1 en date du 5 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle

a été assujettie, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, au titre des années ...

Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2006, présentée pour la société à responsabilité limitée GALLAHER FRANCE, dont le siège social est situé 77 rue Marcel Dassault à Boulogne Cedex (92773), par la société d'avocats FIDAL ; la société GALLAHER FRANCE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0008619/1 en date du 5 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, au titre des années 1994, 1995 et 1996 et, en ce qui concerne la contribution de 10 %, au titre des années 1995 et 1996 et des pénalités dont ces cotisations ont été assorties ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 25 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2008 :

- le rapport de M. Dalle, rapporteur ;

- et les conclusions de Mme Isidoro, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'activité de la société GALLAHER FRANCE consiste à promouvoir les produits de ses clients, lesquels sont des sociétés de fabrication et de vente de cigarettes en concevant et en mettant en oeuvre des campagnes auprès des buralistes détaillants ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er décembre 1993 au 30 novembre 1996, à l'issue de laquelle des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur l'impôt sur les sociétés ont été mis à sa charge ; qu'elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par une décision en date du 27 avril 2007, postérieure à l'introduction de la présente requête, le chef des services fiscaux a prononcé un dégrèvement d'un montant total, en droits et pénalités, de 239 659 F (36 535,78 euros), portant sur une fraction de l'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société GALLAHER FRANCE au titre de l'année 1994, sur la majoration de 10 % pour insuffisance de versement prévue à l'article 1761 du code général des impôts et sur les intérêts de retard ; que les conclusions de la requête sont donc, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

Considérant qu'aux termes de l'article 240 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : « I. Les personnes physiques qui, à l'occasion de l'exercice de leur profession, versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes dans les conditions prévues aux articles 87,87 A et 89, lorsqu'elles dépassent 500 F par an pour un même bénéficiaire. Ces sommes sont cotisées, au nom du bénéficiaire, d'après la nature d'activité au titre de laquelle ce dernier les a perçues. 1 bis. La déclaration prévue au 1 doit faire ressortir distinctement pour chacun des bénéficiaires le montant des indemnités ou des remboursements pour frais qui lui ont été alloués ainsi que, le cas échéant, la valeur réelle des avantages en nature qui lui ont été consentis. 2. Les dispositions des 1 et 1 bis sont applicables à toutes les personnes morales ou organismes, quel que soit leur objet ou activité (...) » ; qu'aux termes de l'article 238 du même code : « Les personnes physiques et les personnes morales qui n'ont pas déclaré les sommes visées au premier alinéa du 1 de l'article 240 perdent le droit de les porter dans leurs frais professionnels pour l'établissement de leurs propres impositions. Toutefois, cette sanction n'est pas applicable en cas de première infraction, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite (...) » ;

Considérant que la société GALLAHER FRANCE a recours pour son activité de promotion à des attachés commerciaux, qu'elle charge de visiter les débitants de tabac ; que les redressements litigieux procèdent de la réintégration dans les résultats imposables de la société, des dépenses exposées par celle-ci pour l'achat d'objets divers, tels que lave-vaisselle, caméscopes, chaînes CD, vélos VTT, friteuses, machines à laver, fours à micro-ondes, aspirateurs, télévisions, etc. ...que ses attachés commerciaux remettent gratuitement aux débitants de tabac ; que l'administration a estimé que ces remises d'objets équivalaient à des rémunérations versées à des tiers, au sens de l'article 240 du code général des impôts, qu'en l'absence de déclaration au service des impôts la société ne pouvait déduire de ses résultats ; que la requérante soutient que ces objets étaient de simples cadeaux et que les dépenses correspondantes, qui n'étaient pas excessives et qui avaient été engagées dans l'intérêt de l'entreprise, étaient déductibles, par application des dispositions de l'article 395 du code général des impôts ;

Considérant que l'administration fiscale a relevé que les contrats passés par la société GALLAHER FRANCE avec ses attachés commerciaux faisaient référence à des services susceptibles d'être rendus par les débitants de tabac, comme la disposition adéquate des produits, la promotion de ceux-ci auprès des consommateurs ou l'information de la société GALLAHER FRANCE sur les actions des entreprises concurrentes ; que la valeur des objets distribués aux débitants de tabac au titre des exercices clos en 1994, 1995 et 1996 s'est élevée respectivement à 2 414 713 F, 1 344 918 F et 3 994 442 F et a excédé, pour chacun de ces exercices, les bénéfices de la société ; que ces faits n'étant pas sérieusement contestés, l'administration doit ,dans ces conditions, être regardée comme apportant la preuve que les remises d'objets en cause constituaient ,compte tenu l'activité de la société GALLAHER FRANCE, la contrepartie de prestations réalisées à son profit par les débitants de tabac ; qu'il suit de là que la société GALLAHER FRANCE, qui entrait dans le champ de l'article 240 du code général des impôts, pouvait voir ces dépenses réintégrées par le service dans ses résultats imposables ;

Considérant que, d'une part, la circonstance que l'administration n'a pas évalué la valeur des prestations accomplies par les débitants, la valeur des objets qu'ils ont reçu et l'importance relative des cadeaux par rapport aux rémunérations allouées au titre des prestations, n'a aucune incidence sur le bien-fondé du redressement dès lors qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, c'est l'ensemble du montant des objets remis aux débitants qui doit être assimilé aux sommes visées par les dispositions précitées de l'article 240 ; qu'ainsi, l'administration n'avait pas à distinguer, parmi tous les objets reçus par les bénéficiaires, ceux qui correspondraient à des cadeaux et ceux qui correspondraient à des rémunérations entrant dans le champ de l'article 240 ; que, d'autre part, l'administration pouvait procéder à la réintégration des frais litigieux alors même que les résultats de la société GALLAHER FRANCE n'avaient pas été affectés par les déductions de charges correspondantes, du fait de leur refacturation aux clients ;

Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte aux droits que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général, ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes » ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 1er du premier protocole additionnel que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement de l'impôt ; que la réintégration des sommes non déclarées en tant que rémunérations, prévue à l'article 238 du code général des impôts, a pour objet de sanctionner le défaut de souscription de la déclaration mentionnée à l'article 240 par les personnes les versant à des tiers, de les dissuader d'avoir un comportement de nature à faire échapper à l'impôt les sommes versées et de réparer le préjudice ainsi causé au Trésor ; que, par suite, le supplément d'impôt qui en résulte, qui n'est pas d'application automatique, ainsi qu'il ressort de l'article 238 précité, ne saurait être regardé, compte tenu de son objectif et de sa portée, comme méconnaissant le respect dû aux biens du contribuable en vertu de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les intérêts moratoires :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales : « Lorsqu'une juridiction rejette totalement ou partiellement la demande d'un contribuable tendant à obtenir l'annulation ou la réduction d'une imposition établie en matière d'impôts directs à la suite d'un redressement ou d'une taxation d'office, les cotisations ou fractions de cotisations maintenues à la charge du contribuable et pour lesquelles celui-ci avait obtenu un sursis de paiement, donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires au taux de l'intérêt légal » ;

Considérant que la société GALLAHER FRANCE demande la décharge des intérêts moratoires dont le paiement lui est réclamé en application des dispositions précitées, à la suite du rejet de sa demande par le tribunal administratif, en faisant valoir que le supplément d'impôt résultant de l'application de l'article 238 du code général des impôts a le caractère d'une sanction et que les intérêts moratoires de l'article L. 209 ne peuvent concerner que des impositions ; que, toutefois, même si la mise en oeuvre des dispositions de l'article 238 aboutit à une sanction, elle se traduit par une imposition, au sens de l'article L. 209 précité du livre des procédures fiscales, pouvant donner lieu à l'application des intérêts moratoires prévus par ce texte ; que dès lors et sans qu'il soit nécessaire d'examiner leur recevabilité, il y a lieu de rejeter les conclusions de la société GALLAHER tendant à la décharge des intérêts moratoires ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requérante tendant au remboursement des frais qu'elle a exposés, présentées sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société GALLAHER FRANCE à concurrence du dégrèvement d'un montant total, en droits et pénalités, de 36 535,78 euros, portant sur une fraction de l'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 1994, sur la majoration de 10 % pour insuffisance de versement prévue à l'article 1761 du code général des impôts et sur les intérêts de retard.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société GALLAHER FRANCE est rejeté.

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N° 06PA03289


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7éme chambre
Numéro d'arrêt : 06PA03289
Date de la décision : 31/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: Mme ISIDORO
Avocat(s) : CABINET FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-12-31;06pa03289 ?
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