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18/12/2008 | FRANCE | N°03PA02577

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 18 décembre 2008, 03PA02577


Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2003, présentée pour M. Christian X, demeurant ..., par Me Nedelec ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 22 avril 2003 en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris en date du 26 octobre 1999 refusant l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de l'intervention chirurgicale effectuée le 17 novembre 1994 à l'Hôpital Beaujon à Paris ;

2°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris

à lui verser une somme de 141 320, 24 euros en réparation dudit préjudice, a...

Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2003, présentée pour M. Christian X, demeurant ..., par Me Nedelec ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 22 avril 2003 en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris en date du 26 octobre 1999 refusant l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de l'intervention chirurgicale effectuée le 17 novembre 1994 à l'Hôpital Beaujon à Paris ;

2°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 141 320, 24 euros en réparation dudit préjudice, ainsi que les intérêts au taux légal et les intérêts des intérêts ;

3°) à ce qu'il soit ordonné à titre subsidiaire un supplément d'expertise ;

4°) plus subsidiairement encore de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 28 264, 05 euros ainsi que les intérêts au taux légal et les intérêts des intérêts ; de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 7 622, 45 euros au titre des frais irrépétibles ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2008 :

- le rapport de M. Coiffet, rapporteur,

- les observations de Me Nedelec pour M. X,

- et les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, atteint depuis l'enfance d'une syringomyélie et d'une malformation de Chiari, a subi le 17 novembre 1994 une intervention chirurgicale à l'hôpital Beaujon à Paris aux fins d'une reprise de décompression cervicale et d'un drainage de la cavité syringomyélique ; qu'à la suite de cette intervention, l'intéressé a présenté des troubles sensitifs accrus du membre supérieur droit ; que M. X considérant que cette opération n'était pas justifiée faute de toute aggravation de son état a demandé à être indemnisé à raison des conséquences de ladite intervention ; que le Tribunal administratif de Paris, au vu des énonciations du rapport d'expertise établi le 20 avril 2001, a par jugement du 22 avril 2003 rejeté la demande M. X; que par un premier arrêt lu le 30 avril 2007, la Cour de céans, après avoir confirmé la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif par M. X le 25 juin 2001, et estimant qu'il existait des motifs de contestation sérieux concernant la conduite ainsi que les conclusions dudit rapport, a annulé le jugement du Tribunal administratif de Paris du 22 avril 2003 et décidé de procéder avant de statuer sur la demande d'indemnité à un complément d'expertise en vue de déterminer si l'intervention du 27 novembre 1994 était justifiée en raison d'une aggravation de l'état neurologique du patient ;

Sur les conclusions indemnitaires de M. X :

Sur le principe de responsabilité :

Sur la faute médicale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, porteur d'une syringomyélie avec scoliose et malformation congénitale d'Arnold Chiari, a subi une première intervention à l'hôpital Foch en 1975 pour décomprimer la région cervico-occipitale ; que la symptomatologie s'est progressivement aggravée et compliquée, une sciatique droite s'installant à partir de 1982, nécessitant une seconde intervention réalisée à l'hôpital Beaujon en 1984 où il a été procédé à une dérivation veineuse ; qu'une troisième intervention a eu lieu en 1985 à l'hôpital de la Pitié consistant en une ligature du tronc veineux réno-azygolombaire ; qu'à compter de 1991, M. X a été suivi à l'hôpital Beaujon par le même professeur, qui le 5 octobre 1992 a noté sur l'IRM cervicale de contrôle : « Globalement stable » et «Cavité stable. A revoir tous les ans » ; qu'à partir de l'été 1994 la question d'une ré intervention va cependant être posée par ce professeur lequel, après avoir relevé la permanence d'une sciatique droite jour et nuit, va constater le 3 octobre 1994 sur la base d'une IRM dorsale effectuée le 13 septembre 1994: «Va un peu mieux depuis un mois mais IRM aggravée, cavité jusqu'en D10. A opérer. Reprise de la décompression cervico-occipitale » ; que c'est dans ces conditions que M. X a subi l'intervention litigieuse le 17 novembre 1994 ; que le requérant soutient qu'alors que son état neurologique était considéré comme stable tant sur le plan clinique que sur le plan radiologique en particulier aux dates des différentes IRM : 1987, 1990 et 1992, il n'est pas démontré une aggravation de son état en particulier entre les consultations de 1992 et 1994 justifiant une ré intervention en novembre 1994 ;

Considérant que le professeur Y, neurochirurgien des hôpitaux, expert désigné par ordonnance du 8 juin 2007, a, dans son rapport adressé à la cour le 16 juillet 2008, d'une part, constaté sur la base des observations faites à la suite de l'hospitalisation de 1984 l'existence dès cette époque des troubles de sensibilité descendant jusqu'à l'ombilic, c'est-à-dire de niveau D10, d'autre part, considéré « qu'il est certain qu'on ne peut pas parler d'aggravation radiologique de la syringomyélie contrairement à ce qui est écrit sur les observations faites le 3 octobre 1994 par le professeur ayant suivi et opéré M. X en 1994, ce patient n'ayant, en effet, jamais eu d'IRM dorsale avant la date du mois de septembre 1994 », enfin « qu'il existait déjà des troubles sensitifs suspendus intéressant le tronc côté droit jusqu'à l'ombilic c'est-à-dire jusqu'au niveau 10, ce qui laisse imaginer que cette cavité synringomyélique descendait déjà jusqu'au niveau D10 au moins dès le départ de sa symptomatologie clinique puisque c'est dès le premier examen réalisé en 1975 par le docteur Z dans le service du docteur A qu'est retrouvé le trouble sensitif suspendu » ; que si l'expert ajoute que « toutefois, l'indication opératoire du professeur ayant opéré M. X se trouvait parfaitement justifiée », cette observation doit être mise en relation avec l'analyse faite ensuite par l'expert relative à la préférence donnée, dans le choix de la technique d'intervention, à la reprise de la grande citerne plutôt qu'à une dérivation de la cavité kystique syringomyélique dans le péritoine ; que cette observation ne saurait ainsi être comprise comme validant l'opportunité d'une ré intervention en 1994 ; que de même, l'opinion de l'expert qui, évoquant, dans des termes assez généraux, l'aggravation « depuis de nombreuses années » de la symptomatologie de M. X de « façon un peu continue » pour estimer « qu'il n'était pas illogique de lui proposer une ré intervention en 1994 » ne saurait, compte tenu des constatations faites par lui-même sur l'état neurologique précis de l'intéressé avant l'intervention chirurgicale litigieuse, lesquelles ont été rappelées ci-dessus, caractériser la nécessité d'une nouvelle opération ; qu'il s'en suit qu'il n'est ainsi pas établi que les données cliniques et radiologiques à la disposition du professeur suivant l'intéressé à l'hôpital Beaujon depuis 1991 lui permettaient de conclure à une aggravation de l'état neurologique de M. X, en particulier de la cavité synringomyélique depuis 1992, rendant indispensable une nouvelle intervention sur le patient en novembre 1994 ; que M. X est dès lors fondé à soutenir que les services de l'hôpital Beaujon ont commis, en prescrivant ladite opération, une faute médicale de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris dont dépend ledit hôpital dans la mesure des suites préjudiciables de ladite faute ;

Sur le manquement à l'obligation d'information :

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; qu'il incombe aux services en charge du patient d'apporter la preuve que cette information a régulièrement été délivrée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'intervention dont le requérant a été l'objet comporte des risques réels et connus de survenance ou d'aggravation de troubles sensitifs ; que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris n'établit pas plus en appel qu'en première instance que les services de l'hôpital Beaujon ont avisé M. X de l'existence desdits risques ; que l'information du risque de décès qu'aurait comporté l'intervention chirurgicale du 17 novembre 1994 portée à la connaissance de l'intéressé ne saurait tenir lieu de l'information pertinente au regard de l'acte médical envisagé que M. X était en droit de recevoir ; que ce défaut d'information a constitué une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à l'égard de M. X ; que toutefois, le préjudice en découlant n'est pas, au cas présent, distinct de celui résultant de la faute médicale retenue plus haut résultant du caractère non nécessaire de l'intervention, laquelle ouvre droit à réparation de tous les préjudices en découlant ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial de M. X :

Considérant que s'agissant des sommes réclamées au titre d'une ITT de 6 mois et d'une ITP de 33% de même durée, M. X n'a justifié d'aucune perte réelle de salaire net subie pendant cette période ainsi d'ailleurs que le soutenait expressément en défense l'Assistance publique - hôpitaux de Paris devant le tribunal par mémoire du 8 mars 2003 ; que la demande de M. X sur ce point ne peut dès lors qu'être rejetée ;

Considérant que M. X n'a pas versé aux débats de pièces de nature à établir le montant des frais pharmaceutiques restés à sa charge; que sa demande sur ce point ne peut dès lors qu'être rejetée ;

Considérant que les frais exposés par la CPAM des Hauts-de-Seine au profit de M.X s'élèvent à la somme de 15 487, 45 euros ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel de M. X :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. X du fait de son incapacité temporaire partielle de 33% au titre des troubles dans ses conditions d'existence lors de son immobilisation en lui accordant une somme de 2 000 euros ;

Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise « que si l'intervention sur le plan anatomique a montré l'importance de l'amélioration de la circulation du liquide céphalo-racidien au niveau de la grande citerne où l'on voit les deux portions, cervicale et intra-crânienne, de la grande citerne qui sont perméables », cette intervention a été suivie « d'une aggravation de la symptomatologie proprioceptive dans le sens où est apparu un déficit proprioceptif majeur du membre supérieur droit, qui n'existait pas avant l'intervention, complication connue et assez fréquente de la ré intervention sur charnière » ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. X, âgé de 45 ans, du fait, d'une part, de l'IPP de 20% retenue par l'expert en lui allouant la somme de 25 000 euros, d'autre part, des préjudices esthétique, d'agrément et du pretium doloris subis par M. X en lui accordant respectivement les sommes de 3 000 euros, 4 000 euros et 3 000 euros soit la somme totale de 10 000 euros ;

Sur les droits de la CPAM des Hauts de Seine :

Considérant que la CPAM des Hauts-de-Seine a droit au remboursement par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris des sommes correspondant aux prestations servies à M. X soit un montant de 15 487, 45 euros, somme portant intérêts à compter du 14 mars 2002 ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, fixés d'une part, à une somme de 6 948 euros pour la première expertise, d'autre part arrêtés à la somme de 2 000 euros pour le complément d'expertise décidé par l'arrêt du 30 avril 2007 susvisé de la Cour de céans à la charge définitive de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris doivent dès lors être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de cet établissement la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'Assistance publique - hôpitaux de Paris est condamnée à verser à M. X la somme de 37 000 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 24 août 1999. Les intérêts échus au 27 juin 2003 et, ensuite, à chaque échéance annuelle seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'Assistance publique - hôpitaux de Paris est condamnée à verser à la CPAM des Hauts-de-Seine la somme de 15 487, 45 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 14 mars 2002.

Article 3 : L'Assistance publique - hôpitaux de Paris versera au requérant la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les frais d'expertise, fixés à une somme totale de 8 948 euros sont mis à la charge définitive de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

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N° 03PA02577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Numéro d'arrêt : 03PA02577
Date de la décision : 18/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme DESTICOURT
Avocat(s) : NEDELEC

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-12-18;03pa02577 ?
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