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19/11/2008 | FRANCE | N°06PA03000

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 19 novembre 2008, 06PA03000


Vu la requête, enregistrée le 14 août 2006, présentée pour M. Eric X, demeurant ..., par Me Van Der Beken ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403176/1 en date du 22 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 6ème section d'inspection de Melun en date du 10 novembre 2003 refusant d'accorder à la société Euro Pentel l'autorisation de le licencier pour faute et celle du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en date du 29 mars 2004 confirmant la précédente décis

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2°) de confirmer lesdites décisions refusant à la société Euro P...

Vu la requête, enregistrée le 14 août 2006, présentée pour M. Eric X, demeurant ..., par Me Van Der Beken ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403176/1 en date du 22 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la 6ème section d'inspection de Melun en date du 10 novembre 2003 refusant d'accorder à la société Euro Pentel l'autorisation de le licencier pour faute et celle du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en date du 29 mars 2004 confirmant la précédente décision ;

2°) de confirmer lesdites décisions refusant à la société Euro Pentel l'autorisation de procéder à son licenciement pour faute ;

3°) de mettre à la charge de la société Euro Pentel une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2008 :

- le rapport de Mme Malvasio, rapporteur,

- les observations de Me Audiguier, pour la société Euro Pentel,

- et les conclusions de M. Jarrige, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société Euro Pentel a sollicité, par lettre du 24 octobre 2003, l'autorisation de licencier pour faute M. X en invoquant un acte de violence volontaire à l'encontre de la directrice des ressources humaines survenu le 9 octobre 2003, des refus réitérés de justifier de son activité professionnelle, l'utilisation abusive de la carte d'essence correspondant au véhicule de fonction de l'intéressé pour des déplacements personnels et l'établissement de notes de frais pour des dépenses de caractère personnel ainsi que des propos erronés et diffamatoires tenus au mois d'octobre 2003 ; que par une décision du

10 novembre 2003 l'inspecteur du travail de la 6ème section d'inspection de Melun a refusé d'accorder l'autorisation demandée estimant que les faits reprochés n'étaient pas établis ou ne constituaient pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement ; que le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confirmé par une décision du 29 mars 2004 ces motifs de refus et estimé en outre que l'avis du comité d'entreprise n'avait pas été régulièrement émis et que la demande de licenciement présentait un lien avec les mandats du salarié ; que par le jugement en date du 22 juin 2006 dont il est fait appel, le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions de refus en cause, considérant que la procédure n'était pas entachée d'irrégularité, que les faits relatifs aux refus de M. X de rendre compte de son activité professionnelle et à l'utilisation abusive de la carte d'essence afférente à son véhicule de fonction étaient établis et d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement et que le lien avec les mandats de l'intéressé n'était pas démontré ;

Sur la procédure :

Considérant, d'une part, que si le mandat de conseiller du salarié que détenait

M. X lorsque le comité d'entreprise a été consulté, le 24 octobre 2003, sur le projet de la société Euro Pentel de le licencier, n'a pas été évoqué lors de cette réunion, il résulte des dispositions du code du travail que les salariés investis d'un tel mandat sont inscrits sur une liste préparée par le directeur départemental du travail et de l'emploi après consultation des organisations syndicales et que cette liste est arrêtée par le préfet et publiée au recueil des actes administratifs du département ; qu'en l'espèce, l'arrêté préfectoral du 10 septembre 2003 investissant M. X du mandat en cause a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Val-de-Marne du 30 septembre 2003 ; que compte tenu des modalités de désignation des salariés investis du mandat de conseiller du salarié et de publicité de la liste en résultant, les membres du comité d'entreprise connaissaient nécessairement l'existence dudit mandat ; que l'omission de la mention de ce mandat lors la réunion du comité d'entreprise n'a, dans ces circonstances, pas entaché d'irrégularité la procédure de consultation dudit comité ;

Considérant, d'autre part, que si la demande d'autorisation de licenciement du

24 octobre 2003 ne mentionnait pas le mandat de conseiller du salarié dont M. X était titulaire, ce mandat est expressément visé par la décision, en date du 10 novembre 2003, de l'inspecteur du travail lequel a par conséquent statué en connaissance de tous les mandats détenus par l'intéressé ; que la procédure administrative n'est donc pas non plus entachée d'irrégularité à cet égard ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal administratif, lequel n'a pas dénaturé les écritures du requérant mais porté une appréciation différente des siennes, a jugé que la procédure n'était pas entachée d'irrégularités justifiant le refus d'autorisation de licenciement en cause ;

Sur la prescription :

Considérant que la société Euro Pentel, qui a convoqué M. X à un entretien préalable le 13 octobre 2003, a demandé le 24 octobre suivant l'autorisation de le licencier à raison, notamment, de refus réitérés de l'intéressé de justifier de son activité professionnelle, de l'utilisation abusive de la carte d'essence mise à sa disposition par la société pour des déplacements personnels et de l'établissement de notes de frais pour des dépenses de caractère personnel ; qu'il ressort des pièces du dossier que les faits reprochés, relatés par des documents concernant les mois de janvier à septembre 2003, présentaient un caractère continu ; que M. X n'est par conséquent pas fondé à invoquer les dispositions de l'article L. 122-44 du code du travail et à soutenir qu'un délai de plus de deux mois se serait écoulé entre les faits reprochés et l'engagement de la procédure de licenciement, l'intéressé persistant, à la date à laquelle cette procédure a été engagée, dans le comportement reproché ;

Sur la règle « non bis in idem » :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X avait fait l'objet d'un avertissement le 20 juin 2003 pour des propos erronés et infondés concernant le respect des procédures dans l'entreprise et l'avenir de celle-ci puis d'un second avertissement, le

25 septembre 2003, pour des propos désobligeants à l'encontre de la responsable des ressources humaines qu'il aurait traitée de « manipulatrice » ; que les propos erronés et diffamatoires invoqués dans la demande d'autorisation de licenciement ont été prononcés au cours du mois d'octobre 2003, en particulier le 9 octobre, concernent des faits distincts et sont d'une teneur différente de ceux ayant donné lieu aux précédents avertissements ; qu'en outre les avertissements susmentionnés ne concernaient que les propos tenus par M. X et non les autres griefs de son employeur à son encontre relatifs, en particulier, à son activité professionnelle et aux frais y afférents, l'intéressé n'ayant fait l'objet à cet égard de la part de la société Euro Pentel que de lettres de rappels et non de mesures disciplinaires ; que le moyen tiré de la méconnaissance de la règle « non bis in idem » doit en conséquence être rejeté ;

Sur le bien-fondé de l'autorisation de licenciement :

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des plannings de la société Euro Pentel couvrant la période du mois de janvier au mois de septembre 2003, que

M. X, qui y était employé en qualité d'attaché commercial, a refusé de manière réitérée d'informer son employeur de son emploi du temps et de rendre compte de son activité professionnelle nonobstant les rappels qui lui étaient faits ; que l'intéressé ne saurait arguer de l'autonomie correspondant à ses fonctions, laquelle ne le dispensait pas d'informer son employeur des modalités d'exercice des missions que celui-ci lui avait confiées ; que, disposant d'une carte d'essence pour le véhicule de fonction mis à sa disposition, M. X en faisait une utilisation abusive à des fins personnelles et ne justifiait pas par ailleurs de ses frais professionnels de manière rigoureuse et régulière malgré les observations et rappels de son employeur ; que si l'acte de violence volontaire reproché n'est pas établi par des preuves certaines et si les propos critiqués, dirigés contre la responsable des ressources humaines, pour désobligeants qu'ils apparaissent, ne présentaient pas un caractère diffamatoire et n'étaient pas constitutifs d'une faute suffisamment grave pour justifier une mesure de licenciement , le comportement susrappelé de M. X, au demeurant fermement désapprouvé par la quasi-totalité des autres représentants de personnel de la société Euro Pentel et un grand nombre de ses salariés dans des courriers dénonçant ses pratiques à l'inspecteur du travail lors de la saisine de celui-ci de la demande d'autorisation de licenciement, était constitutif de fautes suffisamment graves pour justifier à elles seules son licenciement ;

Considérant que le lien de la mesure de licenciement demandée avec les mandats de l'intéressé n'est pas établi ; que M. X qui se borne à invoquer des circonstances postérieures aux décisions administratives ayant refusé à la société Euro Pentel l'autorisation de le licencier, n'établit pas l'existence d'un tel lien, les rappels à l'ordre susmentionnés adressés par son employeur ne pouvant à cet égard être qualifiés de mesures de harcèlement qui démontreraient l'existence d'un tel lien ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions de l'administration ayant refusé à la société Euro Pentel l'autorisation de procéder à son licenciement pour faute ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, le juge ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X doivent, dès lors, être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par la société Euro Pentel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : M. X versera à la société Euro Pentel la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 06PA03000


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 06PA03000
Date de la décision : 19/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme FLORENCE MALVASIO
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : VAN DER BEKEN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-11-19;06pa03000 ?
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