Vu la requête, enregistrée le 18 mai 2007, présentée pour Mme Yamina X, demeurant ...), par Me Pecheu ; Mme X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0418634/5-2 du 15 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de La Poste à lui verser la somme de 386 622 euros en réparation du préjudice résultant de son exclusion du service ;
2°) de condamner la Poste à lui verser la somme de 386 622 euros à titre d'indemnités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2008 :
- le rapport de M. Rousset, rapporteur,
- les observations de Me Mandicas, pour La Poste,
- et les conclusions de M. Marino, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X a été nommée le 12 septembre 1989 agent d'exploitation du service général stagiaire de La Poste et affectée au centre de tri de Nanterre le 28 novembre 1989 ; que sa radiation des cadres a été prononcée avec effet au 27 février 1990 pour abandon de poste par un arrêté du préfet des Hauts de Seine du 11 avril 1990 ; que par un jugement du 17 juin 1997, le Tribunal administratif de Paris a jugé que La Poste avait commis une faute en radiant des cadres Mme X alors qu'à la date où elle avait été mise en demeure de reprendre son poste, elle avait justifié de son absence pour maladie ; que le tribunal a, en conséquence, condamné La Poste à verser à Mme X la somme de 5370 francs (818,65 euros) au titre des traitements dus pour les mois de février, mars et avril 1990 et une somme de 8 000 francs (1 219,59 euros) en réparation du préjudice subi pour la période comprise jusqu'au 12 septembre 1990 ; que sur demande de Mme X enregistrée le 2 décembre 2002, le Tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 18 décembre 2003, annulé la décision préfectorale susmentionnée du 11 avril 1990 et fait injonction à la Poste de réintégrer Mme X à compter du 27 février 1990 ; que le 19 août 2004, Mme X a demandé au Tribunal administratif de Paris de constater qu'elle n'avait pas été réintégrée et de condamner la Poste à lui verser une indemnité de 386 622 euros correspondant aux traitements, primes et intérêts dus pour la période comprise entre le 1er mai 1990 et le 31 mai 2004 ; que par la présente requête, Mme X demande à la cour d'annuler le jugement du 15 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que dans le mémoire qu'elle a produit devant le tribunal administratif, La Poste n'a pas opposé à Mme X l'exception de prescription quadriennale prévue à l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; que la requérante est par suite fondée à soutenir que le jugement litigieux qui, pour rejeter sa demande, retient l'exception de prescription quadriennale, laquelle n'étant pas d'ordre public ne pouvait être soulevée d'office par le juge, est irrégulier et doit être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur l'exception de non lieu opposée par La Poste :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demande de Mme X ne tend pas à l'exécution du jugement du 18 décembre 2003 du Tribunal administratif de Paris, mais à la condamnation de La Poste à réparer le préjudice qu'elle lui a causé en l'évinçant du service depuis 1990 ; qu'il s'ensuit qu'alors même que la requérante a été réintégrée par La Poste à compter du 1er avril 2005, sa demande n'est pas devenue sans objet ; que l'exception de non lieu à statuer opposée par La Poste doit, en conséquence, être écartée ;
Sur l'exception de prescription quadriennale prévue à l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 opposée par La Poste :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ; qu'il résulte de ces dispositions que La Poste qui, ainsi qu'il a été dit plus haut, n'a pas opposé la prescription quadriennale devant le Tribunal administratif de Paris, n'est pas recevable à s'en prévaloir devant le juge d'appel ; qu'au demeurant, il résulte des dispositions combinées de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 et des articles 14 et 15 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 90 relative à l'organisation de la poste et du service des télécommunications que La Poste, qui n'est plus soumise aux règles de la comptabilité publique, n'est plus autorisée à se prévaloir de la prescription quadriennale ;
Sur l'exception de prescription quinquennale prévue à l'article 2277 du code civil opposée par La Poste :
Considérant qu'aux termes de l'article 2227 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur : « L'Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers, et peuvent également les opposer. » ; qu'aux termes de l'article 2262 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter le titre, ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de sa mauvaise foi. » ; qu'aux termes de l'article 2277 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur : « Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : Des salaires ; Des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires ; Des loyers, des fermages et des charges locatives ; Des intérêts des sommes prêtées, et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts. Se prescrivent également par cinq ans les actions en répétition des loyers, des fermages et des charges locatives » ;
Considérant que l'action par laquelle un agent public irrégulièrement révoqué demande réparation du préjudice que lui a causé son éviction illégale du service, n'est pas au nombre de celles qui s'éteignent en application de la prescription instituée à l'article 2277 du code civil ; qu'ainsi La Poste n'est pas fondée à opposer à Mme X, qui contrairement à ce qui est soutenu, ne sollicite pas le paiement d'un salaire, la prescription quinquennale issue de l'article 2277 du code civil ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la requête éclairée par la réclamation préalable du 2 juin 2004, que Mme X doit être regardée comme demandant réparation du préjudice résultant de son éviction illégale du service entre le 1er mai 1990 et le 31 mai 2004 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du jugement définitif du 18 décembre 2003 du Tribunal administratif de Paris annulant l'arrêté préfectoral du 11 avril 1990, que Mme X a été radiée des cadres par une décision illégale ; que cette décision, qui a privé Mme X de son emploi, lui a causé une perte de revenus, préjudice dont elle est fondée à demander réparation ;
Considérant qu'un agent victime d'une éviction illégale a droit à une indemnité couvrant la différence entre, d'une part, le traitement qu'il aurait perçu en qualité d'agent public et, d'autre part, les rémunérations de toute nature qu'il a pu se procurer au cours de la période pendant laquelle il a été illégalement maintenu hors de son service ;
Considérant que Mme X qui, contrairement à ce que soutient La Poste, ne prétend pas au rappel de ses traitements mais à l'indemnisation de sa perte de revenu au cours de la période où elle a été illégalement maintenue hors du service, a droit à une indemnité correspondant au montant du traitement dont elle a été irrégulièrement privée entre le 1er mai 1990 et le 31 mai 2004 ; qu'en revanche, et en l'absence de service fait, la requérante n'est pas fondée à solliciter le versement de primes qui sont la contrepartie de l'exercice effectif des fonctions ; qu'il y aura lieu de déduire du montant de cette indemnité le total des émoluments que Mme X a perçus au cours de la période considérée et la somme de 1 219,59 euros qui lui a été allouée par le jugement du 17 juin 1997 du Tribunal administratif de Paris pour la période comprise entre les 14 avril et 12 septembre 1990 ; que les sommes allouées à Mme X au titre de l'indemnité porteront intérêt au taux légal à compter du 2 juin 2004 date de sa demande préalable ;
Considérant que les pièces fournies par Mme X à la cour ne permettant pas de fixer le montant du préjudice, il y a lieu de la renvoyer devant La Poste pour la détermination des sommes dues ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste la somme de 1 000 euros à verser à Mme X ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 15 mars 2007 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Mme X est renvoyée devant La Poste pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle elle a droit sur les bases définies dans les motifs du présent arrêt.
Article 3 : La Poste versera Mme X une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 07PA01767