Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2006, présentée pour la SA EXCELSIOR PUBLICATIONS, dont le siège est situé 1 rue du colonel Pierre Avia à Paris (75015), par Me Barsus ; la SA EXELSIOR PUBLICATIONS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9913075/2 du 22 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1996 et, d'autre part, des cotisations de redevance sur l'édition des ouvrages de librairies qui lui ont été assignées au titre des années 1995 et 1996 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;
Vu le traité du 7 février 1992 sur l'Union européenne ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2008 :
- le rapport de M. Ladreit de Lacharrière, rapporteur,
- et les conclusions de M. Niollet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SA EXELSIOR PUBLICATIONS, dont l'activité principale est la publication de périodiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1994 à 1996 à l'issue de laquelle lui ont été notifiés des redressements portant sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre de toute la période et sur la redevance sur l'édition d'ouvrages de librairie au titre des années 1995 et 1996 ; que la SA EXCELSIOR PUBLICATIONS relève appel du jugement en date du 22 mai 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et de la redevance sur les ouvrages de librairies qui lui ont été réclamés à raison de ces redressements ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par décision en date du 17 septembre 2007 postérieure à l'introduction de la requête, le chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France Ouest a prononcé un dégrèvement de la redevance sur l'édition des ouvrages de librairie d'un montant de 49, 24 euros (323 F) au titre de l'année 1995 et de 30, 49 euros (200 F) au titre de l'année 1996 ; que les conclusions de la requête de la SA EXCELSIOR PUBLICATIONS sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si la SA EXCELSIOR PUBLICATIONS soutient que le Tribunal ne pouvait se fonder uniquement sur l'absence de réponse à une demande de l'administration de lui fournir des pièces complémentaires pour rejeter ses conclusions relatives aux droits à déduction de taxe sur la valeur ajoutée à compter du 1er janvier 1996, cette circonstance, qui se rattache à la pertinence des motifs retenus par le juge, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;
Considérant en revanche que pour contester le redressement portant sur la redevance sur l'édition des ouvrages de librairie, la société a fait valoir devant le tribunal que les ouvrages en cause ne pouvaient être regardés, compte tenu de leur contenu et des conditions de leur diffusion, comme des ouvrages de librairie au sens des dispositions de l'article 1609 duodecies du code général des impôts et qu'elle même ne pouvait être considérée, du fait de cette publication, comme un éditeur au sens de ces mêmes dispositions ; qu'en se bornant à répondre à ces moyens en affirmant que alors même que ces recueils auraient été vendus par correspondance aux abonnés à cette revue c'est à bon droit que l'administration a regardé la société requérante comme éditant un ouvrage de librairie au sens des dispositions susmentionnées de l'article 1609 duodecies du code général des impôts sans préciser en quoi ces recueils avaient les caractéristiques d'un tel ouvrage, le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement sur ce point et de statuer sur les conclusions relatives à la redevance sur l'édition des ouvrages de librairie par voie d'évocation et sur les conclusions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, par l'effet dévolutif de l'appel ;
Sur la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L 57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : l'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ( ...) et qu'aux termes de l'article R*57-1 du même livre dans sa rédaction alors applicable : La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification ;
Considérant que la notification de redressements, en date du 19 décembre 1997, relative à la période correspondant à l'année 1994 ainsi que celle, en date du 22 mai 1998, portant sur la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1996 rappellent les dispositions de l'article 236 de l'annexe II au code général des impôts qui excluent certaines dépenses du droit à déduction de la taxe qui les a grevées, énumèrent les dépenses concernées par cette exclusion en précisant leurs dates, le montant de la taxe et le nom du vendeur ; qu'ainsi, ces notifications étaient suffisamment motivées pour permettre à la société, conformément à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs fait, de présenter ses observations ;
Considérant, en deuxième lieu , qu'aux termes de l'article 236 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, issue du décret n° 89-885 du 14 décembre 1989 pris sur le fondement d'une dérogation aux dispositions de l'article 17, paragraphe 6, 2ème alinéa de la sixième directive, accordée à la République française par une décision du Conseil des communautés européennes en date du 28 juillet 1989 : A titre temporaire, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les dépenses de logement, de restaurant, de réception et de spectacles est exclue du droit à déduction. / Toutefois, cette exclusion n'est pas applicable : 1° Aux dépenses supportées par un assujetti relatives à la fourniture à titre onéreux par cet assujetti de logements, de repas, d'aliments ou de boissons ; 2° Aux dépenses relatives à la fourniture à titre gratuit du logement sur les chantiers ou dans les locaux d'une entreprise du personnel de sécurité, de gardiennage ou de surveillance (...) ;
Considérant que par arrêt du 19 septembre 2000, la Cour de justice des communautés européennes a jugé invalide la décision du 28 juillet 1989 aux termes de laquelle le Conseil des communautés européennes avait autorisé la France à étendre, par dérogation à l'objectif fixé au § 6 de l'article 17 de la 6ème directive du 17 mai 1977, le champ des exclusions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prévues, en ce qui concerne les dépenses de logement, de restaurant, de réception et de spectacles exposées par les entreprises, par les textes français applicables à la date d'entrée en vigueur de la directive, et sur le fondement de laquelle avaient été prises les dispositions de l'article 4 du décret du 14 décembre 1989, reprises sous l'article 236 de l'annexe II au code général des impôts et prévoyant qu'en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ces dépenses est à titre temporaire... exclue du droit à déduction ; que l'intervention de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes a eu pour effet de restreindre le champ légal des exclusions du droit à déduction prévues par le décret du 14 décembre 1989 à celles d'entre elles que prévoyaient les dispositions des articles 236 et 239 de l'annexe II au code général des impôts issues du décret du 27 juillet 1967 ; que lesdits articles disposaient, respectivement : La taxe afférente aux dépenses exposées pour assurer le logement ou l'hébergement des dirigeants et du personnel des entreprises n'est pas déductible... , et : La taxe afférente aux dépenses exposées pour assurer la satisfaction des besoins individuels des dirigeants et du personnel des entreprises, et notamment celle afférente aux frais de réception, de restaurant et de spectacle, n'est pas déductible... ; que, si les premières de ces dispositions excluaient, dans tous les cas, la déduction de la taxe afférente aux dépenses exposées pour le logement ou l'hébergement des dirigeants ou du personnel, les secondes, en revanche, n'excluaient la déduction de la taxe afférente à des dépenses telles que frais de réception, de restaurant et de spectacle exposées pour les dirigeants ou le personnel que lorsque l'engagement de ces dépenses avait été motivé, non par le souci d'assurer le bon déroulement des activités de l'entreprise, mais par le dessein d'octroyer un avantage aux intéressés ; que, par ailleurs, les dépenses de même nature qui sont supportées au profit de tiers ouvrent droit à déduction ;
Considérant qu'il appartient à la société requérante, qui est seule en mesure de le faire, d'établir que les dépenses litigieuses ont été engagées soit au profit de tiers, soit au bénéfice de ses dirigeants et salariés dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise ; que la SA EXCELSIOR PUBLICATIONS n'a produit aucune facture au titre de l'année 1994 ; que les factures rectificatives établies au titre de l'année 1995 ainsi que les nombreuses factures, produites pour la première fois en appel, relatives à l'année 1996 ne permettent pas d'identifier la qualité des bénéficiaires des prestations et de déterminer à quelles fins ces dépenses ont été engagées ; qu'ainsi, la société n'établit pas que les frais en cause correspondraient à la participation des dirigeants et salariés de l'entreprise à des repas ou réceptions organisés dans l'intérêt de son exploitation, et non dans le dessein de leur octroyer un avantage ou à des dépenses de même nature supportées au profit de tiers ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé du délai opposé par les premiers juges en application de l'alinéa 3 de l'article L 190 dans sa rédaction alors applicable aux conclusions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée des périodes correspondant aux années 1994 et 1995, la société requérante n'est pas fondée, en tout état de cause, à demander la déduction de la taxe afférente aux dépenses correspondantes ; qu'il résulte de ce qui précède que la SA EXCELSIOR PUBLICATIONS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande relative à ce chef de redressement ;
Sur la redevance sur l'édition des ouvrages de librairie :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1609 dudecies du code général des impôts dans sa rédaction applicable : La redevance sur l'édition des ouvrages de librairie est due par les éditeurs en raison des ventes autres que les exportations et les livraisons, exonérées en vertu du I de l'article 262 ter ou les livraisons dans un lieu situé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne en application de l'article 258 A des ouvrages de librairie de toute nature qu'ils éditent (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les recueils édités par la SA EXCELSIOR PUBLICATIONS au cours des années 1995 et 1996 sont des ensembles imprimés et reliés en cuir publiés sous un titre contenant la réédition de numéros de la revue Sciences et vie des années 1913 et 1914 ; que ces recueils alors même qu'il se borneraient à reproduire in extenso et sans ajout des publications périodiques publiées primitivement avant l'institution de la redevance sont des ensembles homogènes qui ne peuvent être regardés comme des périodiques et constituent des ouvrages de librairie au sens des dispositions précitées de l'article 1609 duodecies du code général des impôts ; qu'est sans incidence la circonstance que ces recueils aient été vendus exclusivement par correspondance aux abonnés de la revue ; qu'enfin, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du contenu de la documentation de base référencée 3 P 7111 du 1er mars 1992 qui ne donne pas une définition différente des ouvrages de librairie ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 92 (devenu, après modification, 87 CE) du traité instituant la communauté européenne modifié par le Traité sur l'Union européenne du 7 février 1992 : 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions... 3. Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur : ... d) les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l'intérêt commun et qu'aux termes de l'article 93 (devenu 88 CE) du même traité : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aide existant dans ces Etats... 2. Si la... Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun, ... elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine... 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 92, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ; qu'il résulte de ces dispositions que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des communautés européennes, si une aide de la nature de celles visées par l'article 92 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ledit traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres la dernière phrase du § 3, précité, de l'article 93 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée concourent à l'attribution d'aides, qui ainsi qu'il est énoncé au § 1 précité, de l'article 92 du traité, affectent les échanges entre Etats membres ;
Considérant que le Centre national des lettres, établissement public administratif dont la mission est d'encourager la création littéraire et la diffusion du livre, et dans les ressources duquel entre le produit de la redevance sur l'édition des ouvrages de librairie, consacre, ainsi qu'il ressort de ses rapports d'activité, la majeure partie des fonds dont il dispose à l'octroi de subventions à des bibliothèques en vue de faciliter leurs acquisitions d'ouvrages ainsi que de soutiens financiers à des manifestations, associations littéraires et autres organismes dont l'objet est de contribuer à la diffusion du livre ; que ces concours, de même que les aides personnelles allouées à certains auteurs et traducteurs, sont, de par leur objet, sans incidence sur la concurrence susceptible de s'exercer entre les éditeurs d'ouvrages de librairie ; que, si le Centre national des lettres accorde, en outre, des prêts et des subventions de montants unitaires limités à l'édition de revues, actes de colloques ou livres, la spécificité des sujets traités par ces publications destinées à un public restreint exclut de les regarder comme en concurrence virtuelle avec d'autres ouvrages pouvant, notamment, être édités dans un autre Etat membre de la Communauté ; qu'ainsi, les aides au financement desquelles concourt le produit de la redevance sur l'édition des ouvrages de librairie ne sont pas de nature à affecter les échanges entre Etats membres de la Communauté ; qu'elles n'entrent, dès lors, pas dans le champ d'application des dispositions des articles 92 et 93, précités, du traité instituant la Communauté ; que le moyen tiré par la SA EXCELSIOR PUBLICATIONS d'une invalidité, résultant de la méconnaissance des prescriptions dudit article 93, des dispositions issues de la loi du 30 décembre 1975 sur le fondement desquelles les cotisations de redevance litigieuses lui ont été assignées, doit, par suite, être écarté ; qu'il suit de là que la demande de la SA EXCELSIOR PUBLICATIONS relative à la redevance sur les ouvrages de librairie restant en litige ne peut qu'être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761 du CJA :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, verse à la SA EXCELSIOR PUBLICATIONS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SA EXCELSIOR PUBLICATIONS à concurrence des sommes de 49,24 euros (323 F) au titre de l'année 1995 et de 30,49 euros (200 F) au titre de l'année 1996 en ce qui concerne la redevance sur les ouvrages de librairie.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 22 mai 2006 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la SA EXCELSIOR PUBLICATIONS relative à la redevance sur l'édition des ouvrages de librairie.
Article 3 : Le surplus de la demande de la SA EXCELSIOR PUBLICATIONS relative à la redevance sur l'édition des ouvrages de librairie et le surplus des conclusions de la requête de la SA EXCELSIOR PUBLICATIONS sont rejetés.
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N° 06PA02691