Vu, I, sous le n° 07PA03630, la requête enregistrée le 17 septembre 2007, présentée pour M. et Mme X par Me Coubris ; les époux X demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0513950 du 24 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté, d'une part, leur demande présentée en tant qu'administrateurs légaux de leur fils et tendant à la condamnation du centre hospitalier Cochin à leur verser la somme de 138 925, 24 euros en réparation des préjudices résultant de la myopathie de leur fils Loïc à la suite d'une erreur de diagnostic commise en 1992, d'autre part, la demande présentée par la Caisse de Prévoyance de la SNCF tendant à la condamnation du même établissement à lui verser la somme de 34 449, 46 euros avec intérêts de droit à compter du jour de la demande ;
2°) de déclarer le centre hospitalier Cochin responsable du préjudice qu'il ont supporté ainsi que celui de leur caisse d'assurance maladie et de condamner ledit centre hospitalier à leur verser la somme de 138 925, 24 euros en réparation des préjudices résultant de la myopathie de leur fils Loïc, de leur verser la somme de 750 000 euros, en qualité de représentants légaux de leur fils Loïc, au titre des préjudices subis par ce dernier, de leur verser la somme de 20 000 euros, en qualité de représentants légaux de leur fille Christelle, soeur de Loïc, au titre de son préjudice moral, enfin de condamner le centre hospitalier Cochin aux dépens ainsi qu'à leur verser une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, II, sous le n° 07PA03717, la requête enregistrée le 25 septembre 2007, présentée pour la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER français, agissant en sa qualité d'organisme gestionnaire d'un régime obligatoire de sécurité sociale, par Me Bertin ; la SNCF demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0513950 du 24 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté, d'une part, la demande présentée par M. et Mme X tendant à la condamnation du centre hospitalier Cochin à leur verser la somme de 138 925, 24 euros en réparation des préjudices résultant de la myopathie de leur fils Loïc à la suite d'une erreur de diagnostic commise en 1992, d'autre part, sa propre demande tendant à la condamnation du même établissement à lui verser la somme de 34 449, 46 euros avec intérêts de droit à compter du jour de la demande ;
2°) de déclarer le centre hospitalier Cochin responsable du préjudice supporté par les époux X ainsi que par elle-même ;
3°) de condamner par provision le centre hospitalier Cochin à lui payer la somme de 34 449, 46 euros, avec intérêts de droit à compter du jour de sa demande ;
4°) de dire le centre hospitalier Cochin tenu de rembourser au régime de sécurité sociale qui sera amené à les prendre en charge, toutes les prestations afférentes aux frais de soins médicaux et autres, sur présentation des pièces justificatives et au fur et à mesure qu'ils seront exposés par la caisse de sécurité sociale et ceux-ci sans aucune limitation dans le temps ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu le rapport d'expertise déposé au greffe le 2 février 2005 ;
Vu l'ordonnance du 7 mars 2005 liquidant les frais d'expertise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 septembre 2008 :
- le rapport de M. Coiffet, rapporteur,
- les observations de Me Coudert pour la CAISSE DE PREVOYANCE DE LA SNCF et celles de Me Tsouderos pour l'Assistance publique - hôpitaux de Paris,
- et les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement ;
Sur la jonction :
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger les mêmes questions; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme X issue d'une famille présentant des antécédents de la maladie de la myopathie de Duchenne, maladie génétique n'atteignant que les enfants mâles, a décidé en 1989 d'interrompre sa grossesse alors qu'elle était enceinte de deux jumeaux en raison du risque de handicap ; que les examens pratiqués alors sur les foetus par le service de biochimie génétique de l'hôpital Cochin, d'abord contradictoires, étaient revus pour aboutir à la conclusion commune pour les deux foetus selon laquelle « l'image n'est pas totalement en faveur d'un Duchenne », lesdits examens mettant l'affaiblissement du signal sur le compte d'une dégradation partielle des protéines musculaires dans les échantillons ; qu'après avoir donné naissance à une petite fille en janvier 1992, Mme X interrogeait, par courrier du 22 juillet 1992, le docteur Y, assistant du Chef de service du laboratoire de biochimie génétique de l'hôpital Cochin, sur les résultats définitifs de son étude génétique ; que par lettre du 28 octobre 1992, ce spécialiste indiquait : « L'analyse du muscle foetal des deux foetus a montré que la dystrophine était présente. Actuellement, avec notre expérience, ce résultat nous permet de dire qu'ils n'étaient pas atteints de myopathie de Duchenne. Cela signifie donc que la mutation n'est pas sur le gène recombiné 162 et que vous n'êtes pas conductrice. J'espère que mon raisonnement est suffisamment clair et que vous pourrez envisager l'avenir avec plus de sérénité. Je pense que nous aurons bientôt d'autres moyens qui nous permettront de détecter et de localiser la mutation et de vérifier ainsi mon raisonnement » ; que trois ans plus tard, Mme X débutait une nouvelle grossesse et donnait naissance le 8 décembre 1995 à un garçon prénommé Loïc atteint de la maladie de la myopathie de Duchenne ;
Considérant que, pour engager la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris dont dépend l'hôpital Cochin, M. et Mme X soutiennent que les préjudices résultant de la myopathie de Duchenne de leur enfant Loïc, né le 8 décembre 1995, sont imputables à une erreur de diagnostic commise par l'équipe médicale du service du laboratoire de biochimie génétique de l'hôpital Cochin en 1992, qui leur avait indiqué que Mme X ne risquait pas de transmettre cette maladie à un enfant de sexe masculin ; que
M. et Mme X relèvent appel du jugement du 24 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris aux motifs que les demandeurs « n'établissaient pas l'existence d'un lien de causalité entre l'avis médical émis le 28 octobre 1992, en admettant qu'il eût été fautif, et les préjudices résultant de la naissance d'un enfant atteint de myopathie » ;
Sur le régime de responsabilité applicable :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles : « Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.
La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer./ Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale » ; que ces dispositions, qui concernent l'ensemble des actes tendant au diagnostic de malformations foetales et, notamment, les tests et études génétiques effectuées avant même la conception, sont applicables aux instances en cours à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que l'enfant né le 8 décembre 1995 n'ayant présenté les premiers signes de la myopathie de Duchenne qu'au cours de l'année 2003, les faits à l'origine du dommage dont se plaignent les consorts X, bien que remontant à 1992, n'ont donné lieu à une demande d'expertise suivie d'une demande au fond que postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; que par suite, le régime juridique applicable à la demande d'indemnisation des consorts X est celui de la faute caractérisée tel que défini par l'article 1er de cette loi codifié à l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles précité ;
Sur le principe de responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris :
Considérant, en premier lieu, que si le docteur Y, saisi de l'interprétation à donner des résultats de l'examen pratiqué en 1989, indiquait le 28 octobre 1992 à la requérante par la lettre précitée qu'elle n'était pas conductrice du gêne responsable de la myopathie de Duchenne, cette opinion s'inscrivait toutefois, ainsi que le révèle les termes même de ce courrier, dans une analyse comportant un double tempérament tiré, d'une part, de ce que ce résultat correspondait aux données de la science médicale en 1992, d'autre part, de ce que l'évolution prévisible desdites données médicales étaient susceptibles de vérifier le raisonnement alors émis ; qu'ainsi pas sa teneur, cet avis émis le 28 octobre 1992 qui prenait en compte l'état des connaissances scientifiques interdisant à cette date l'énoncé de certitudes dans le domaine en cause, ne pouvait être considéré comme donnant des assurances catégoriques à Mme X que ses grossesses futures ne comporteraient pas le risque de transmission de la maladie génétique de Duchenne ; que l'interprétation ainsi donnée par le docteur Y des résultats de 1989, bien que n'étant pas accompagnée d'une information explicite sur la marge d'erreur habituelle affectant en 1992 la fiabilité de son avis médical, ne saurait constituer une faute qui, par son intensité et son évidence, devrait être regardée comme caractérisée au sens de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles ;
Considérant, en second lieu et au surplus, qu'il est constant que les requérants ont le 29 juin 1995 expressément refusé la réalisation de tout diagnostic anténatal, examen fortement indiqué du fait des antécédents familiaux de l'intéressée alors que selon le rapport d'expertise du 30 mars 2005, « il est certain que les progrès des connaissances en méthodes d'exploration génétique auraient permis en 1995 d'établir un diagnostic prénatal exact de la myopathie de Duchenne » ; que l'attitude de Mme X pendant le suivi de sa grossesse alors que s'était écoulé un délai important depuis l'avis émis le 28 octobre 1992, dont la teneur a au demeurant été mal appréciée par l'intéressée, est ainsi venue s'interposer entre l'interprétation litigieuse des résultats d'examen pratiqués en 1989 et la naissance de l'enfant handicapé ; que dans ces conditions n'est pas davantage établi l'existence d'un lien de causalité direct entre l'avis médical émis le 28 octobre 1992 et les préjudices résultant de la naissance en 1995 de leur enfant atteint de myopathie ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les consorts X ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ; qu'il s'en suit que la requête des époux X ne peut qu'être rejetée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de la CAISSE DE PREVOYANCE DE LA SNCF doit être rejetée, pour les mêmes motifs ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, à la charge définitive de M. et Mme X ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme X doivent dès lors être rejetées ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner les époux X à verser la somme que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.
Article 2 : La requête de la CAISSE DE PREVOYANCE DE LA SNCF est rejetée.
Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de M. et Mme X.
Article 4 : Les conclusions de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 07PA03630 - 07PA03717