La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2008 | FRANCE | N°05PA02460

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 06 octobre 2008, 05PA02460


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 20 juin et 15 décembre 2005, présentés pour Mme Michèle X, demeurant ... par Me Peisse ; Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0104001/3 du 20 avril 2005 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande tendant à la condamnation de la Ville de Paris à l'indemniser de l'intégralité des préjudices subis à la suite de l'accident dont elle a été la victime à Paris le 20 juin 2000, à raison d'un défaut d'entretien normal de la voir

ie ;

2°) de condamner la Ville de Paris à lui verser une somme ne pouvant êtr...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 20 juin et 15 décembre 2005, présentés pour Mme Michèle X, demeurant ... par Me Peisse ; Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0104001/3 du 20 avril 2005 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande tendant à la condamnation de la Ville de Paris à l'indemniser de l'intégralité des préjudices subis à la suite de l'accident dont elle a été la victime à Paris le 20 juin 2000, à raison d'un défaut d'entretien normal de la voirie ;

2°) de condamner la Ville de Paris à lui verser une somme ne pouvant être inférieure à 450 000 euros au titre de ses différents préjudices, assortie des intérêts de droit ;

3°) de mettre en outre à la charge de la Ville de Paris le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2008 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les observations de Me Dupichot pour Mme X et celles de Me Falala pour la Ville de Paris ;

- et les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X a fait une chute, le 20 juin 2000 vers 10 heures 45, sur le trottoir du rond-point des Champs-Elysées à Paris du fait de l'état de la chaussée ; qu'ayant saisi le Tribunal administratif de Paris afin d'obtenir la condamnation de la Ville de Paris pour les différents préjudices qu'elle déclare avoir subis du fait de cette chute, celui-ci, par le jugement attaqué, a admis la responsabilité de la Ville de Paris, a effectué un partage de responsabilité en attribuant les deux tiers de celle-ci à la faute d'inattention commise par la victime, et a refusé d'indemniser Mme X à hauteur du préjudice qu'elle réclamait, notamment en ce qui concerne la perte de chance de conclure un contrat le jour du dommage et la perte de chiffre d'affaires des différentes sociétés qu'elle gérait ; que Mme X fait appel de ce jugement ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la ville de Paris :

Considérant d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles R. 412-1, R. 411-3 et R. 811-13 du code de justice administrative, les requêtes d'appel doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées d'une copie du jugement attaqué, ainsi que de copies en nombre égal à celui des autres parties en cause, augmenté de deux ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles R. 222-1 et R. 612-1 du même code, les requêtes d'appel peuvent être rejetées, pour défaut de production du jugement attaqué, sans aucune demande de régularisation préalable et sans demande de transmission du dossier de première instance au greffe du tribunal administratif, lorsque l'obligation de cette formalité a été mentionnée dans la notification du jugement, conformément à l'article R. 751-5 du même code et que cette notification est produite devant le juge d'appel ; qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué en date du 20 avril 2005 était joint à la requête, celle-ci ainsi que les productions jointes ayant été déposées en quatre exemplaires ; qu'ainsi, la double fin de non-recevoir correspondante opposée par la Ville de Paris ne peut qu'être écartée ;

Considérant d'autre part, que la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une personne publique, est recevable à détailler ses conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle ; que Mme X, qui avait fixé le montant global de sa demande devant les premiers juges à une somme qui ne pouvait être inférieure à 593 926, 90 euros, et dont la requête porte sur un préjudice global qui ne saurait être inférieur à 450 000 euros, demeure ainsi, en tout état de cause, dans la limite de l'indemnité chiffrée en première instance, et est recevable à détailler les différents postes de préjudice dont elle évalue les montants de manière suffisamment claire par les documents joints ; que par suite, la Ville de Paris n'est pas fondée à soutenir que les demandes de Mme X, notamment au titre du préjudice lié aux souffrances physiques, au préjudice moral et au préjudice d'agrément, seraient irrecevables ;

Sur la responsabilité :

Considérant que Mme X a chuté sur l'une des principales avenues de Paris, à l'angle du rond-point des Champs-Élysées et de l'avenue Montaigne, à un endroit où le trottoir était déformé et présentait notamment, à l'endroit d'une déclivité menant au passage piétons, des bourrelets ayant environ quinze centimètres de hauteur séparés par une cuvette d'environ dix centimètres de profondeur ; que la ville de Paris, maître de l'ouvrage public, n'établit pas avoir normalement entretenu la voie ; que sa responsabilité est dès lors engagée envers la victime, qui avait la qualité d'usager de l'ouvrage ; que, toutefois, en raison de la visibilité des défectuosités de la portion de voirie concernée, et de la luminosité y régnant à cette époque de l'année, Mme X a commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de la ville ; que si le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en effectuant un partage de responsabilité, il sera toutefois fait une plus juste appréciation des responsabilités respectives, notamment en prenant en compte la nécessaire obligation du piéton d'adopter un comportement prudent, en portant la responsabilité de la Ville à la moitié des conséquences dommageables de l'accident ;

Sur le préjudice :

Considérant en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'accident de Mme X a entraîné une double fracture du tibia et du péroné de la jambe droite nécessitant une intervention chirurgicale avec pose de matériels de fixation ainsi que l'utilisation forcée pendant de longs mois d'un fauteuil roulant et de longues séances de rééducation occasionnant des souffrances physiques qui peuvent être qualifiées d'importantes ; que par ailleurs, Mme X a subi une incapacité temporaire totale de près de sept mois prolongée par une incapacité temporaire partielle de trois mois ; qu'elle a conservé des cicatrices et une déviation de la jambe droite qui sont à l'origine d'un préjudice esthétique et d'un préjudice d'agrément à retentissement important sur sa vie personnelle, notamment en ce qui concerne son habillement , sa pratique des sports de glisse, et sa capacité professionnelle ; qu'enfin la requérante à dû intégrer les répercussions psychologiques d'un accident portant atteinte à son intégrité physique ; qu'il sera fait une juste évaluation des souffrances physiques en les réparant au moyen d'une somme de 6 000 euros, des troubles de toute nature dans les conditions d'existence supportés par Mme X au moyen d'une somme équivalente, et à raison des autres préjudices en les estimant à la somme de 1 500 euros ;

Considérant en deuxième lieu, que Mme X invoque une perte de revenus durant la période de son arrêt de travail, consécutive à sa chute, soit durant près de sept mois, avec une prolongation de trois mois en incapacité de 30 % ; qu'au vu des seuls documents produits par l'intéressée qui ne concernent ses impositions qu'à compter de l'année 2000, il sera fait une juste réparation de cette perte de revenus, en lui allouant la somme de 2 500 euros ;

Considérant en troisième lieu, qu'il ressort des pièces produites, et qu'il est ainsi établi, que Mme X a exposé, à la suite de l'accident, des frais d'infirmerie pour 472 et 797 francs, des frais de location de fauteuil roulant pour 547, 56 francs, puis deux fois pour 431, 56 francs, ainsi que des frais d'hôpital pour 463, 21 francs, 92, 70 francs et, à deux reprises, 45 francs ; qu'en revanche, les note d'honoraires et relevés de compte de laboratoires qu'elle fournit, ne contiennent pas de précisions sur la nature des prestations dispensées, et ne sont pas suffisantes pour que le lien de causalité entre sa blessure et les dépenses dont s'agit puisse être tenu pour établi ; qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice indemnisable de la requérante doit être à ce titre fixé à 3 325, 59 francs, soit 506, 98 euros, comme l'ont déjà estimé les premiers juges ;

Considérant en quatrième lieu, que si Mme X soutient également avoir subi un préjudice financier du fait de la perte de chance de conclure un contrat portant sur la vente d'un appartement avenue Foch à Paris le jour de son accident, de son incapacité à poursuivre son activité et de la nécessité où elle s'est trouvée de cesser l'activité de trois des sociétés qu'elle gérait, elle ne fournit pas à la cour d'autres justificatifs que ceux déjà produits ; qu'aucune précision n'est notamment donnée sur les raisons pour lesquelles la promesse de vente qu'elle devait signer le jour de l'accident, n'a pu être signée plus tard ; que si, par ailleurs, elle affirme avoir dû cesser l'activité de trois de ses sociétés et subir un préjudice du fait de la baisse de son activité, les pièces fournies au dossier ne suffisent à établir ni la réalité de ce préjudice, ni le montant de celui-ci ; que dans ces conditions, les premiers juges ont fait une juste appréciation des faits en estimant que Mme X ne justifiait pas du préjudice financier découlant des circonstances susmentionnées ;

Considérant dès lors, qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice global s'élève à 16 506, 98 euros ; que compte-tenu du partage de responsabilité retenu, la Ville de Paris doit être condamnée à payer à Mme X une somme de 8 253, 49 euros, la caisse régionale des commerçants d'Ile-de-France n'ayant pas fait valoir sa créance, malgré l'invitation qui lui en a été faite par le greffe de la cour ;

Sur les intérêts :

Considérant que Mme X a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 8 253, 49 euros à compter du 17 mars 2001, jour de l'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ; que les dispositions légales susvisées font, en revanche, obstacle à ce que soit mis à la charge de cette dernière, qui n'a pas la qualité de partie perdante en la présente instance, la somme réclamée par la Ville de Paris au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : L'indemnité que la ville de Paris a été condamnée à payer à Mme X est portée à la somme de 8 253, 49 euros (huit mille deux cent cinquante trois euros et quarante neuf centimes). Cette somme portera intérêts à compter du 17 mars 2001.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 20 avril 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er susvisé.

Article 3 : La Ville de Paris versera à Mme X la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme X et de la Ville de Paris est rejeté.

2

N° 05PA02460


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Numéro d'arrêt : 05PA02460
Date de la décision : 06/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme STAHLBERGER
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme DESTICOURT
Avocat(s) : PEISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-10-06;05pa02460 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award