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06/10/2008 | FRANCE | N°04PA03731

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 06 octobre 2008, 04PA03731


Vu la requête, enregistrée le 12 novembre 2004, présentée pour M. Michel X demeurant ... par Me Jorion ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0300438/5-2 et 0302417/5-2 en date du 9 septembre 2004 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a annulé que partiellement l'arrêté du 11 juillet 2003 par lequel le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales l'a de nouveau admis à faire valoir ces droits à la retraite pour invalidité non imputable au service en tant que ledit arrêté prenait rétroactivement effet au 28

septembre 2000, et de le réformer en tant qu'il a limité la condamnation ...

Vu la requête, enregistrée le 12 novembre 2004, présentée pour M. Michel X demeurant ... par Me Jorion ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0300438/5-2 et 0302417/5-2 en date du 9 septembre 2004 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a annulé que partiellement l'arrêté du 11 juillet 2003 par lequel le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales l'a de nouveau admis à faire valoir ces droits à la retraite pour invalidité non imputable au service en tant que ledit arrêté prenait rétroactivement effet au 28 septembre 2000, et de le réformer en tant qu'il a limité la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 3 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de sa mise à la retraite ;

2°) d'annuler en totalité l'arrêté du 11 juillet 2003 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité à parfaire de 127 940 euros, augmentée des intérêts de droit capitalisés ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu les décrets n° 84-1051 du 30 novembre 1984 et n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2008 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un jugement en date du 11 juillet 2002, devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris a annulé pour irrégularité de procédure l'arrêté du 28 août 2000 par lequel le ministre de l'intérieur avait admis M. X, secrétaire administratif de la police nationale, à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 28 septembre 2000 ; qu'à la suite de cette annulation, la commission de réforme, dans sa séance du 17 décembre 2002, a maintenu son précédent avis en estimant que l'état de santé de l'intéressé le mettait dans l'impossibilité définitive de reprendre ses fonctions ; qu'au vu de cet avis, notifié à l'intéressé le 23 décembre 2002, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a pris un nouvel arrêté, en réalité daté du 11 juillet 2003 ainsi qu'il le reconnaît, de mise à la retraite pour invalidité prenant effet au 28 septembre 2000 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 63 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : « Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes ... Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. » ; qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 30 novembre 1984, pris pour l'application de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 : « Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. » ; qu'aux termes de l'article 43 du décret susvisé du 16 septembre 1985 : « La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus à l'article 34 (2°, 3° et 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues à l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. » ; qu'enfin, aux termes de l'article 27 du décret susvisé du 14 mars 1986 : « Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical ; en cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. » ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'administration doit, après avis du comité médical déclarant un fonctionnaire inapte à l'exercice de ses fonctions par suite de l'altération de son état physique et dont le poste de travail ne peut être adapté, inviter l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps ; que, dès lors que le fonctionnaire formule une telle demande en précisant le corps dans lequel le reclassement est souhaité, l'administration ne peut, à l'expiration de ses droits statutaires à congés de maladie, le mettre en retraite pour invalidité non imputable au service, que si un tel reclassement est impossible ;

Considérant ainsi qu'en jugeant que M. X, faute d'avoir demandé, de lui-même, une adaptation de poste ou un reclassement antérieurement à l'intervention de l'arrêté litigieux, n'était pas fondé à soutenir que cet arrêté méconnaissait les dispositions de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984, alors qu'il appartenait à l'administration de l'inviter à formuler une telle demande, les premiers juges ont commis une erreur de droit ;

Considérant par ailleurs, qu'il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme a, par son avis du 17 décembre 2002, pris à la suite d'un précédent avis irrégulier en date du 27 juin 2000, déclaré que l'état de santé de M. X le mettait dans l'impossibilité définitive et absolue de reprendre ses fonctions, sans toutefois le déclarer inapte à toutes fonctions ; que dans ces conditions, l'administration ne pouvait légalement prononcer son admission à la retraite pour invalidité sans l'avoir au préalable invité à présenter une demande de reclassement et éventuellement constaté l'impossibilité d'y donner suite ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. X est fondé à demander l'annulation partielle du jugement attaqué et l'annulation totale de l'arrêté du ministre de l'intérieur portant, en raison d'une erreur matérielle, la date du 11 juillet 2002, au lieu de celle du 11 juillet 2003 ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que l'illégalité qui affecte les deux arrêtés ministériels de mise à la retraite pour invalidité non imputable au service, pris successivement les 28 août 2000 et 11 juillet 2003 à l'encontre de M. X, secrétaire administratif de la Police nationale, constituent une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat et à ouvrir droit pour l'intéressé à l'indemnisation de tous les préjudices subis directement de par les effets desdits arrêtés ;

Considérant en premier lieu, que, par son avis en date du 17 décembre 2002, jugé régulier, de manière définitive, par jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 septembre 2004, et dont les termes ont été rappelés ci-dessus, M. X a été déclaré inapte à reprendre ses précédentes fonctions ; qu'alors que celui-ci avait épuisé, le 28 juin 2000, l'intégralité de ses droits à congés-maladie, il ne peut dès lors prétendre à quelque indemnisation du fait de la perte de revenus qu'il a effectivement subi pour toute la période postérieure au 28 septembre 2000, ses conclusions visant à cet égard à la réparation d'un préjudice ne pouvant être inférieur à un montant de 122 520 euros devant par suite être rejetées ;

Considérant en deuxième lieu, que M. X doit cependant se voir indemnisé à raison de la perte de chance d'occuper, par reclassement, un emploi rémunéré dans le cas où son état physique lui eût permis de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, sans qu'il y ait lieu à ce titre d'examiner un éventuel préjudice de carrière ; qu'il sera ainsi fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence supportés par M. X du fait de sa mise à la retraite pour invalidité à l'âge de trente-trois ans, en méconnaissance répétée de ses droits statutaires, tenant tant aux répercussions de ces mesures sur ses projets de vie et son état de santé, qu'à leurs conséquences sur ses moyens d'existence, en les évaluant respectivement aux sommes de 5 000 et de 8 000 euros ;

Considérant en troisième lieu que M. X est en droit de prétendre au versement des intérêts au taux légal, à compter de la date de réception par l'administration de sa demande préalable du 13 octobre 2002, sur la part restant à verser, du fait de l'exécution du jugement de première instance, des indemnités précédemment définies pour un montant total de 13 000 euros ; que les intérêts ainsi produits seront capitalisés à la date du 17 octobre 2003, à laquelle le requérant a demandé le bénéfice des dispositions de l'article 1154 du code civil, et à chaque échéance annuelle ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a fait que partiellement droit à sa demande d'indemnisation de son préjudice et à demander la condamnation de l'État, au-delà de la somme de 3 000 euros qui lui a été accordée par les premiers juges, au versement d'une indemnité de 13 000 euros portant intérêts à compter de la date de réception de la demande du 13 octobre 2002, eux-mêmes capitalisés à compter du 17 octobre 2003 et à chaque échéance annuelle ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement n°s 0300438/5-2 et 0302417/5-2 du 9 septembre 2004 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales pris le 11 juillet 2003 est annulé.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. X la somme de 13 000 (treize mille) euros, déduction éventuellement faite de l'indemnité déjà versée en exécution du jugement de première instance, le solde dû portant intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'administration de la demande préalable du 13 octobre 2002. Les intérêts échus à la date du 17 octobre 2003, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : L'article 1er du jugement du 9 septembre 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire aux deux articles précédents.

Article 5 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les surplus des conclusions de la requête et de la demande sont rejetés.

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N° 04PA03731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Numéro d'arrêt : 04PA03731
Date de la décision : 06/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme STAHLBERGER
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme DESTICOURT
Avocat(s) : JORION

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-10-06;04pa03731 ?
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