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06/10/2008 | FRANCE | N°04PA02280

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 06 octobre 2008, 04PA02280


Vu la requête, enregistrée le 30 juin 2004, présentée pour Mme Irène X, demeurant ..., par Me Coubris ; Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris n°s 0300704/6-0313299/6 du 27 avril 2004 en ce qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande, en limitant la réparation de son préjudice à la somme de 18 000 euros ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser la somme de 195 000 euros, dont 30 000 euros à titre provisionnel, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudic

es subis à la suite de sa contamination par des produits sanguins administrés à l...

Vu la requête, enregistrée le 30 juin 2004, présentée pour Mme Irène X, demeurant ..., par Me Coubris ; Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris n°s 0300704/6-0313299/6 du 27 avril 2004 en ce qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande, en limitant la réparation de son préjudice à la somme de 18 000 euros ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser la somme de 195 000 euros, dont 30 000 euros à titre provisionnel, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis à la suite de sa contamination par des produits sanguins administrés à l'hôpital Bon Secours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang (EFS) le versement d'une somme de 5 000 euros par l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, lesquels comprendront ceux de référé et d'expertise, de première instance et d'appel ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998, notamment en son article 18 B, relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, ainsi que la loi de finances rectificative n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2008 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les observations de Me Audoux pour l'Etablissement français du sang,

- les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement,

- et connaissance prise de la note en délibérée présentée le 23 septembre 2008, par Me Coubris pour l'Etablissement français du sang ;

Considérant que Mme X a subi le 6 novembre 1980 une transfusion d'au moins trois culots globulaires à l'occasion d'une opération chirurgicale à l'hôpital Notre-Dame de Bon Secours à Paris relevant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) ; que l'intéressée, dont la contamination par le virus de l'hépatite C a été découverte lors d'un bilan biologique en mars 1992, a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à condamner conjointement l'AP-HP et l'Etablissement français du sang (EFS) à l'indemniser du préjudice subi ; que du fait de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 susvisée et de la convention de transfert intervenue le 29 décembre 1999 prise en application de celle-ci, ayant pour objet la substitution de l'EFS à l'AP-HP pour la part de ses anciennes activités transfusionnelles, les premiers juges ont retenu au titre de la contamination subie, la responsabilité du seul établissement spécialisé en produits sanguins ; que Mme X relève appel du jugement attaqué en ce qu'il n'a pas fait entièrement droit à ses conclusions relatives aux préjudices subis, cependant que, par la voie de l'appel incident, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime conclut à la condamnation de l'EFS au paiement de la somme de 1 055, 03 euros représentative des frais futurs, tandis que l'établissement public demande la minoration de sa condamnation tant vis-à-vis de la requérante qu'envers la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente Maritime ;

Sur le préjudice de Mme X :

Considérant d'une part, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné dans l'instance en référé et des pièces produites par Mme X quant à l'évolution ultérieure de son état de santé, que l'hépatite C chronique diagnostiquée en 1992, à l'âge de 54 ans, et qui avait nécessité un traitement, médiocrement toléré, par interféron durant la période du 4 octobre 1992 au 30 avril 1993, ainsi que deux ponctions biopsies en 1992 et 1994, reste à ce jour peu évoluée et peu évolutive ; que si Mme X, se plaint d'une asthénie permanente, incompatible avec toute activité récréative, et d'un état dépressif, le rapport d'expertise relève toutefois que cette asthénie est compatible avec une activité ménagère et sociale normale et que le rôle de l'hépatite C dans l'asthénie n'est pas certain ni exclusif, compte tenu des autres affections dont souffre l'intéressée ; que le rapport d'expertise évalue les souffrances endurées et le préjudice d'agrément, au regard de ces éléments à un niveau de 2 sur une échelle de 7 ; que par ailleurs, si l'expert n'a pas fixé de taux d'incapacité permanente partielle, compte tenu de l'absence de consolidation de l'état de santé de la défenderesse, cette circonstance ne s'oppose pas à ce qu'il soit statué sur les préjudices résultant de la contamination litigieuse ;

Considérant d'autre part, que la contamination par le virus de l'hépatite C a été constatée en mars 1992, alors que l'intéressée était âgée de 56 ans ; que depuis lors, Mme X a été contrainte à un suivi médical régulier, devant vivre dans la crainte d'une évolution subite et grave de son état, même s'il ne s'accompagne, pour l'instant, que de symptômes cliniques légers, et de manifestations physiques modérées ; que cette situation entraîne pour elle des troubles dans les conditions d'existence et un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en évaluant l'ensemble à la somme de 50 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que Mme X est fondée à solliciter la réformation du jugement attaqué et à ce que le montant des dommages et intérêts que l'Etablissement français a été condamné à lui verser soit porté à la somme de 50 000 euros portant intérêts au taux légal à compter du 11 août 2003 ; que par voie de conséquence, les conclusions incidentes de cet établissement en ce qu'elles visent Mme X ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'allocation d'une provision :

Considérant que le présent arrêt statuant sur le préjudice de Mme X, ces conclusions ne peuvent être que rejetées, sans que cette décision ne fasse obstacle à ce que l'intéressée présente une nouvelle demande au cas où son état de santé viendrait à s'aggraver ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente Maritime :

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a, également, fait droit à la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente Maritime en condamnant l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de 5 387, 51 euros au titre des prestations servies pour le compte de son assurée social, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 février 2003 ; que l'Etablissement français du sang soutient que la caisse ne justifie pas du lien de causalité entre les sommes dont elle demande le remboursement au titre des prestations déjà exposées et la contamination par le virus de l'hépatite C de Mme X ;

Considérant d'une part que, si la caisse produit un relevé ainsi que des attestations relatives aux prestations servies par elle à Mme X, il n'en résulte pas de façon certaine que les honoraires médicaux et auxiliaires du 7 juillet 1998 au 16 juin 2000, les frais pharmaceutiques sur cette même période et les actes de biologie du 12 octobre 1998 au 2 décembre 2002 soient directement imputables à la contamination de celle-ci lors de l'intervention du 6 novembre 1980, la caisse ne fournissant à cet égard aucune indication sur leur objet, alors et surtout qu'il est constant que l'intéressée souffrait d'autres pathologies ;

Considérant d'autre part, que si la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente Maritime demande le versement de la somme de 1 055, 03 euros au titre de frais futurs, lesdits frais ne peuvent être regardés comme ayant un caractère suffisamment certain pour lui ouvrir droit à indemnisation, notamment en raison des incertitudes scientifiques relatives à l'évolution des traitements de l'hépatite C ; qu'à ce titre, la présente décision ne s'oppose pas à ce que la caisse présente une nouvelle demande au cas où elle serait amenée à exposer de nouvelles sommes du fait de l'aggravation de l'état de l'intéressée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etablissement français du sang est fondé à demander la réformation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à verser à la CPAM de Charente-Maritime la somme de 5 387, 51 euros, assortie des intérêts au taux légal ;

Sur les frais irrépétibles demandés par Mme X et par la CPAM de Charente Maritime :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens... » ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang le versement à Mme X d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des susdites dispositions ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de cet établissement, le versement de la somme de 1 000 euros que demande à ce même titre la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, alors qu'elle succombe dans le présent litige ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que l'Etablissement français du sang a été condamné à verser à Mme X par le jugement susmentionné du Tribunal d'administratif de Paris est portée à 50 000 (cinquante mille) euros, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 11 août 2003.

Article 2 : L'article 3 du jugement attaqué est annulé.

Article 3 : Le surplus du jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 avril 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etablissement français du sang versera à Mme X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les surplus des conclusions de la requête de Mme X, et des appels incidents de l'Etablissement français du sang et de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Charente Maritime, sont rejetés.

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N° 04PA02280


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Numéro d'arrêt : 04PA02280
Date de la décision : 06/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme STAHLBERGER
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme DESTICOURT
Avocat(s) : COUBRIS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-10-06;04pa02280 ?
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