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04/07/2008 | FRANCE | N°04PA02523

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8éme chambre, 04 juillet 2008, 04PA02523


Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2004, présentée pour M. José et son épouse Mme Charleline Y épouse , demeurant ..., pour Mlle Marie-Line demeurant ..., et pour Mlle Lydia demeurant ..., par Me Fremaux ; les consorts demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0117786/6 en date du 25 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier intercommunal Jean Rostand de Sèvres à les indemniser de l'intégralité du préjudice subi du fait du décès de leur enfant à naître, à raison d'une

série de fautes de service ;

2°) de condamner le centre hospitalier interc...

Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2004, présentée pour M. José et son épouse Mme Charleline Y épouse , demeurant ..., pour Mlle Marie-Line demeurant ..., et pour Mlle Lydia demeurant ..., par Me Fremaux ; les consorts demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0117786/6 en date du 25 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier intercommunal Jean Rostand de Sèvres à les indemniser de l'intégralité du préjudice subi du fait du décès de leur enfant à naître, à raison d'une série de fautes de service ;

2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal Jean Rostand de Sèvres à verser à Mme Charleline , une somme de 30 489, 80 euros, à M. José , une somme de 30 489, 80 euros, à Mlle Marie-Line , une somme de 15 244, 90 euros et à Mlle Lydia , une somme de 15 244, 90 euros, ces sommes étant complétées par une somme de 4 573 euros pour frais d'obsèques, et assorties des intérêts de droit ;

3°) de condamner le Centre hospitalier intercommunal Jean Rostand de Sèvres à leur verser une somme de 7 622 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics et la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2008 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les consorts interjettent appel du jugement, en date du 25 mai 2004, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation du Centre hospitalier intercommunal Jean Rostand de Sèvres à réparer les conséquences dommageables des suites de l'accouchement de Mme Charleline , le 2 octobre 1991 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, alors applicable aux créances détenues sur les établissements publics hospitaliers en matière de responsabilité médicale : « Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public » ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : « La prescription est interrompue par : (...) Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance. Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée » ; qu'en vertu de ce dernier article, une plainte contre X avec constitution de partie civile interrompt le cours de la prescription quadriennale dès lors qu'elle porte sur le fait générateur, l'existence, le montant ou le paiement d'une créance sur une collectivité publique ;

Considérant qu'il ressort de l'instruction, qu'à la suite du décès, le 9 octobre 1991, de la petite Mélodie, née en état de mort apparente le 2 octobre 1991 au Centre hospitalier intercommunal Jean Rostand, Mme , sa mère, ainsi que son mari et ses deux filles, ont déposé une plainte contre X pour homicide involontaire le 8 janvier 1992, au Parquet du Tribunal de grande instance de Nanterre, afin de connaître les auteurs des fautes médicales commises lors du suivi de la phase finale de la grossesse de celle-ci dans ce même établissement hospitalier ; que les plaignants se sont constitués partie civile devant le juge d'instruction le 12 octobre 1993 ; que cette plainte, alors même que le juge judiciaire n'était pas compétent pour statuer sur des conclusions indemnitaires dirigées contre l'établissement public hospitalier, doit être regardée comme relative à la créance des consorts contre cet établissement ; qu'elle a, de ce fait, interrompu le cours de la prescription quadriennale en vertu des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, jusqu'à la date à laquelle le jugement du Tribunal correctionnel de Nanterre du 4 mai 2000, relaxant au bénéfice du doute la sage-femme et, purement et simplement le médecin poursuivis et rejetant l'action civile des consorts , est passé en force de chose jugée ; que par suite, les créances des consorts n'étaient pas prescrites le 14 novembre 2001, date à laquelle ils ont demandé au Centre hospitalier intercommunal Jean Rostand de Sèvres, l'indemnisation de leurs préjudices ;

Considérant dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la prescription quadriennale, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande présentée par les Consorts , au motif que la créance dont ils se prévalaient, était prescrite ; qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par

M. et Mme et leurs enfants ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du premier rapport d'expertise susmentionné, que l'évolution fatale a été causée par une souffrance foetale n'ayant pas été reconnue comme justifiant une extraction rapide de l'enfant, et que la gravité de la situation n'a pas été appréciée par le médecin accoucheur, lequel n'avait pas été prévenu suffisamment à temps, l'établissement hospitalier ne s'étant pas donné, dans ces circonstances, tous les moyens d'intervention rapide ; que les experts commis dans le cadre de la contre-expertise, ont noté que le fait de ne pas avoir rapidement reconvoqué Mme dans les 24 heures d'une première visite, et l'absence de déclenchement immédiat d'une naissance par césarienne dès les premiers signes d'une souffrance foetale ont abouti à une perte de chance de survie de l'enfant, alors qu'aucune anomalie morphologique de l'enfant à naître n'avait jusque-là été décelée ; que les délais ainsi apportés pour effectuer le contrôle et l'intervention d'urgence, qui auraient été de nature à réduire les risques encourus par Mme et son enfant à naître, les ont privées des garanties médicales que l'on est en droit d'attendre du service public hospitalier ; qu'un tel défaut dans l'organisation et le fonctionnement du service est de nature à engager la responsabilité du Centre hospitalier intercommunal de Sèvres à l'égard de M. et Mme et de leurs enfants, nonobstant les termes susrappelés du jugement du Tribunal correctionnel de Nanterre du 4 mai 2000, lequel n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée s'agissant de la question de la responsabilité du service public hospitalier ;

Considérant que, du fait du décès de l'enfant à naître, M. et Mme et leurs enfants mineurs vivant au foyer à l'époque des faits, ont subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ; que dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de l'indemnité due par le Centre hospitalier intercommunal de Sèvres à ce titre en leur allouant respectivement les sommes de 10 000 et de 20 000 euros, ainsi qu'une somme de 4 000 euros à chacun de leurs enfants ; qu'en revanche, en l'absence de justificatifs produits concernant la demande formulée au titre des frais d'obsèques, celle-ci ne peut qu'être rejetée ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la charge du Centre hospitalier de Sèvres, le versement aux Consorts d'une somme de 2 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement nº 0117786/6 du Tribunal administratif de Paris en date du 25 mai 2004 est annulé.

Article 2 : Le Centre hospitalier intercommunal de Sèvres est condamné à verser respectivement à M. et Mme les sommes de 10 000 (dix mille) et de 20 000 (vingt mille) euros, ainsi qu'à Marie-Line et Lydia une somme de 4 000 (quatre mille) euros chacune.

Article 3 : Le Centre hospitalier intercommunal de Sèvres versera aux Consorts une somme de 2 000 (deux mille) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête des Consorts est rejeté.

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N° 04PA02523


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8éme chambre
Numéro d'arrêt : 04PA02523
Date de la décision : 04/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: Mme DESTICOURT
Avocat(s) : FREMAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-07-04;04pa02523 ?
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