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28/04/2008 | FRANCE | N°06PA00762

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Formation plénière, 28 avril 2008, 06PA00762


Vu la requête, enregistrée le 27 février 2006, présentée pour Mme Anne Y et M. Eric X demeurant ..., par la

S. C. P. Teissonnière ; Mme Y et M. X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 janvier 2006 du Tribunal administratif de Paris en toutes ses dispositions à l'exception des mises hors de cause du Dr Z, et de l'hôpital Robert Debré qui doivent être confirmées ;

2°) de juger recevable et bien-fondé leur action fondée sur les dispositions de la loi du 4 mars 2002 contre l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et l'Etat, représenté par l

'agent judiciaire du Trésor ; de les condamner solidairement à réparer les préjudice...

Vu la requête, enregistrée le 27 février 2006, présentée pour Mme Anne Y et M. Eric X demeurant ..., par la

S. C. P. Teissonnière ; Mme Y et M. X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 janvier 2006 du Tribunal administratif de Paris en toutes ses dispositions à l'exception des mises hors de cause du Dr Z, et de l'hôpital Robert Debré qui doivent être confirmées ;

2°) de juger recevable et bien-fondé leur action fondée sur les dispositions de la loi du 4 mars 2002 contre l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et l'Etat, représenté par l'agent judiciaire du Trésor ; de les condamner solidairement à réparer les préjudices qu'ils ont subis ainsi que leur fils mineur Tony X sur le fondement de la faute ; subsidiairement, de désigner un expert afin de déterminer si la trisomie 21 dont sont atteintes les deux enfants Eva et Pauline X nées le 8 octobre 1998 aurait pu être décelée lors du suivi de la grossesse de Mme Y à l'hôpital Robert Debré et si ce dernier s'est correctement acquitté de ses obligations d'information et de conseil envers le couple ;

3°) de condamner l'Etat et l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à leur verser à chacun des dommages intérêts pour un montant de 152 500 euros ;

4°) de juger que leur fils percevra en réparation du préjudice moral qui lui a été causé des dommages intérêts pour un montant de 152 500 euros ;

5°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et l'Etat à couvrir le préjudice matériel qu'ils ont subi ;

6°) d'accorder une provision à valoir sur ce préjudice à hauteur de 100 000 euros ;

7°) de condamner toute partie perdante à leur verser 1 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le rapport d'expertise établi par le docteur Jacques ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu la loi n° 303-2002 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 avril 2008 :

- le rapport de M. Treyssac, rapporteur,

- les observations de Me Topaloff pour Mme Y et M. X et celles de Me Tsouderos pour l'Assistance publique - hôpitaux de Paris,

- et les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Anne Y, alors âgée de 35 ans et demi, a été suivie au service de gynécologie obstétrique de l'hôpital Robert Debré pour sa deuxième grossesse, gémellaire ; qu'après la naissance, le 8 octobre 1998 de deux petites filles atteintes d'une trisomie 21, Mme Y et son compagnon, M. X, ont recherché la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris par une première requête au fond introduite le 15 février 2003 devant le Tribunal administratif de Paris et réitérée par une seconde requête enregistrée le 20 octobre 2004, après que le contentieux ait été lié par une demande d'indemnisation préalable adressée à l'établissement public le 30 juillet 2004 ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'Etat :

Considérant que par un mémoire additionnel, enregistré le 28 juin 2006, Mme Y et M. X se sont désistés des conclusions dirigées initialement contre l'Etat ; que ce désistement est pur et simple ; qu'il y a lieu d'en donner acte ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'Assistance publique-hôpitaux de Paris :

Sur l'applicabilité des dispositions de la loi du 4 mars 2002 :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002, susvisée : I. Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. Les dispositions du présent I sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation ;

Considérant, en premier lieu, que l'impossibilité d'obtenir la réparation des charges particulières découlant d'un tel handicap n'est pas contraire aux exigences du procès équitable garanties par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'à la naissance de leurs deux filles, Mme Y et M. X avaient, sur le fondement de la jurisprudence alors applicable, et à la condition de démontrer que le non décèlement du handicap de leur fille avant leur naissance provenait d'une faute, même simple, de l'établissement hospitalier, l'espérance légitime d'obtenir réparation de leur préjudice, y compris les charges particulières découlant du handicap de leurs filles tout au long de leur vie ; que les dispositions précitées de la loi du 4 mars 2002 n'ont pu exclure cette réparation qu'à la condition de respecter un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens, et donc des créances patrimoniales, garanti par l'article 1 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que l'introduction, le 15 avril 1999, d'une première requête en référé expertise a marqué, de la part des requérants, le début d'une démarche contentieuse visant à faire valoir leur créance ; que cependant, après la communication, le 9 mars 2000, du rapport d'expertise établi par le professeur et le rejet par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, le 6 octobre 2000, d'une seconde demande d'expertise, ils n'ont plus donné aucune suite à leur action jusqu'au 15 février 2003, date à laquelle ils ont saisi le tribunal d'une requête indemnitaire, d'ailleurs non précédée d'une demande préalable à l'administration ; qu'eu égard à cette inaction de plus de deux ans, les requérants pouvaient donc être regardés, à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, comme ayant abandonné l'instance qu'ils avaient initiée en 1999, en sorte que la modification législative du régime d'indemnisation de cette catégorie de préjudices ne peut être regardée comme une ingérence excessive dans l'exercice des droits qu'ils tenaient des principes jurisprudentiels antérieurs ; que, dès lors, ils ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 ne leur seraient pas opposables ;

Sur la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris :

Considérant que Mme Y, née en 1962 et déjà mère d'un garçon de sept ans qui ne présentait aucune anomalie génétique, a débuté une seconde grossesse en février 1998 ; que les échographies pratiquées les 14 mars, 26 mars et 27 avril 1998 ayant révélé une grossesse gémellaire, Mme Y décida de se faire suivre à l'hôpital Robert Debré, où, lors d'une deuxième consultation le 2 juin 1998, elle évoqua le risque de trisomie 21avec son médecin ; que ce dernier estima qu'une amniocentèse ne s'imposait pas, et, compte tenu des risques importants de fausse couche impliqués par une ponction amniotique en cas de grossesse gémellaire, proposa à Mme Y de pratiquer un dépistage sérique HT21 pour évaluer les risques pour les enfants à naître d'être atteints de trisomie 21 ; que Mme Y a accepté ce test et signé un formulaire de consentement ; que les nouvelles échographies réalisées les 26 juin, 27 juillet et 24 août 1998 ne montraient toujours pas d'anomalies chromosomiques ; qu'à l'issue de la consultation du 25 août 1998 fut décidée, compte tenu d'un risque d'accouchement prématuré, l'hospitalisation de la patiente, au cours de laquelle trois nouvelles échographies ont été réalisées les 4, 9 et 14 septembre, lesquelles ne montraient toujours pas d'anomalie foetale significative ;

Considérant en premier lieu que l'amniocentèse n'est pas un examen obligatoire mais est seulement recommandée lorsque la future mère a dépassé l'âge de 38 ans ou appartient à un groupe à risque ; que, dans les circonstances de l'espèce, alors que Mme Y ne faisait pas partie d'un tel groupe, que les résultats du test sérique confirmaient cette indication et que ceux des échographies pratiquées tout au long de la grossesse ne faisaient pas craindre un risque d'anomalie chromosomique, les médecins n'ont pas commis de faute caractérisée en n'accédant pas au souhait d'un tel prélèvement que les parents avaient initialement formulé, sans d'ailleurs le renouveler après la consultation du 2 juin 1998 ;

Considérant en second lieu que si Mme Y et M X se plaignent d'avoir été empêchés de faire pratiquer une amniocentèse à cause d'un défaut d'information sur le caractère insuffisamment probant du test sérique réalisé, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme Y avait été au préalable exactement informée de ce qu'en l'état actuel de la science, la sensibilité du test d'évaluation du risque de trisomie foetale par utilisation de marqueurs sériques maternels ne permettait pas de déceler plus de 60% des cas de trisomie 21 ; que cette indication sur les limitations du test figurait d'ailleurs sur le formulaire de consentement qu'elle avait signé ; que, par suite, le défaut d'information invoqué par les requérants ne saurait être regardé comme constitutif d'une faute caractérisée au sens des dispositions de l'article premier alinéa 3 de la loi du 4 mars 2002, alors que les résultats de ce test n'impliquaient pas l'appartenance de Mme Y à un groupe de risque accru de trisomie 21 foetale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une contre expertise, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les préjudices allégués trouveraient leur origine dans l'existence d'une faute caractérisée imputable à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions dudit article, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme Anne Y et M. Eric X doivent dès lors être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte à Mme Y et à M. X du désistement des conclusions de leur requête dirigées contre l'Etat.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y et de M. X est rejeté.

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N° 06PA00762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Formation plénière
Numéro d'arrêt : 06PA00762
Date de la décision : 28/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

01-08-0226-055-02-0160-02-01-01 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. APPLICATION DANS LE TEMPS. - INDEMNISATION DES CONSÉQUENCES DOMMAGEABLES D'ACTES MÉDICAUX - CHAMP D'APPLICATION DE LA LOI DU 4 MARS 2002 (I DE L'ART. 1ER), CODIFIÉ À L'ARTICLE L. 114-5 DU CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES - NOTION D'INSTANCES EN COURS - VIOLATION DES STIPULATIONS DE L'ARTICLE 1ER DU 1ER PROTOCOLE ADDITIONNEL À LA CONVENTION EDH - ABSENCE - CONDITIONS [RJ1] [RJ2].

z01-08-02z26-055-02-01z60-02-01-01z Le I de l'article 1er de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, codifié à l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, prévoit, en cas de naissance d'un enfant atteint d'un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, que les parents peuvent demander réparation de leur seul préjudice et non des charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap, préjudice dont l'indemnisation relève de la solidarité nationale. Selon ce même article, ces dispositions sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation. Le régime législatif d'indemnisation ainsi institué, qui substitue au principe jurisprudentiel de faute simple l'exigence d'une faute caractérisée, n'a pu exclure du droit à réparation le préjudice résultant des charges particulières découlant du handicap qu'à la condition de respecter un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens, et donc des créances patrimoniales, garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En l'espèce, la modification législative du régime d'indemnisation de cette catégorie de préjudices ne peut être regardée comme une ingérence excessive dans l'exercice des droits que les parents de jumeaux atteints d'une trisomie 21 non décelée pendant la grossesse tenaient des principes jurisprudentiels antérieurs applicables à la date d'introduction de leurs deux requêtes en référé expertise, déposées en 1999 et 2000 et suivies d'une décision de rejet prononcée au vu des éléments d'un rapport d'expertise dont ils avaient reçu communication en mars 2000, dès lors qu'ils n'ont introduit une requête indemnitaire que plus de deux ans après et qu'eu égard à cette inaction, les requérants pouvaient être regardés, à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, comme ayant abandonné l'instance qu'ils avaient engagée en 1999.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 14 février 1997, Centre hospitalier régional de Nice, n° 133238, p. 44 ;

CE, M. et Mme Levenez, 24 février 2006, n° 250704, p. 83 ;

Cour EDH, 6 octobre 2005, Draon c/ France et Maurice c/ France, n°s 1513/03 et 11810/03.,,

[RJ2]

Rappr. CAA Paris, Plénière, 28 avril 2008, Consorts P. V., n° 06PA03047.


Composition du Tribunal
Président : M. ROTH
Rapporteur ?: M. Guy ROTH
Rapporteur public ?: Mme DESTICOURT
Avocat(s) : TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2008-04-28;06pa00762 ?
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