Vu la requête, enregistrée le 30 septembre 2005 au greffe de la cour, présentée pour la société par actions simplifiée ULYSSE, dont le siège social est 47 rue Charles Heller à
Vitry-sur-Seine (94400), par Mes More et Cortez ; la société ULYSSE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-4541/3 en date du 23 juin 2005 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 48 745,17 euros, assortie des intérêts au taux légal ;
2°) à titre principal de prononcer la condamnation demandée ainsi que la capitalisation des intérêts et, à titre subsidiaire, de saisir le Conseil d'Etat en application de l'article R. 113-3 du code de justice administrative ou la Cour de Justice des Communautés européennes en application de l'article 234 du Traité de l'Union européenne de la question de savoir si le mécanisme de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée postérieur à la suppression de la règle dite du « décalage d'un mois » est compatible avec les dispositions de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 relative à la taxe sur la valeur ajoutée et notamment ses articles 17, 18 et 28 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes
du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membre relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2008 :
- le rapport de M. Bossuroy, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Evgenas, commissaire du gouvernement ;
Considérant que selon l'article 17 paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires applicable au présent litige, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible et que selon l'article 18, paragraphe 2, de la même directive la déduction est opérée par imputation sur le montant de la taxe due pour une période de déclaration du montant de la taxe pour laquelle le droit à déduction a pris naissance au cours de la même période ; que l'article 28, paragraphe 3, sous d) a toutefois prévu que les Etats membres pourraient pendant une période transitoire continuer à appliquer des dispositions dérogeant au principe de la déduction immédiate prévue par l'article 18, paragraphe 2 ;
Considérant que par l'article 2 de la loi de finances rectificative pour 1993 du
22 juin 1993 la France a mis fin à la règle dite du « décalage d'un mois » qu'elle appliquait en vertu de la dérogation prévue par l'article 28 susvisé de la directive et au terme de laquelle la déduction de la taxe ayant grevé les biens ne constituant pas des immobilisations et les services ne pouvait être déduite qu'au titre du mois suivant celui au cours duquel la taxe était devenue exigible ; que par le même texte la France a institué pour les redevables ayant commencé leur activité avant le 1er juillet 1993 un régime transitoire selon lequel une partie de la taxe déductible constituait une créance sur le Trésor remboursable sur une période initialement fixée à vingt ans, la totalité des créances ayant été finalement remboursées en totalité en 2002 ;
Considérant, d'une part, que par un arrêt du 18 décembre 2007 rendu dans l'affaire
C-368/06, dans le cadre de la procédure de question préjudicielle, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que les articles 17 et 18 de la directive ne s'opposent pas au régime transitoire institué par la France à l'occasion de la suppression de la règle du décalage d'un mois autorisée par l'article 28, paragraphe 3, sous d) de la même directive, pour autant qu'il soit vérifié par le juge national que, dans son application au cas d'espèce, le régime transitoire réduit les effets de la disposition nationale dérogatoire antérieure ; que la société ULYSSE ne peut dès lors soutenir qu'en instaurant un tel régime transitoire, qui lui est plus favorable que les règles prévalant antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 1993 dès lors notamment qu'il permet à la créance née de sa mise en oeuvre de produire des intérêts et limite la créance de l'assujetti qui n'est pas immédiatement remboursable au seul montant d'une déduction de référence égale à la moyenne mensuelle des droits à déduction acquis des mois d'août 1992 à juillet 1993, et alors même qu'un tel système lui serait moins favorable que l'application pure et simple du principe de déduction immédiate prévu par la directive, le dispositif législatif serait contraire au droit européen ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales « Toute personne physique a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international… » ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou tout autre situation » ; que d'une part, si le niveau de rémunération de la créance sur l'Etat prévu par le régime instauré à titre exceptionnel et transitoire par la France était inférieur à celui d'autres créances sur l'Etat ou aux taux du marché et pouvait conduire, avec l'incessibilité de la créance, à une diminution de la valeur de ce bien, ce dispositif ne méconnaissait pas pour autant les stipulations de l'article 1er du premier protocole précité eu égard à l'intérêt général qui s'attachait à la conciliation de l'instauration d'un régime de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée se rapprochant des règles européennes avec la nécessité de limiter l'impact budgétaire de cette mesure ; que d'autre part, si seules les créances de taxe sur la valeur ajoutée nées de l'instauration d'un régime de déduction immédiate supérieures à un certain montant ont fait l'objet d'un remboursement différé, cette distinction, qui n'aboutit pas à des effets disproportionnés et qui est pertinente au regard des buts poursuivis, ne peut être regardée comme une discrimination prohibée par les stipulations combinées des articles 14 de la convention et 1er du premier protocole ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin ni de saisir le Conseil d'Etat en application de l'article R. 113-3 du code de justice administrative ni d'interroger la Cour de Justice des Communautés européennes par voie de question préjudicielle, que la société ULYSSE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'elle aurait subi du fait de l'instauration du régime transitoire prévu par l'article 2 de la loi de finances rectificatives pour 1993 ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société ULYSSE est rejetée.
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N°05PA03992