Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2006, présentée pour la société BANCO DE LA NACION ARGENTINA, dont le siège est Bartolome Mitre 326 à Buenos Aires (1026), Argentine, par Me Leclerc, avocat ; la société BANCO DE LA NACION ARGENTINA demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9920769/2 en date du 12 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des compléments de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre des années 1995 et 1996 ainsi que de restitution à concurrence de 34 058 F de la taxe sur les salaires qu'elle a spontanément acquittée au titre de l'année 1995 ;
2°) de prononcer la décharge et la restitution demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 6 098 euros hors taxes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2008 :
- le rapport de M. Bossuroy, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Evgenas, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la succursale française de la société BANCO DE LA NACION ARGENTINA l'administration a modifié le rapport d'assujettissement de cette société à la taxe sur les salaires au titre des années 1995 et 1996 ; que la société BANCO DE LA NACION ARGENTINA relève appel du jugement du 12 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté d'une part sa demande de décharge des compléments de taxe sur les salaires auxquels elle a en conséquence été assujettie au titre de ces années et d'autre part sa demande de restitution partielle de la taxe sur les salaires qu'elle avait spontanément versée au titre de l'année 1995 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la requérante fait valoir que les premiers juges ont commis une erreur en estimant qu'elle demandait que les sommes perçues par la succursale en provenance de son siège argentin soient portées à la fois au numérateur et au dénominateur du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires alors qu'elle demandait que lesdites sommes ne soient inscrites qu'au dénominateur de ce rapport ; que, toutefois, eu égard à l'absence de précision des écritures présentées en première instance par la société sur ce point, le tribunal ne peut être regardé comme s'étant mépris sur les moyens qui lui étaient soumis ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'au termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : « 1. Les sommes payées à titre de traitements, salaires, indemnités et émoluments, y compris la valeur des avantages en nature, sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, à la charge des personnes ou organismes, à l'exception des collectivités locales et de leurs groupements, des services départementaux de lutte contre l'incendie, des centres d'action sociale dotés d'une personnalité propre lorsqu'ils sont subventionnés par les collectivités locales, du centre de formation des personnels communaux et des caisses des écoles, qui paient des traitements, salaires, indemnités et émoluments lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée » ;
En ce qui concerne les compléments de taxe sur les salaires :
S'agissant de la compatibilité de la taxe sur les salaires avec le droit communautaire :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 33 de la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxe sur le chiffre d'affaires : « 1. Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, notamment de celles prévues par les dispositions communautaires en vigueur relatives au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un Etat membre des taxes sur les contrats d'assurance, sur les jeux et paris, d'accises, de droits d'enregistrement, et plus généralement de tous les impôts, droit et taxes n'ayant pas le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires, à condition, toutefois, que ces impôts, droits et taxes ne donnent pas lieu dans les échanges entre Etats membres à des formalités liées au passage d'une frontière » ; que ces dispositions ne permettent à un Etat membre d'introduire ou de maintenir un impôt ou une taxe que s'ils n'ont pas le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires qui aurait pour effet de compromettre le fonctionnement du système commun de taxe sur la valeur ajoutée en grevant la circulation des biens et des services et en frappant les transactions commerciales d'une façon comparable à celle qui caractérise la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 231 du code général des impôts que la taxe sur les salaires, qui a pour fait générateur le versement de rémunérations et dont l'assiette est constituée du montant de ces rémunérations ne s'applique pas aux transactions ayant pour objet des biens ou des services, que son montant n'est pas nécessairement proportionnel au prix perçu par le redevable en contrepartie des biens et des services qu'il fournit, qu'elle n'est pas obligatoirement perçue à chaque stade du processus de production et que les redevables ne peuvent déduire la taxe acquittée le cas échéant lors des étapes précédentes du processus, de sorte qu'elle s'appliquerait à la valeur ajoutée et que sa charge finale reposerait sur le consommateur ; que la taxe sur les salaires ne présentant ainsi aucune des caractéristiques qui sont celles d'une taxe sur le chiffre d'affaires au sens de l'article 33 précité de la sixième directive, le moyen tiré de ce que ladite taxe contreviendrait aux dispositions de cet article doit être écarté ;
Considérant, d'autre part, que si la taxe sur les salaires est due par les personnes qui ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour au moins 90 % de leur chiffre d'affaires, le cas échéant parce qu'elles réalisent en tout ou partie des opérations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, et que les rémunérations sont imposées en proportion du rapport entre le chiffre d'affaires non passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total, d'autant plus élevé que le redevable réalise des opérations exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée, il n'en résulte pas que la taxe sur les salaires, qui repose sur le versement des rémunérations, puisse être regardée comme un impôt se substituant à la taxe sur la valeur ajoutée, qui frappe les transactions de biens et de services, et qui ferait ainsi obstacle à l'effet utile des exonérations prévues par les dispositions de la sixième directive, notamment en matière d'opérations financières ; qu'en tout état de cause, ni les dispositions précitées de l'article 33 de la sixième directive, ni aucune autre disposition de cette directive et de la première directive du Conseil de la communauté économique européenne du 11 avril 1967 ne s'opposent à ce que des opérations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée soient soumises à d'autres impôts, à la condition que ces impôts n'aient pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires ;
Considérant, enfin, que si la société requérante fait valoir que la rédaction de l'article 231 du code général des impôts résultant de la loi de finances pour 1993 est contraire aux principes de primauté et d'effectivité du droit communautaire dès lors qu'elle aurait pour objet d'annuler les effets sur la taxe sur les salaires de l'arrêt de la cour de justice des communautés européennes du 22 juin 1993 aff.333-91 SATAM, intervenu en matière de taxe sur la valeur ajoutée, elle ne peut en tout état de cause invoquer utilement de tels principes dès lors que la taxe sur les salaires est uniquement régie par le droit interne et ne relève pas du droit communautaire ;
S'agissant des modalités de détermination du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires :
Considérant, d'une part, que le moyen tiré de ce que les intérêts de prêts accordés par la succursale française au siège argentin de la société devraient figurer à la fois au numérateur et au dénominateur du prorata de déduction de taxe sur la valeur ajoutée défini par l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts dès lors qu'il s'agit d'opérations exonérées par les dispositions du a du 1° de l'article 261 C du code général des impôts mais ouvrant droit à déduction en vertu des dispositions du c du 2° du V de l'article 271 du même code est inopérant dès lors que le présent litige ne porte pas sur les modalités de détermination du prorata prévu par l'article 212 de l'annexe II relatif à la taxe sur la valeur ajoutée mais sur celles du prorata prévu par l'article 231 relatif à la taxe sur les salaires ; qu'à supposer que la requérante ait entendu implicitement soutenir qu'il résulterait de l'inclusion des sommes en cause au numérateur et au dénominateur du prorata de déduction de taxe sur la valeur ajoutée que ces mêmes sommes devraient figurer seulement au dénominateur du prorata d'assujettissement à la taxe sur les salaires prévu par l'article 231, un tel moyen devrait être rejeté dès lors que les sommes reçues par une succursale dépourvue de la personnalité morale et dont il ne ressort pas de l'instruction qu'elle puisse être considérée comme étant autonome en tant que banque, notamment en ce qu'elle supporterait le risque économique découlant de son activité, et alors même qu'elle pourrait être regardée comme un établissement stable, n'ont pas le caractère de recettes et autres produits constitutifs du chiffre d'affaires au sens de l'article 231 et ne doivent par suite pas figurer au dénominateur du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires ;
Considérant, d'autre part, que la société fait valoir que les sommes reçues par la succursale française du siège argentin ne constituent pas un élément du chiffre d'affaires de la succursale et ne doivent par suite figurer ni au numérateur ni au dénominateur du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires ; que si, comme il a été dit ci-dessus, un tel moyen est fondé, il est en l'espèce inopérant dès lors qu'il ressort de l'instruction que l'administration a précisément déterminé le montant de la taxe sur les salaires due par la société BANCO DE LA NACION ARGENTINA au titre des années en litige en n'incluant lesdites sommes ni au numérateur ni au dénominateur du rapport ;
En ce qui concerne la demande de restitution partielle de la taxe sur les salaires acquittée au titre de l'année 1995 :
Considérant que la société fait valoir que son prorata d'assujettissement à la taxe sur les salaires s'élevant à 12 % au titre de l'année 1995 en vertu de la loi fiscale elle aurait pu faire application de la documentation administrative référencée 5 L-1421 n° 21 en date du 2 juillet 1990 permettant de ramener ce prorata à 4 % ; que ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être rejeté, dès lors que le prorata déterminé conformément à la loi fiscale en excluant les sommes provenant du siège du numérateur comme du dénominateur, et que l'administration a d'ailleurs appliqué comme il a été dit ci-dessus, s'établit à 54 % ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société BANCO DE LA NACION ARGENTINA n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société BANCO DE LA NACION ARGENTINA est rejetée.
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N°06PA00343