Vu enregistrée le 6 juillet 2005 au greffe de la cour, la requête présentée pour la société anonyme SAINT LOUIS SUCRE, dont le siège social est 23-25, avenue Franklin-Roosevelt 75008 Paris, venant aux droits de la société anonyme Générale Sucrière, par Me Duchatel ; la société SAINT LOUIS SUCRE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 982192/2 en date du 19 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de réduction des compléments d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard y afférents auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 1988 ainsi que des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 30 septembre 1989 et 1990 ;
2°) de prononcer la décharge et les réductions demandées ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 novembre 2007 :
- le rapport de M. Bossuroy, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Evgenas, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'en indiquant, à propos de la provision pour hausse des prix, que la société avait constitué des provisions globales alors qu'elle stockait diverses catégories de sucre, les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de ce que le sucre détenu en stock par l'entreprise ne constituait qu'une seule catégorie de produit ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la provision pour hausse des prix :
Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts : « …les entreprises peuvent… pratiquer en franchise d'impôt une provision pour hausse des prix lorsque, pour une matière ou un produit donné, il est constaté, au cours d'une période ne pouvant excéder deux exercices successifs… une hausse de prix supérieure à 10 % « et qu'aux termes de l'article 10 nonies de l'annexe III audit code : « 1. Pour chaque matière, produit ou approvisionnement, le montant maximal de la dotation pouvant être porté au compte Provisions pour hausse des prix est déterminé à la clôture de chaque exercice en multipliant les quantités de ladite matière ou dudit produit ou approvisionnement existant en stock à la date de cette clôture par la différence entre : 1° La valeur unitaire d'inventaire de la matière, du produit ou de l'approvisionnement à cette date ; 2° Une somme égale à 110 % de sa valeur unitaire d'inventaire à l'ouverture de l'exercice précédent ou, si elle est inférieure, de sa valeur unitaire d'inventaire à l'ouverture de l'exercice considéré. Toutefois, lorsqu'elle est déterminée en partant de la valeur unitaire à l'ouverture de l'exercice précédent, la dotation ainsi obtenue est, le cas échéant, diminuée du montant de la dotation effectivement pratiquée à la clôture dudit exercice » ; que, pour l'application des dispositions précitées, il y a lieu le cas échéant d'établir une distinction entre plusieurs catégories de matières ou de produits lorsque figurent en stocks des matières ou produits qui, tout en étant physiquement semblables, voient leurs prix de marché évoluer en fonction de facteurs, notamment économiques ou juridiques, différents ;
Considérant que la société SAINT LOUIS SUCRE a déduit des exercices clos en 1988 et 1990 une provision pour hausse des prix déterminée en considérant le sucre qu'elle détenait en stock comme un seul produit ; que l'administration estime pour sa part qu'il y a lieu de distinguer entre différentes catégories de stocks de sucre selon leur situation au regard de la réglementation communautaire applicable à ce secteur d'activité ; que si la société fait valoir que tous les sucres figurant dans les stocks sont de même nature, il résulte de l'instruction que les prix d'achat des catégories distinguées par le service diffèrent notablement par leur niveau et leur évolution, du fait des différentes interventions communautaires sur une partie des marchés concernés ; que c'est par suite à bon droit que l'administration a tenu compte de ces différences économiques pour déterminer la provision pour hausse des prix déductible par la requérante ;
En ce qui concerne la provision afférente à la cotisation de résorption :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant… notamment : … 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables » ; que la société SAINT LOUIS SUCRE a constitué au titre des exercices en litige des provisions destinées à couvrir les charges correspondantes aux cotisations de résorption instituées par les règlements du Conseil des communautés européennes n° 934/86 du 24 mars 1986 et 3046/86 du 3 octobre 1986 ;
Considérant qu'il ressort des dispositions des règlements précités que la cotisation de résorption, destinée à résorber le déficit du régime d'aide à l'écoulement du sucre à l'extérieur de la communauté européenne apparu pendant les campagnes de commercialisation 1981/1982 à 1985/1986, devait être perçue pendant les campagnes de commercialisation 1986/1987 à 1990/1991 et calculée sur la base de la production de sucre constatée à l'issue desdites campagnes, dont chacune commence le 1er juillet pour s'achever le 30 juin de l'année suivante ; que la société requérante pouvait ainsi déterminer avec suffisamment de précision à la clôture des exercices intervenant le 30 septembre des années 1988, 1989 et 1990 le montant des cotisations de résorption qu'elle serait amenée à payer au titre des exercices ultérieurs, compte tenu notamment des prévisions de production sur lesquelles elle pouvait se fonder ; que la cotisation de résorption en cause, étant destinée à compenser l'insuffisance de financement des restitutions à l'exportation versées aux producteurs de sucre au cours des campagnes 1981/1982 à 1985/1986, n'avait pour l'entreprise aucune contrepartie dans l'avenir ; que, dans ces conditions, les provisions en litige pouvaient être déduites des exercices clos en 1988, 1989 et 1990 ; qu'il y a lieu par suite de réduire les bases assignées à la requérante au titre de l'année 1988 du montant du redressement en cause, soit 46 674 924 F ; qu'il n'y lieu en revanche de prononcer aucune réduction au titre des années 1989 et 1990 dès lors que l'administration n'avait procédé au titre de ces années à aucun redressement net du fait des corrections symétriques qu'elle avait effectuées ;
Sur les pénalités afférentes au complément d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société SAINT LOUIS SUCRE au titre de l'année 1988 :
Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : « Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions… Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois », qu'aux termes de l'article 1727 A du même code: « 1. L'intérêt de retard prévu à l'article 1727 est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement » et qu'aux termes de l'article 1729 : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727… 2. Le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la notification de redressements… » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la provision pour hausse des prix contestée par l'administration a spontanément fait l'objet par la société SAINT LOUIS SUCRE d'une reprise au titre de l'exercice ouvert le 1er octobre 1990 et clos le 31 décembre 1990 ; que la période de décompte de l'intérêt de retard doit par suite être arrêtée à la date du paiement par la société de la cotisation d'impôt sur les sociétés due au titre dudit exercice et non pas au dernier jour du mois de la notification de redressements du 24 décembre 1991; que l'administration ne conteste pas que ce paiement est intervenu au plus tard le 31 décembre 1990 pour un montant identique à celui résultant de la notification de redressement ultérieure ; que le taux de 26,25 % retenu par le service doit dès lors être réduit des intérêts correspondant aux douze mois séparant le 31 décembre 1990 du 31 décembre 1991, soit 9 %, pour être fixé à 17,25 % ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SAINT LOUIS SUCRE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a refusé de réduire les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre de l'exercice clos en 1988 de la somme de 46 674 924 F et de ramener de 26,25 % à 17,25 % le taux des intérêts de retard applicables au complément d'impôt sur les sociétés établi au titre du même exercice ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés assignées à la société
SAINT LOUIS SUCRE au titre des exercices clos le 30 septembre 1988 sont réduites de la somme de 46 674 924 F.
Article 2 : Le taux des intérêts de retard applicables au complément d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société SAINT LOUIS SUCRE au titre de l'année 1988 est fixé à 17,25 %.
Article 3 : La société SAINT LOUIS SUCRE est déchargée des droits en principal et des pénalités y afférentes correspondant à la réduction de bases d'imposition et de taux d'intérêts de retard définies aux articles 1er et 2.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 19 mai 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à la société SAINT LOUIS SUCRE la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 05PA02671