Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 mars 2007, présentée pour M. Myah élisant domicile chez M.Mohammed Z, ...), par Me Taelman, avocat ; M. demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°0700163/8 en date du 5 février 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2007 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour par laquelle le préfet de police a fixé le pays de renvoi ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte de dix euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 octobre 2007 :
- le rapport de Mme Dhiver,
- les observations de Me Taelmann, pour M. ,
- et les conclusions de Mme Evgenas, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que devant le tribunal administratif, M. a soulevé, dans un mémoire complémentaire enregistré le 15 janvier 2007, un moyen tiré du défaut de base légale de l'arrêté du 5 janvier 2007 décidant sa reconduite à la frontière ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen qui n'était pas inopérant, le magistrat désigné par le président du tribunal a entaché son jugement d'une omission à statuer ; que par suite, le jugement du 5 février 2007 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur la demande présentée par M. en première instance dirigée contre l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière et contre la décision distincte fixant le pays de renvoi ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière ;
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été pris par M. Roger A qui avait reçu délégation, par un arrêté du préfet de police en date du 13 janvier 2006 régulièrement publié le 20 janvier 2006, pour signer notamment les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, dès lors, être écarté ;
Considérant, en second lieu, que l'arrêté, en date du 5 janvier 2007, par lequel le préfet de police a décidé la reconduite à la frontière de M. , comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que, par suite, cet arrêté est suffisamment motivé ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité » ; qu'aux termes de l'article L. 311-5 du même code : « La délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, d'un récépissé de demande de titre de séjour ou d'un récépissé de demande d'asile n'a pas pour effet de régulariser les conditions de l'entrée en France, sauf s'il s'agit d'un étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié » ;
Considérant que l'article 52 de la loi du 24 juillet 2006 a introduit à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile un I qui prévoit que : « L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français (…) » et précise que l'étranger dispose, pour satisfaire à cette obligation d'un délai d'un mois ; que ce même article abroge les 3° et 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, dans leur rédaction antérieure à la loi du 24 juillet 2006, prévoyaient qu'un étranger pouvait être reconduit à la frontière s'il s'était maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant une décision qui soit avait refusé de lui délivrer un titre de séjour, de renouveler un tel titre ou qui avait retiré le titre dont il bénéficiait, soit avait retiré ou refusé de renouveler un récépissé de demande de carte de séjour ou une autorisation provisoire de séjour précédemment délivrée ; que, conformément à l'article 118 de la loi du 24 juillet 2006, ces dispositions sont entrées en vigueur le 29 décembre 2006, jour de la publication du décret en Conseil d'Etat pris pour leur application ;
Considérant qu'à compter de l'entrée en vigueur de ces dispositions, la nouvelle procédure d'obligation de quitter le territoire français est seule applicable lorsque l'autorité administrative refuse à un étranger, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte ou son autorisation provisoire de séjour ; que, pour les étrangers qui avaient fait l'objet de telles mesures avant la publication du décret du 23 décembre 2006, un arrêté de reconduite à la frontière peut toutefois être pris s'ils entrent par ailleurs dans le champ d'application du 1° ou du 2° de II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006 ;
Considérant que, pour prononcer le 5 janvier 2007 la reconduite à la frontière de M. , le préfet de police s'est fondé sur les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. , ressortissant d'origine birmane, a déclaré être arrivé en France le 9 août 2004 sans toutefois être en mesure de justifier d'une entrée régulière ; que, s'il a sollicité le statut de réfugié auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et s'est vu alors remettre un récépissé constatant le dépôt de cette demande, l'OFPRA a rejeté sa demande par une décision du 16 mars 2005, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 6 janvier 2006 ; qu'à la suite de sa demande de réexamen de sa situation reçue par l'OFPRA le 4 juillet 2006, aucun titre ni aucun récépissé ne lui a été délivré ; que les dispositions précitées de l'article L. 311-5 dudit code font obstacle à ce que M. , dont la première demande d'asile a été définitivement rejetée et dont la demande de réexamen a été regardée par le préfet comme un recours abusif aux procédures d'asile et un moyen de faire échec à une mesure d'éloignement imminente, puisse se prévaloir des autorisations provisoires de séjour qui lui ont été délivrées pour permettre l'examen de sa demande et qui ne sauraient être regardées comme valant régularisation de sa situation quant aux conditions de son entrée en France ; que n'étant, par ailleurs, pas dispensé de justifier être en possession des documents exigés par l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour entrer sur le territoire français, il entre, contrairement à ce qu'il soutient, dans le champ d'application de la disposition précitée du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, et alors même que l'intéressé avait fait l'objet antérieurement au 1er janvier 2007 d'une décision de refus de séjour, le préfet de police a pu sans erreur de droit prononcer sa reconduite à la frontière sur le fondement de ces dispositions ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 4º La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code susmentionné : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'Office » ; qu'enfin, aux termes du second alinéa de l'article L. 723-1 du même code : « l'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés au 2° à 4° de l'article L. 741-4, ou qui se sont vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et ainsi qu'il a été dit précédemment, que la qualité de réfugié politique a été refusée à M. par une décision de l'OFPRA du 16 mars 2005, confirmée le 6 janvier 2006 par la commission des recours des réfugiés ; que si l'intéressé a sollicité le réexamen de sa situation, cette demande, à l'appui de laquelle il faisait état de la répression dont les jeunes hommes de sa communauté font l'objet en Birmanie et produisait une lettre de son frère du 11 mars 2006 dépourvue de valeur probante, doit être regardée comme n'apportant aucun élément nouveau et sérieux relatif aux risques qu'il encourrait dans son pays d'origine ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le préfet de police a regardé cette nouvelle demande comme entrant dans le champ d'application du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'OFPRA, statuant par priorité en application de l'article L. 723-1 dudit code, a rejeté sa demande de réexamen par une décision du 5 juillet 2006 ; que les dispositions précitées de l'article L. 742-6 autorisaient le préfet de police à prendre le 5 janvier 2007 une mesure d'éloignement à l'égard de M. , sans qu'y fasse obstacle la circonstance que M. avait saisi la commission des recours des réfugiés le 8 août 2006 d'un recours à l'encontre de la décision de l'office du 5 juillet 2006 ;
Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la mesure de reconduite à la frontière qui n'a pas pour objet de fixer le pays de renvoi ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination ;
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que si M. soutient que la décision distincte fixant la Birmanie comme pays de destination n'est pas suffisamment motivée, ce moyen, qui procède d'une cause juridique nouvelle invoquée pour la première fois en appel, est irrecevable ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ; que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet, en désignant la Birmanie comme pays de destination de la reconduite de M. , aurait lié sa décision à l'appréciation portée par l'OFPRA et la commission des recours des réfugiés sur les faits allégués par l'intéressé et n'aurait pas examiné sa situation au regard de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. fait valoir qu'en raison de son appartenance à la minorité musulmane des Rohingyas, sa vie est menacée en cas de retour en Birmanie ; que, toutefois, les pièces qu'il produit à l'appui de ses allégations, constituées d'un rapport de la fédération internationale de la ligue des droits de l'homme d'avril 2000 sur la situation en Birmanie, plus particulièrement en Arakan, et la lettre susévoquée de son frère du 11 mars 2006, ne permettent pas d'établir que M. serait personnellement menacé dans son pays d'origine ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. doit être rejetée ;
Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressé :
Considérant que le présent arrêt qui rejette la demande de M. devant le Tribunal administratif de Paris n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de M. doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 5 février 2007 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
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N°07PA01023