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05/04/2006 | FRANCE | N°03PA01099

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation a, 05 avril 2006, 03PA01099


Vu l'arrêt n° 03PA01099- 03PA01186- 03PA01187 en date du 20 octobre 2004 par laquelle la Cour de céans a, à la demande de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE et de L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, ordonné une expertise avec pour mission de déterminer les causes de la contamination de Mme C par le virus de l'hépatite C, de décrire son état et de préciser les préjudices et, à la demande de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, accordé le sursis à exécution du jugement n° 01 04576/6 du 14 janvier 2003 du Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code c...

Vu l'arrêt n° 03PA01099- 03PA01186- 03PA01187 en date du 20 octobre 2004 par laquelle la Cour de céans a, à la demande de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE et de L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, ordonné une expertise avec pour mission de déterminer les causes de la contamination de Mme C par le virus de l'hépatite C, de décrire son état et de préciser les préjudices et, à la demande de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, accordé le sursis à exécution du jugement n° 01 04576/6 du 14 janvier 2003 du Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 22 mars 2006 :

- le rapport de Mme Pellissier, rapporteur,

- les observations de Me Perinetti pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par le jugement litigieux le tribunal administratif a déclaré l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, venant aux droits de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, responsable de la contamination de Mme C par le virus de l'hépatite C et, rejetant comme insuffisamment justifiées les demandes de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE, a condamné l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à verser à Mme C une somme de 15 000 euros en réparation de ses préjudices personnels ; que tant la Caisse primaire d'assurance maladie que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ont fait appel de ce jugement, Mme C demandant par la voie de l'appel incident l'augmentation de l'indemnité qui lui a été accordée ;

Sur le principe de la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée : « En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au demandeur non seulement de faire état d'une éventualité selon laquelle sa contamination par le virus de l'hépatite C provient d'une transfusion, mais d'apporter un faisceau d'éléments conférant à cette hypothèse, compte tenu de toutes les données disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que si tel est le cas, la charge de la preuve contraire repose sur le défendeur ; qu'au stade où le juge, au vu des éléments produits, forme sa conviction, le doute profite au demandeur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme C a reçu en janvier 1982, à l'occasion d'une hospitalisation d'urgence à l'hôpital de la Pitié Salpétrière, la transfusion de 14 produits sanguins, dont le statut sérologique à l'égard de l'hépatite C n'était pas contrôlé ; qu'en l'absence d'autres facteurs de risques, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée avant dire droit, que sa contamination par le virus de l'hépatite C, mise en évidence en septembre 1998, est très vraisemblablement imputable à cette transfusion ; que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG n'apporte pas la preuve que les produits transfusés, dont les donneurs n'ont pu être retrouvés, ne sont pas à l'origine de cette contamination ni que celle-ci est imputable à une autre cause ; que dans ces conditions, le doute profitant à Mme C, l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, venant aux droits des fournisseurs des produits transfusés, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement litigieux l'a déclaré responsable des conséquences de la contamination de

Mme C par le virus de l'hépatite C ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'après la découverte en septembre 1998 de sa contamination par le virus de l'hépatite C, Mme C a été hospitalisée en novembre 1998 au CHU de Nantes et a subi une biopsie qui a révélé une hépatite chronique moyennement active avec un début de fibrose portale (score de Metavir à A2F2) ; qu'elle a bénéficié de décembre 1998 à novembre 1999 d'un traitement à l'Interféron, seul puis associé à la Ribavirine, qui n'a pas permis la disparition du virus ; qu'un suivi psychologique et psychiatrique, comportant la prise de nombreux médicaments, a dû être mis en place dès 1998 compte tenu de l'important retentissement psychologique de la maladie et des effets secondaires du traitement ; que Mme C a été hospitalisée en septembre 2000 pour une seconde biopsie qui n'a pas révélé d'amélioration, puis a subi à partir de décembre 2000 un deuxième traitement à l'interféron Pégylé, arrêté après huit injections du fait d'effets secondaires insupportables ; qu'un traitement d'entretien a ensuite été poursuivi, concurremment avec le suivi psychologique, jusqu'à la mise en place en juin 2004 d'un troisième traitement à l'Interféron et à la Ribavirine encore en cours lors du dépôt du rapport d'expertise en mars-avril 2005 et qui donnait alors des résultats encourageants avec une virémie négative dès septembre 2004 ;

Considérant que le traitement de la maladie hépatique de Mme C et de ses répercussions psychologiques a entraîné des frais d'hospitalisation, de consultations de médecins et spécialistes, de pharmacie et d'analyses, ainsi que des frais de transport par taxi de Mme C de Saint-Jean de Monts, où elle réside, à Challans et Nantes, où elle a dû consulter ; que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE justifie ainsi, selon la liste jointe à son mémoire du 26 mai 2005, avoir dépensé au total 15 144, 44 euros pour des actes dont le lien avec la contamination de Mme C par le virus de l'hépatite C est suffisamment établi ; que si la Caisse fait état, selon un état établi en mars 2003, de « frais futurs occasionnels » et « frais futurs viagers » en consultations, analyses et traitements qu'elle chiffre au total à 13 281, 08 euros, ces frais compte tenu notamment de l'évolution de la maladie ne présentent pas un caractère suffisamment certain pour donner lieu à indemnisation ;

Considérant que la circonstance que Mme C s'est bornée à demander, tant dans sa demande préalable que devant le premier juge, une indemnité de 2 millions de francs en réparation du « préjudice spécifique » causé par la contamination par le virus de l'hépatite C ne lui interdit pas de préciser en appel, suite à l'expertise ordonnée par la cour et pour un montant total d'ailleurs inférieur à celui initialement demandé, quels chefs de préjudice recouvre dans son cas cette estimation globale ; qu'ainsi les fins de non-recevoir opposées par l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG doivent être rejetées ;

Considérant que du fait de l'asthénie majeure entraînée par sa contamination par le virus de l'hépatite C, Mme C, alors âgée de 46 ans, a été à compter du 3 octobre 1998 mise en congé longue maladie et a perçu pendant trois ans des indemnités journalières de la Caisse primaire d'assurance maladie pour un montant total de 13 638, 20 euros ; qu'elle a ensuite été placée en invalidité en octobre 2001, date à laquelle la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE a commencé à lui verser une pension d'invalidité pour un total cumulé de 7 795, 04 euros au 31 octobre 2002 ; que Mme C, qui fait valoir qu'elle a dû mettre en gérance puis en location le bar- hôtel- restaurant qu'elle avait acquis en février 1998 avant de le revendre sans plus-value en février 2005, ne démontre pas cependant avoir subi une perte de revenus professionnels non compensée par les versements précités de la Caisse primaire d'assurance maladie ; que s'il est suffisamment établi par l'instruction que le versement des indemnités journalières précitées et d'une pension d'invalidité par la Caisse est en lien direct avec la contamination de Mme C, qui ne souffrait d'aucune autre affection, par le virus de l'hépatite C, il n'y a pas lieu d'inclure dans le calcul du préjudice, comme le demande la caisse, les échéances futures capitalisées de la pension d'invalidité, la poursuite de son versement n'étant pas suffisamment certaine dès lors notamment qu'un traitement en cours à la date de l'expertise laissait espérer une guérison de Mme C pouvant entraîner une reprise d'activité ;

Considérant que Mme C, en raison de l'asthénie majeure avec hypersomnie liée à sa contamination, a dû réduire ses activités et abandonner à 46 ans son activité professionnelle ; que le retentissement psychologique de cette maladie et les effets secondaires des traitements entrepris sont à l'origine de troubles psychologiques majeurs ; que Mme C a également souffert de problèmes relationnels avec son entourage ; que les souffrances physiques liées à la maladie et son traitement ont été évaluées par l'expert à 3,5 à 4 sur une échelle de 7 ; qu'enfin Mme C a subi un préjudice esthétique minime du fait d'une alopécie partielle durant le traitement ; que dans ces circonstances, elle est fondée à soutenir que le Tribunal administratif de Paris a fait une appréciation insuffisante des troubles qu'elle a subis dans ses conditions d'existence, y compris le préjudice esthétique et les souffrances physiques et morales, en fixant à 15 000 euros l'indemnité qu'il a condamné l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à lui verser ; qu'il y a lieu de réformer le jugement litigieux pour porter à 20 000 euros, dont 12 000 représentent les préjudices personnels et 8 000 l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, l'indemnité correspondant à ces divers préjudices ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice total créé par les transfusions sanguines dont l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG est responsable s'élève à 56 577, 68 euros, dont 12 000 réparent des préjudices personnels et le restant répare l'atteinte à l'intégrité physique de la personne ;

Considérant que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE justifie de débours pour un montant total de 36 577, 68 euros, correspondant aux frais médicaux, indemnités journalières et pension d'invalidité qu'elle a pris en charge ou versés à Mme C ; que cette somme est inférieure à la part non personnelle de l'indemnité réparant le préjudice sur laquelle elle s'impute en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; qu'ainsi la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation et à demander la condamnation de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à lui verser la somme de 36 577, 68 euros ; que conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil, elle a droit aux intérêts sur cette somme à compter de sa demande de paiement du 3 décembre 2001, date à laquelle a été enregistré son premier mémoire au tribunal administratif, pour ce qui concerne les indemnités journalières, les arrérages de pension et les frais médicaux qui avaient été réglés avant cette date, et, en ce qui concerne les frais médicaux exposés et les arrérages de rente échus depuis cette demande, à compter de leur paiement ;

Considérant qu'en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée avant dire droit à la charge de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG, partie perdante qui en a fait l'avance ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à verser à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE la somme de 1 000 euros et à

Mme C la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance qu'elles ont exposés ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme que l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG a été condamné à verser à Mme C par le jugement du 14 janvier 2003 susvisé est portée à 20 000 euros.

Article 2 : L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG est condamné à verser une somme de 36 577, 68 euros à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE en réparation du préjudice causé par la contamination de Mme C par le virus de l'hépatite C. Cette somme portera intérêts à compter du 3 décembre 2001 pour les frais médicaux, les indemnités journalières et les arrérages de rente payés avant cette date et à compter de leur paiement pour ceux des frais exposés et arrérages échus postérieurement à cette date.

Article 3 : Le jugement litigieux du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée avant dire droit sont mis à la charge définitive de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG.

Article 5 : L'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG versera une somme de 1 000 euros à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE et une somme de 1 500 euros à Mme C au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA VENDEE, de la requête de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et de l'appel incident de Mme C est rejeté.

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N° 03PA01099-N°03PA01186


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 03PA01099
Date de la décision : 05/04/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés RACINE
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : BOSSU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-04-05;03pa01099 ?
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