Vu la requête, enregistrée le 8 août 2000, présentée pour la SOCIETE DE TRAVAUX ELECTRIQUES INDUSTRIELS FRANCAISE - STEIF dont le siège est ..., par Me X... ; la SOCIETE STEIF demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9602796 en date du 23 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à ce que soit constatée l'illégalité du marché conclu par l'IUT de Ville d'Avray avec la société Nouvelle des Etablissements Verger et Delporte, d'autre part, à la condamnation de l'IUT à lui verser une somme de 395 000 F en réparation du préjudice subi ;
2°) de faire droit aux conclusions susvisées et de condamner l'IUT de Ville d'Avray à lui verser 30 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 19 octobre 2004 :
- le rapport de Mme Corouge, rapporteur ;
- les observations de Me Y..., avocat pour l'Université Paris X Nanterre ;
- et les conclusions de M. Trouilly, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE STEIF a fait valoir devant le Tribunal administratif de Paris que la procédure d'attribution, en 1995, selon la procédure de l'appel d'offres restreint, d'un marché de travaux d'électricité par l'IUT de Ville d'Avray était entachée d'illégalité et a demandé réparation du préjudice subi du fait de son éviction de ce marché ;
Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en estimant qu'en l'absence d'une chance sérieuse d'emporter le marché, la SOCIETE STEIF, qui soutenait avoir été évincée irrégulièrement de la procédure d'appel d'offres, n'avait pas droit à l'indemnisation de son manque à gagner, sans rechercher si ladite société n'était pas dépourvue de toute chance d'emporter le marché pour lui permettre notamment d'être indemnisée des frais exposés pour soumissionner, le Tribunal administratif de Paris a entaché son jugement d'une erreur de droit ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;
Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande soulevés par la SOCIETE STEIF devant le Tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'aux termes de l'article 97 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable au marché litigieux : ...la personne responsable du marché arrête la liste des candidats admis à présenter une offre, en tenant compte des garanties professionnelles et financières présentées par chacun des candidats... La lettre de consultation adressée aux entrepreneurs ou fournisseurs retenus comporte au moins la date limite de réception des offres, les renseignements nécessaires à l'obtention du dossier de consultation et le délai de validité des offres ; que la lettre de consultation prévue par ces dispositions constitue une formalité substantielle dont la personne responsable du marché ne peut se dispenser ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'IUT de Ville d'Avray s'est dispensé d'adresser à la SOCIETE STEIF la lettre de consultation prévue par l'article 97 précité ; que la circonstance que la personne responsable du marché a pris contact téléphoniquement avec la SOCIETE STEIF ne saurait se substituer à cette formalité substantielle ; que, par suite, la SOCIETE STEIF est fondée à soutenir qu'elle n'a pas été ainsi mise à même de présenter une offre et que la procédure de passation du marché en cause est entachée d'irrégularité ; que cette irrégularité entache d'illégalité la décision de l'IUT de Ville d'Avray du 20 juin 1995 d'attribuer le marché à une entreprise concurrente ainsi que la décision en date du 4 janvier 1996 par laquelle la personne responsable du marché a rejeté le recours gracieux de la SOCIETE STEIF ;
Sur la demande d'indemnisation :
Considérant que la personne responsable du marché ne peut utilement soutenir que la SOCIETE STEIF ne présentait pas des garanties professionnelles suffisantes pour exécuter le marché dès lors que la candidature de cette entreprise avait été retenue par elle, sur proposition de la commission d'appel d'offres ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que le chiffre d'affaires des trois dernières années, communiqué par la SOCIETE STEIF à la commission d'appel d'offres, aurait été surévalué ; qu'il suit de là que la SOCIETE STEIF a été privée de toute possibilité de présenter une offre susceptible d'être retenue ; qu'eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la société requérante en lui allouant une indemnité de 3 000 euros ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que la SOCIETE STEIF, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser au défendeur la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Université de Paris X Nanterre, venant aux droits de l'IUT de Ville d'Avray, à verser à la SOCIETE STEIF une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 23 mai 2000 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'Université de Paris X Nanterre, venant aux droits de l'IUT de Ville d'Avray, est condamnée à verser à la SOCIETE STEIF une somme de 3 000 euros.
Article 3 : L'Université de Paris X Nanterre, venant aux droits de l'IUT de Ville d'Avray, est condamnée à verser à la SOCIETE STEIF la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
3
N° 00PA02573