Vu les requêtes enregistrées au greffe de la cour le 27 avril 1999 sous le numéro 99PA01269 et le 29 avril 1999 sous le numéro 99PA01305 présentées respectivement pour M. Y et autres par la SCP MASSE-DESSEN, GEORGES, THOUVENIN, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et pour M. AG et autres par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; les requérants demandent à la cour d'annuler un jugement en date du 10 décembre 1998, notifié par lettre du 3 mars, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur requête tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier Ministre sur leur demande tendant à la réparation du préjudice causé par les accords internationaux des 11 avril 1986 et 13 août 1989 qui ont eu pour effet de les priver des droits qu'ils tenaient de la rupture de leur contrat de travail passé avec la Compagnie Air Afrique, et à la condamnation de l'Etat à leur verser, avec les intérêts de droit, lesdites sommes, outre les frais de procédure et une indemnité au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, ensemble un jugement du 19 mars 1998 ordonnant avant dire droit la transmission de la requête au ministère des affaires étrangères et au ministre de la justice ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 2003 :
- le rapport de M. TREYSSAC, premier conseiller,
- les observations de Me Y... -DESSEN, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, pour MM. Y, Z, A, B, C, X, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, AH S, T, U, V, W, AA, AB, AC, AI AF, AE, celles de Me Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, pour, MM. AG, AJ,
- et les conclusions de M. LAURENT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que les requêtes enregistrées sous les n°s 99PA01269 et 99PA01305 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Considérant que les requérants demandent réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait des accords conclus entre la France et la Côte d'Ivoire les 11 avril 1986 et 13 août 1989 qui ont eu pour effet de les priver des droits qu'ils tenaient de la rupture de leur contrat de travail passé avec la Compagnie Air Afrique ;
I/ Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que compte tenu des circonstances de l'affaire, les délais accordés par les juges de première instance à l'administration pour produire ses écritures en défense ne sont pas excessifs ; qu'ils relèvent du pouvoir inquisitorial de la juridiction administrative, exercé en tout état de cause dans le but d'une bonne administration de la justice, et ne constituent aucunement des facilités excessives vis à vis du défendeur ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le principe d'égalité des armes aurait été violé par le juge de première instance doit être rejeté ;
II/ Sur la responsabilité de l'Etat pour faute :
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 36 à 41 de l'accord de coopération en matière de justice, signé entre la France et la Côte d'Ivoire, le 24 avril 1961, qu'est exclue, pour l'appréciation de la compétence de la juridiction qui a rendu une décision en matière civile et commerciale, passée en force de chose jugée dans un Etat, toute application dans l'autre Etat de ses propres règles de conflit de compétence ou de tout privilège de juridiction reconnu par cet Etat à ses ressortissants, en raison de leur nationalité, lorsque la décision définitive rendue dans le premier Etat y a été complètement exécutée, et qu'elle n'est invoquée, dans le deuxième Etat qu'en vue de la reconnaissance de son autorité ;
Considérant que les accords conclu entre la France et la Côte d'Ivoire les 11 avril 1986 et 13 juillet 1989, publiés au Journal Officiel, les 16 avril 1986 et 24 août 1989, relatifs à ladite convention du 24 avril 1961, se présentent expressément comme ayant un caractère interprétatif des articles susrappelés, et n'ont effectivement pas modifié le droit existant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'action en opposabilité intentée dans l'un des pays signataires, contre une décision rendue sur le territoire de l'autre était contraire aux accords précités ;
Considérant que la responsabilité de l'Etat ne peut donc pas être recherchée sur la faute que constituerait la signature par l'Etat de ces accords dans le seul but de priver les requérants des droits qu'ils tenaient de la rupture de leur contrat de travail passé avec la Compagnie Air Afrique ;
Considérant par ailleurs que le moyen tiré de la violation de l'article 6§1 de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que l'Etat aurait commis un acte d'ingérence dans un procès en cours , alors même que le litige en cause est d'ordre privé et que l'Etat n'est pas partie à l'instance ne saurait être valablement invoqué ; qu'il doit donc être rejeté ;
III/ Sur la responsabilité sans faute de l'Etat :
Considérant que les requérants demandent par ailleurs réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de la rupture d'égalité devant les charges publiques résultant des accords conclus entre la France et la Côte d'Ivoire les 11 avril 1986 et 13 août 1989 qui ont eu pour effet de les priver des droits qu'ils tenaient de la rupture de leur contrat de travail passé avec la Compagnie Air Afrique ;
Considérant que la convention franco-ivoirienne se borne à poser des règles en matière d'autorité de la chose jugée entre la France et la Côte d'Ivoire, lesquelles ne sont pas directement à l'origine du préjudice subi ; qu'au surplus eu égard à la portée dudit accord et notamment au nombre de personnes auxquelles ses stipulations sont susceptibles de s'appliquer, les préjudices invoqués par les requérants ne peuvent être regardés comme présentant un caractère spécial de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les juges de première instance ont déclaré les requérants infondés à demander sur ce terrain réparation du préjudice qu'ils auraient subi ainsi que la condamnation de l'Etat à leur verser les indemnités qu'ils demandent ;
IV/ Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la cour ne peut faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige en cause ; que les conclusions présentées par M. Y et autres et par M. AG et autres ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes présentées par M. Y et autres et par M. AG et autres sont rejetées.
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N° 99PA01269
N° 99PA01305
Classement CNIJ : 60-01-01-03
C+