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15/07/2025 | FRANCE | N°24NT03495

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 15 juillet 2025, 24NT03495


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 2018 ainsi que celle des pénalités correspondantes, pour un montant en droits et pénalités de 185 171 euros.

Par un jugement n° 2201140 du 16 octobre 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant l

a cour :



Par une requête enregistrée le 12 décembre 2024, M. et Mme B... A..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 2018 ainsi que celle des pénalités correspondantes, pour un montant en droits et pénalités de 185 171 euros.

Par un jugement n° 2201140 du 16 octobre 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 décembre 2024, M. et Mme B... A..., représentés par Me Perree, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils contestent l'application par le service du paragraphe 60 de la documentation administrative n° BOI-RFPI-SPI-10-20 pour remettre en cause l'application du régime d'imposition des plus-values immobilières prévu par l'article 150 UB du code général des impôts s'agissant des droits détenus dans le cadre d'un contrat de crédit-bail immobilier ;

- un contrat de crédit-bail immobilier confère au crédit-preneur des droits sur l'immeuble faisant l'objet de ce contrat ainsi que cela est prévu d'ailleurs dans d'autres dispositifs fiscaux, dans le domaine du droit immobilier ainsi qu'aux paragraphes 10 à 50 de la documentation administrative n° BOI-PAT-IFI-20-30-30 du 8 juin 2018 ;

- la réponse du ministère chargé du budget à la question écrite n° 6568, publiée au Journal officiel du Sénat le 31 octobre 2013, confirme que les droits afférents à des contrats de crédit-bail immobilier doivent être pris en compte pour l'appréciation de la prépondérance immobilière ;

- la documentation administrative n° BOIENR-DMTOI-10-60 prévoit une obligation de publication au service de la publicité foncière pour les contrats de crédit-bail immobilier qui emportent constitution d'un bail d'une durée supérieure à douze ans, ce qui indique que le crédit-bail immobilier confère, au sens du droit fiscal, un droit portant sur un immeuble ;

- l'exclusion par la doctrine administrative des crédits preneurs de l'interprétation de l'article 150 UB I du code général des impôts méconnaît le principe d'égalité devant l'impôt garanti par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- le droit comptable ne saurait, à lui seul, pouvoir accorder ou retirer au contrat de crédit-bail sa qualité de droit portant sur un bien immobilier ;

- l'appréciation à géométrie variable de la notion de droits portant sur des biens immobiliers méconnaît le principe d'intelligibilité de la loi qui découle de l'article 14 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2025, la ministre chargée des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le plan comptable général ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- et les observations de Me Faulconnier, substituant Me Perree, pour M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Le 25 juin 2018, M. et Mme A... ont cédé les 25 parts sociales qu'ils détenaient chacun dans la société civile immobilière (SCI) " Je construis ". La plus-value nette réalisée, d'un montant de 448 707 euros, a été soumise au régime des plus-values immobilières prévu à l'article 150 UB du code général des impôts. Par une proposition de rectification du 22 janvier 2021, l'administration a remis en cause, selon la procédure contradictoire, le régime d'imposition de cette plus-value au motif que la SCI " Je construis " n'était pas à prépondérance immobilière et l'a imposée selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux prévu à l'article 150-0 A du code général des impôts. Il en est résulté, au titre de l'année 2018, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales pour un montant total, en droits et pénalités, de 185 171 euros. Leur réclamation ayant été rejetée par décision du 20 janvier 2022, M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge de ces impositions et pénalités. Par un jugement du 16 octobre 2024, le tribunal a rejeté leur demande. M. et Mme A... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. D'une part, aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. (...) ". Aux termes du I de l'article 150 UB du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les gains nets retirés de cessions à titre onéreux de droits sociaux de sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits portant sur ces biens, sont soumis exclusivement au régime d'imposition prévu au I et au 1° du II de l'article 150 U. Pour l'application de cette disposition, sont considérées comme sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont l'actif est, à la clôture des trois exercices qui précèdent la cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles ou des droits portant sur des immeubles, non affectés par ces sociétés à leur propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale. (...) ". Enfin, aux termes du I de l'article 150 U du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 212-5 du plan comptable général : " Le titulaire d'un contrat de crédit-bail comptabilise en charges les sommes dues au titre de la période de location. / À la levée de l'option d'achat, le titulaire d'un contrat de crédit-bail inscrit l'immobilisation à l'actif de son bilan pour un montant établi conformément aux règles applicables en matière de détermination de la valeur d'entrée. ". Il résulte de ces dispositions, applicables en l'absence de dispositions fiscales contraires, que l'immobilisation correspondant à la disposition d'un contrat de crédit-bail par son titulaire est inscrite par ce dernier à son bilan au moment de la levée de l'option d'achat.

4. M. et Mme A... étaient associés dans la SCI " Je construis " ayant pour activité notamment la conclusion de tous contrats de crédit-bail immobiliers et relevant de l'article 8 du code général des impôts. Cette SCI a, le 23 mars 2000, conclu un crédit-bail immobilier avec la société Bail Entreprises, prenant ainsi à bail immobilier des constructions devant être édifiées dans la zone d'activités des Longs Réages à Plérin pour un montant de 423 808 euros. Ce contrat de crédit-bail prévoyait une levée d'option, au bénéfice de la SCI " Je construis ", au prix d'un euro à l'issue du bail, soit le 1er mai 2019. Par un avenant du 14 septembre 2006, la société Bail Entreprises a accepté de financer une extension de 1 002 mètres carrés, portant le coût de construction de l'immeuble objet du crédit-bail à 1 153 808 euros. Le 25 juin 2018, M. et Mme A... ont cédé les 25 parts sociales qu'ils détenaient chacun dans la SCI " Je construis " et ont soumis la plus-value nette réalisée, d'un montant de 448 707 euros, au régime des plus-values immobilières prévu à l'article 150 UB du code général des impôts. L'administration a toutefois remis en cause le bénéfice de ce régime d'imposition et a imposé ces plus-values, regardées comme des cessions de valeurs mobilières et de droits sociaux, sur le fondement de l'article 150-0 A du code général des impôts.

5. M. et Mme A... font valoir que le contrat de crédit-bail que la SCI détenait était un droit portant sur un immeuble qui doit être pris en compte pour apprécier le critère de la prépondérance immobilière. Cependant, si un contrat de crédit-bail peut permettre l'acquisition d'un immeuble par le preneur, après levée de l'option, ce dernier n'a pas de droit réel sur cet immeuble qu'il pourrait inscrire à son actif avant la levée de l'option d'achat. Ainsi, à la date de cession des parts de la SCI " Je construis ", le 25 juin 2018, le ou les immeubles objet du contrat du crédit-bail litigieux ne pouvaient avoir été régulièrement inscrits à son actif. Il n'est ni établi, ni même allégué, qu'à la date de cession des parts litigieuses, l'actif comptable de la société comportait d'autres immeubles ou droits sur des immeubles. Dès lors, sans que M. et Mme A... puissent utilement se prévaloir des effets attachés aux conventions de crédit-bail immobilier par d'autres dispositions du code général des impôts ou au droit immobilier, c'est à bon droit que l'administration a refusé de soumettre la plus-value générée par la cession des parts de la société en cause au régime d'imposition des plus-values immobilières défini à l'article 150 UB du code général des impôts. Le service s'est, à cet égard, borné à appliquer les critères posés par cet article sans appliquer le paragraphe 60 de sa propre doctrine référencée BOI-RFPI-SPI-10-20.

6. Enfin, si M. et Mme A... soutiennent que les dispositions de l'article 150 UB du code général des impôts portent atteinte au principe d'égalité devant l'impôt consacré à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et que la notion de droits portant sur des biens immobiliers présente dans plusieurs dispositifs fiscaux méconnait le principe d'intelligibilité de la loi qui est un objectif à valeur constitutionnel, il n'appartient pas au juge administratif, en dehors des cas où il est saisi par un mémoire distinct et motivé conformément aux dispositions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative, de se prononcer sur de tels moyens. En l'absence d'un tel mémoire, les moyens ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".

8. Les requérants ne peuvent utilement, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, se prévaloir de la réponse du ministère chargé du budget à la question écrite n° 6568 publiée au Journal officiel du Sénat le 31 octobre 2013 qui a trait à l'interprétation du a sexies-0 bis de l'article 219 du code général des impôts. Ils ne sont pas davantage fondés à se prévaloir des paragraphes 10 à 50 de la documentation administrative n° BOI-PAT-IFI-20-30-30 du 8 juin 2018, qui ont trait, non à l'impôt sur le revenu, mais à l'impôt sur la fortune immobilière ainsi que de la documentation administrative n° BOI-ENR-DMTOI-10-60 relative aux droits d'enregistrement dans le cadre des mutations de propriété à titre onéreux d'immeubles.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2025.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT03495


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT03495
Date de la décision : 15/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : ACTIONEO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-15;24nt03495 ?
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