Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2023 par lequel le préfet de la Sarthe lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2317092 du 13 juin 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 décembre 2024 et 19 juin 2025, M. A... C..., représenté par Me Guerin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2024 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2023 du préfet de la Sarthe ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- la première juge a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le jugement est entaché d'erreurs de droit, de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- il n'est pas établi qu'elle a été signée par une autorité compétente ;
- cette décision est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et familiale ;
- elle est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur de fait compte tenu de la délivrance d'une nouvelle attestation de demande d'asile valable du 17 novembre 2023 au 16 mai 2024 ;
- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'exécution de la décision aura pour conséquence de le séparer de son épouse ainsi que de son enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2025, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Penhoat a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... ressortissant azerbaïdjanais et titulaire d'un passeport géorgien, est entré en France le 17 décembre 2021. Sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 19 octobre 2022, confirmée par une décision du 22 septembre 2023 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 26 octobre 2023 pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Sarthe a décidé de l'obliger à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 13 juin 2024 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Si le requérant soutient que la première juge n'a pas mentionné ses problèmes de santé, elle n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé faute de préciser le moyen auquel la première juge n'aurait pas répondu de façon suffisante. Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité faute d'être suffisamment motivé doit être écarté.
3. En deuxième lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, dans l'hypothèse où la magistrate désignée du tribunal administratif aurait commis, comme le soutient le requérant, une erreur de fait, une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation susceptibles d'affecter la validité de la motivation du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, ces erreurs resteraient, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement.
4. Aux termes de de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier de première instance qu'à l'appui de sa demande, M. C... a notamment soutenu que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si un tel moyen est inopérant, ladite décision n'ayant pas pour objet de fixer un pays de destination, la magistrate désignée du tribunal administratif était néanmoins tenue de le viser dans son jugement pour montrer qu'elle en avait pris connaissance et, ainsi, être regardée comme ayant entendu l'écarter implicitement comme inopérant. Il suit de là que M. C... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en raison d'un défaut de réponse à un moyen et doit, pour ce motif, être annulé.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par
M. C... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu de de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions présentées par M. C... devant la cour tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, par un arrêté du 20 juin 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Sarthe, le préfet de la Sarthe a donné délégation à M. D... B..., directeur à la citoyenneté et à la légalité à la préfecture de la Sarthe, signataire de l'arrêté attaqué, à l'effet de signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
8. En deuxième lieu, l'obligation de quitter le territoire français vise les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde et rappelle les éléments de la situation personnelle et du parcours de M. C... qui font qu'il relève des hypothèses, visées par ces dispositions, dans lesquelles l'autorité préfectorale peut légalement décider de prendre une mesure d'obligation de quitter le territoire français. La mesure d'éloignement en litige comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde.
9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Sarthe n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C... notamment au regard de ses problèmes de santé.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " (...) Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 541-3 du même code : " Sans préjudice des dispositions des articles L. 753-1 à L. 753-4 et L. 754-1 à L. 754-8, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une décision d'éloignement prise en application du livre VI, cette dernière ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français, dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 et L. 542-2 ".
11. La circonstance que M. C... s'est vu délivrer une attestation de demande d'asile postérieurement à la décision portant obligation de quitter le territoire du 26 octobre 2023, qui n'a pas eu pour effet d'abroger cette décision mais fait seulement obstacle, en application des dispositions précitées de l'article L. 541-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à son exécution, est sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entachée la décision contestée doit être écarté.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière, l'autorité préfectorale n'est tenue de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.
13. Par un avis du 15 septembre 2023, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut de prise en charge pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. Il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre d'un asthme sévère avec obstruction bronchique fixée associée à une polypose nasosinusienne nécessitant la mise en place d'une biothérapie par Dupilulab d'une pathologie cardiaque ainsi que le recours à des nébulisations de bronchodilatateurs avec un nébuliseur pneumatique plusieurs fois par jour. Toutefois, les certificats médicaux produits par le requérant, dans les termes généraux dans lesquels ils sont rédigés, ne permettent pas d'établir qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à l'asthme dont il souffre dans son pays d'origine. Dès lors, le préfet de la Sarthe n'a pas fait une inexacte application des stipulations du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
15. En sixième lieu, la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérants à l'appui des conclusions d'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2023 qui ne comporte aucun refus de titre séjour.
16. En septième lieu, le séjour de M. C..., qui est entré en France le 11 septembre 2020, soit moins de deux ans à la date de l'arrêté contesté, est récent. L'intéressé n'a pas d'autres attaches familiales en France que son épouse et son fils majeur qui font également l'objet d'une décision les obligeant à quitter le territoire français. Par ailleurs, le requérant n'établit pas être dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale dans un des pays dans lesquelles la famille serait légalement admissible. Dans ces conditions d'entrée et de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle a poursuivis, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
17. En huitième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, laquelle ne fixe pas le pays de destination.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
18. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination mentionne la nationalité azerbaïdjanaise de M. C..., vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et précise qu'il ne justifie pas être exposé personnellement à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision comporte ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant un énoncé suffisant des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement.
19. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 16, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
20. En troisième et dernier lieu, le requérant n'établit pas être dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale dans un des pays dans lesquels la famille serait légalement admissible.
21. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé, d'une part, à demander l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2023 du préfet de la Sarthe en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, d'autre part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1err : Le jugement n° 2317092 du 13 juin 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 26 octobre 2023 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : Les conclusions de M. C... présentées devant le tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Sarthe du 26 octobre 2023 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français ainsi que le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2025.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
G. QUILLÉVÉRÉ La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT03396 2
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