Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 août 2024 du préfet du Morbihan portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation de son pays de renvoi, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'obligeant à remettre son passeport et à pointer deux fois par semaine au commissariat de Lorient.
M. C... B... a également contesté les mêmes décisions prises à son encontre le même jour par le préfet du Morbihan.
Par un jugement n° 2405799, 2405804 du 7 février 2025, le tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans concernant M. et Mme B... et a rejeté le surplus de leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I, Par une requête enregistrée le 7 mars 2025, sous le n° 25NT00696, M. B..., représenté par Me Delilaj, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 février 2025 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions du 28 août 2024 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation de son pays de renvoi et l'obligeant à remettre son passeport et à pointer deux fois par semaines au commissariat de Lorient ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet du Morbihan de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou une autorisation provisoire de séjour dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur la nécessité des soins dispensés à la jeune A... ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et familiale ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée par rapport à l'avis des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- en cas de retour en Serbie sa fille ne pourra bénéficier des soins requis par son état de santé compte tenu notamment de leurs origines albanaises ;
- le préfet a méconnu les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée
- elle est contraire aux dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
Sur les obligations de remise de son passeport et de pointage :
- cette décision est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et familiale ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2025, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
II, Par une requête enregistrée le 7 mars 2025, sous le n° 25NT00701, Mme B..., représentée par Me Delilaj, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 février 2025 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions du 28 août 2024 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation de son pays de renvoi et l'obligeant à remettre son passeport et à pointer deux fois par semaines au commissariat de Lorient ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet du Morbihan de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou une autorisation provisoire de séjour dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle se prévaut des mêmes moyens que son mari dans l'instance 25NT00696.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2025, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard ;
- et les conclusions de M. Catroux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux requêtes distinctes, M. et Mme B..., ressortissants serbes, relèvent appel du jugement du 7 février 2025 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 28 août 2024 du préfet du Morbihan pris à leur encontre et portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation de leur pays de renvoi et les obligeant à remettre leurs passeports et à pointer deux fois par semaines au commissariat de Lorient.
2. Les deux requêtes enregistrées sous les numéros n°25NT00696 et n°25NT00701, sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal administratif de Rennes a indiqué, au point 7 du jugement attaqué, que l'état de santé de leur fille A... nécessitait des soins dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une omission de répondre à ce moyen manque en fait et ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation des refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, il convient d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges les moyens tirés de ce que les décisions portant refus de titre de séjour sont insuffisamment motivées, révèlent un défaut d'examen de la situation des requérants, sont entachées d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 432-1-1 et R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et méconnaissent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, moyens que M. et
Mme B... réitèrent en appel sans apporter d'élément nouveau.
5. En second lieu, aux termes de l'article L 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9 (...) se voient délivrer (...) une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...) / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur (...) / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger (...) dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an (...)". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous les éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Il ressort des pièces du dossier que la jeune A..., qui est née en Serbie en 2015, souffre d'une encéphalopathie épileptique lésionnelle droite pharmaco-résistante à l'origine de troubles moteurs et de la déglutition importants ainsi que de déficiences intellectuelles et comportementales. Dans son avis émis le 26 août 2024, le collège des médecins de l'OFII a considéré que l'état de santé de cette enfant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ils ont cependant estimé que cette fillette pourrait voyager sans risque vers son pays d'origine afin d'y recevoir les soins adaptés à sa pathologie. En appel, le préfet précise que la Serbie dispose des moyens techniques permettant la réalisation d'examens d'imagerie par résonnance magnétique (IRM) cérébrale, d'électroencéphalogrammes ainsi que des structures médicales permettant une prise en charge hospitalière ou ambulatoire par des pédiatres et pédiatres spécialisés en endocrinologie, en neurologie, en neurochirurgie ou en diététique. Il ajoute que les traitements médicamenteux dispensés aux enfants atteints de troubles épileptiques sont disponibles dans ce pays. Pour contester l'avis du collège des médecins de l'OFII les requérants produisent des comptes-rendus médicaux justifiant des soins dispensés à leur enfant dans les centres hospitaliers de Brest et de Lorient depuis leur arrivée en France en 2021. Il n'est pas contesté que ces soins ont amélioré l'état de santé de la jeune fille dont la pathologie est désormais " mieux stabilisée " ainsi que le reconnaît le neuropédiatre du centre hospitalier de Lorient qui la suit. Ces documents médicaux ne sont cependant pas de nature à établir une défaillance du système de soins en Serbie, et l'impossibilité pour la fillette de bénéficier des traitements dont elle peut avoir besoin dans son pays d'origine. Par ailleurs, si les requérants évoquent les discriminations dont seraient victimes les ressortissants serbes d'origine albanaise, leurs allégations n'ont pas été jugées suffisamment précises et circonstanciées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile lors de l'examen de leurs demandes d'asile et ne sont pas corroborées par les documents généraux et impersonnels dont ils se prévalent. Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant refus de titre de séjour prises à leur encontre seraient contraires aux dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur les conclusions à fin d'annulation des autres décisions contenues dans les arrêtés du
28 août 2024 :
8. Il convient d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges les moyens tirés de ce que les décisions prises à l'encontre de M. et Mme B... portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation de leur pays de renvoi et les obligeant à remettre leurs passeports et à pointer deux fois par semaines au commissariat de Lorient sont insuffisamment motivées, révèlent un défaut d'examen de leur situation, et méconnaissent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, moyens que les intéressés réitèrent en appel sans apporter d'élément nouveau.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et Mme D... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- Mme Marion, première conseillère,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2025.
La rapporteure,
V. GELARDLa présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 25NT00696, 25NT00701