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08/07/2025 | FRANCE | N°24NT02354

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 08 juillet 2025, 24NT02354


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 22 mars 2021 rejetant son recours contre la décision du 30 septembre 2020 par laquelle le préfet du Var a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.



Par un jugement n° 2104083 du 16 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enr

egistrée le 24 juillet 2024, Mme A... B..., représentée par Me Vaubois, demande à la cour :



1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 22 mars 2021 rejetant son recours contre la décision du 30 septembre 2020 par laquelle le préfet du Var a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 2104083 du 16 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2024, Mme A... B..., représentée par Me Vaubois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 mai 2024 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 22 mars 2021 rejetant son recours contre la décision du 30 septembre 2020 par laquelle le préfet du Var a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme B... soutient que :

- la décision contestée n'a pas été signée par une autorité compétente ;

- la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'insuffisance de ses ressources est directement fondée sur son état de santé ; elle est née en France et y a vécu la majeure partie de sa vie ; ses frères et sœurs ainsi que ses enfants sont de nationalité française ; elle maîtrise parfaitement la langue française ; elle réside régulièrement en France où elle mène une vie stable et équilibrée ; elle n'a jamais fait l'objet d'une condamnation pénale ;

- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés et se réfère à son mémoire de première instance dont il produit une copie.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 16 février 1978, a sollicité l'acquisition de la nationalité française par naturalisation. Sa demande a été ajournée à deux ans par une décision en date du 30 septembre 2020 du préfet du Var. Saisi du recours préalable obligatoire prescrit par le décret du 30 décembre 1993, le ministre de l'intérieur a confirmé l'ajournement à deux ans de la demande de naturalisation de Mme B... par une décision du 22 mars 2021. Mme B... a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Elle relève appel du jugement du 16 avril 2024 de ce tribunal rejetant sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué, le moyen tiré de de ce que la décision contestée a été signée par une autorité incompétente, que Mme B... reprend devant la cour sans nouvelle précision.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " Hors le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 : " (...) / Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation (...) sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) ".

4. L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Elle peut, dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, l'intégration de l'intéressé dans la société française, son insertion sociale et professionnelle et le fait qu'il dispose de ressources lui permettant de subvenir durablement à ses besoins en France. Pour rejeter une demande de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, l'autorité administrative ne peut se fonder ni sur l'existence d'une maladie ou d'un handicap ni, par suite, sur l'insuffisance des ressources de l'intéressé lorsqu'elle résulte directement d'une maladie ou d'un handicap.

5. Pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de Mme B..., le ministre de l'intérieur, dans sa décision du 22 mars 2021, lui a opposé le fait qu'elle n'avait pas réalisé son insertion professionnelle et qu'elle ne disposait pas de ressources suffisantes et stables, par ailleurs tirées, pour l'essentiel, de prestations sociales.

6. Il est constant que Mme B..., entrée pour la dernière fois sur le territoire français en 1993 à l'âge de 15 ans, n'a jamais exercé d'activité professionnelle et demeure sans emploi à la date de la décision contestée. Si elle fait valoir que son état de santé fait obstacle à l'exercice d'une activité professionnelle, les pièces du dossier ne permettent pas de l'établir. A cet égard, si elle justifie avoir été atteinte d'une grave pathologie, celle-ci a été diagnostiquée au cours de l'année 2021 et les pièces du dossier ne permettent pas d'établir qu'avant cette date, son état de santé aurait fait obstacle à l'exercice de toute activité professionnelle. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que si Mme B... s'est vu délivrer une carte mobilité inclusion priorité avec un taux d'incapacité compris entre 50% et 80 %, le 18 novembre 2021, et s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé le 10 février 2022, ces circonstances sont postérieures à la décision contestée. Il en va de même de la circonstance que la requérante aurait été victime d'un accident de la circulation le 20 septembre 2022. Enfin, eu égard au motif fondant la décision contestée, les circonstances selon lesquelles Mme B... est née en France et y a vécu la majeure partie de sa vie, que ses frères et sœurs ainsi que ses enfants sont de nationalité française, qu'elle maîtrise parfaitement la langue française, qu'elle réside régulièrement en France où elle mène une vie stable et équilibrée et qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une condamnation pénale sont sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, le ministre a pu, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, maintenir l'ajournement à deux ans de la demande de Mme B... pour le motif rappelé au point 5. Le moyen doit, par suite, être écarté.

7. En troisième lieu, la décision par laquelle est ajournée une demande de naturalisation n'est pas, par nature, susceptible de porter atteinte au respect de la vie familiale. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil de Mme B... en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.

La rapporteure,

A.-M. DUBOST

Le président,

S. DEGOMMIERLa présidente,

C. BUFFETLe greffier,

C. GOY

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02354
Date de la décision : 08/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Anne-Maude DUBOST
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : SELARL ATLANTIQUE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-08;24nt02354 ?
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