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08/07/2025 | FRANCE | N°23NT03506

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 08 juillet 2025, 23NT03506


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... B... F... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le maire de Plouarzel (Finistère) a accordé à M. et Mme E... et D... A... un permis de construire une maison individuelle sur les parcelles cadastrées section YP nos 899, 900, 901 et 9002, anciennement section AZ nos 46 et 205, situées 40 rue des Fourches, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.



Par un

jugement n° 2005715 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... F... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le maire de Plouarzel (Finistère) a accordé à M. et Mme E... et D... A... un permis de construire une maison individuelle sur les parcelles cadastrées section YP nos 899, 900, 901 et 9002, anciennement section AZ nos 46 et 205, situées 40 rue des Fourches, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2005715 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 novembre 2023 et 22 avril 2024, M. et Mme E... et D... A..., représentés par Me Vallantin, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... F... et M. B... devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... F... et M. B... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les consorts B... F... ne justifient pas d'un intérêt à agir à l'encontre du permis de construire contesté ;

- le projet autorisé par l'arrêté du 21 juillet 2020 respecte les dispositions de l'article U.10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Plouarzel, dès lors que cet article doit notamment être interprété à la lumière des dispositions de l'article U.11 du même règlement, s'agissant spécifiquement des constructions d'architecture contemporaine ;

- les autres moyens soulevés par les consorts B... F... devant les premiers juges ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 février et 7 mai 2024 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), Mme D... B... F... et M. C... B..., représentés par Me Bazire, concluent au rejet de la requête, et demandent à la cour de mettre à la charge de la commune de Plouarzel et de M. et Mme A... le versement chacun de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Par un courrier du 10 juin 2025, les parties ont été informées que la cour était susceptible de surseoir à statuer, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois, afin de permettre la régularisation du vice tiré de la violation de l'article U.10 du règlement du plan local d'urbanisme de Plouarzel.

Des observations en réponse à ce courrier ont été produites le 11 juin 2025 par les consorts F... B....

Des observations en réponse à ce courrier ont été produites le 13 juin 2025 par la commune de Plouarzel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ody,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Halna du Fretay, substituant Me Vallantin, représentant M. et Mme A..., celles de Me Bazire, représentant les consorts B... F... et celles de Me Cassard, représentant la commune de Plouarzel.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 21 juillet 2020, le maire de Plouarzel a délivré à M. et Mme A... un permis de construire une maison individuelle d'habitation sur les parcelles cadastrées section YP nos 899, 900, 901 et 9002, anciennement section AZ nos 46 et 205, situées 40 rue des Fourches. Mme B... F... et M. B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cet arrêté, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux. Par un jugement du 29 septembre 2023, dont M. et Mme A... relèvent appel, le tribunal administratif de Rennes a annulé ce permis de construire et la décision implicite de rejet du recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une autorisation de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... B... F... et M. C... B... sont propriétaires indivis de la parcelle cadastrée section AZ n° 46, supportant une maison d'habitation. Cette parcelle jouxte immédiatement la parcelle AZ 45 qui constitue le terrain d'assiette du projet contesté, de sorte que Mme B... F... et M. B... sont les voisins immédiats de ce projet. De plus, le permis de construire contesté autorise la construction d'une maison individuelle sur deux niveaux, d'une surface de plancher de 142,65 m², ainsi que d'un garage attenant d'une surface de 21,86 m². Mme B... F... et M. B... font valoir que cette maison aura pour effet de limiter la vue sur la mer dont ils disposent depuis leur véranda, ainsi qu'en atteste un constat d'huissier du 13 août 2021 assorti de photographies. M. et Mme A... ne peuvent utilement soutenir que cette vue serait très récente et n'existait pas avant l'année 2019, l'intérêt à agir s'appréciant à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, en l'espèce, le 20 mai 2020. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier des plans de coupes, que la façade de la construction projetée comprend des ouvertures au premier étage ayant pour effet de créer un vis-à-vis direct sur la maison de Mme B... F... et M. B..., qui n'existait pas jusqu'alors. Par suite, eu égard à leur qualité de voisins immédiats, à la distance séparant le terrain d'assiette du projet de leur propriété et aux caractéristiques de la construction projetée, celle-ci est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance de leur bien par Mme B... F... et M. B..., qui justifient dès lors d'un intérêt leur donnant qualité pour agir à l'encontre du permis de construire contesté. En conséquence, la fin de non-recevoir opposée par M. et Mme A... doit être écartée.

En ce qui concerne le motif d'annulation de l'arrêté contesté :

5. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient au juge d'appel, lorsque le tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, et d'apprécier si l'un au moins de ces motifs justifie la solution d'annulation.

6. Aux termes de l'article U.10 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Plouarzel : " La hauteur maximale des constructions mesurée à partir du niveau moyen du terrain naturel, avant exécution des fouilles ou remblais jusqu'au sommet du bâtiment, ouvrages techniques, cheminées et autres superstructures exclues est fixée comme suit : (...) / Les toitures devront s'inscrire dans un gabarit défini par un plan incliné à 45°. (...) / Sous réserve de la compatibilité avec le tissu urbain environnant, des adaptations aux règles de hauteur ci-dessus peuvent être accordées pour des considérations d'ordre technique ou architectural et notamment pour la modification, l'extension, la restauration ou la reconstruction, sans surélévation, des constructions existantes, ainsi que lorsqu'il existe à proximité immédiate du bâtiment des constructions voisines ne respectant pas les règles précédemment définies. / De même, des hauteurs particulières pourront être imposées pour assurer une meilleure compatibilité avec le tissu urbain environnant. (...) ". Il est constant que le terrain d'assiette du projet contesté se situe en zone Ud, correspondant aux zones d'habitat et aux activités compatibles avec l'habitat de faible densité (tissu urbain dit aéré) en ordre discontinu, situé dans la frange littorale de la commune. Le tableau figurant à l'article U.10 du règlement du PLU prévoit, pour cette zone, une hauteur maximale absolue à l'aplomb des façades de 4 mètres et une hauteur maximale au faîtage de 8,50 mètres. Il ne résulte pas des dispositions précitées que les règles limitatives de hauteur des constructions ne s'appliqueraient qu'aux constructions d'architecture traditionnelle et non aux constructions d'architecture contemporaine, l'article U.10 ne comportant aucune disposition propre à ces dernières. Si l'article U.11 du règlement du PLU distingue en revanche ces deux types de constructions, il a toutefois seulement pour objet de fixer les règles relatives à l'aspect extérieur des constructions.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment des plans joints à la demande de permis de construire, que la construction projetée comprend une toiture monopente et présente une hauteur absolue à l'aplomb de la façade est de 6,20 mètres et de 7,10 mètres en son point le plus haut de la façade ouest, hauteurs supérieures à la hauteur limite de 4 mètres à l'aplomb des façades prévue par l'article U.10 précité. Si M. et Mme A... font valoir que la construction projetée s'inscrit dans le gabarit d'une maison d'architecture traditionnelle composée d'une toiture à deux pentes, tel que cela résulterait d'un schéma établi par eux-mêmes, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors que la hauteur maximale absolue à l'aplomb des façades fixée à 4 mètres n'est pas respectée par le projet. Par ailleurs, les requérants se prévalent des dispositions précitées de l'avant-dernier alinéa de l'article U.10, qui permettent des adaptations des règles de hauteur sous certaines conditions qu'elles définissent. Il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies, que le secteur d'implantation du projet contesté comprend principalement des maisons d'architecture traditionnelle constituées de toitures à deux pentes. Si quelques maisons d'architecture contemporaine sont construites à plus de 100 mètres de distance de la parcelle d'assiette du projet, il ne ressort des pièces du dossier ni que ces constructions sont implantées en zone Ud, ni qu'elles respectent elles-mêmes les règles de hauteur fixées par l'article U.10 du PLU de Plouarzel. Il n'est en outre pas établi que les pétitionnaires aient entendu bénéficier de ces adaptations pour des considérations d'ordre technique ou architectural, en raison de l'existence à proximité immédiate du bâtiment de constructions voisines ne respectant pas les règles de hauteur définies ou encore de la volonté d'assurer une meilleure compatibilité avec le tissu urbain environnant. Dans ces conditions, le permis de construire contesté a été pris en violation de l'article U.10 du règlement du PLU de Plouarzel.

8. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le maire de Plouarzel a délivré à M. et Mme A... un permis de construire une maison d'habitation individuelle est entaché du vice tiré de la méconnaissance de l'article U.10 du règlement du PLU de Plouarzel, qui peut être régularisé ainsi qu'il sera exposé au point 25. Par suite, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les demandeurs de première instance à l'encontre du permis de construire du 21 juillet 2020.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés :

9. En premier lieu, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

10. Aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : a) Les informations mentionnées aux articles R. 431- 5 à R. 431-12 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-8 du même code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : (...) b) Un plan de coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ;d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que la notice paysagère jointe à la demande de permis de construire litigieux comprend les deux photographies requises par les dispositions précitées, permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et dans le paysage lointain. De plus, la photographie montrant le terrain dans le paysage lointain fait apparaître le rivage, situé à quelques centaines de mètres et les documents cartographiques et la photographie aérienne joints également à la demande montrent également la proximité du littoral par rapport au projet autorisé. La notice paysagère indique encore que le terrain se situe dans un environnement constitué d'éléments architecturaux hétérogènes, de styles et d'époques différents. S'agissant par ailleurs de l'indication des hauteurs de la construction projetée, la demande de permis de construire comprend des plans de coupe à l'échelle 1/100ème et des cotes, notamment de certaines hauteurs, de sorte que quand bien même la hauteur de chaque point de la construction projetée n'est pas renseignée expressément, les plans joints au dossier permettent tout de même de calculer sans difficultés les hauteurs qui ne seraient pas expressément cotées. Dans ces conditions, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande de permis de construire manque en fait et doit dès lors être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la délibération contestée : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu (...) sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 ; (...). ". Et aux termes de l'article L. 121-8 de ce code : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. (...) ".

13. D'une part, il résulte de ces dispositions que, dans les communes littorales, ne peuvent être autorisées que les constructions réalisées en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions ou, sous certaines conditions, au sein des secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale (SCOT) et délimités par le plan local d'urbanisme, se distinguant des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages ou de ces secteurs déjà urbanisés.

14. D'autre part, il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, qui prévoient que l'extension de l'urbanisation ne peut se réaliser qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants. A ce titre, l'autorité administrative s'assure de la conformité d'une autorisation d'urbanisme avec l'article L. 121-8 de ce code compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable, déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation, dès lors que ces dispositions sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral.

15. Le SCOT du Pays de Brest, approuvé le 19 décembre 2018 et modifié le 22 octobre 2019, qui s'applique à la commune littorale de Plouarzel, mentionne uniquement le centre-bourg comme étant une agglomération sur le territoire de cette commune et identifie, sur le même territoire, Trézien comme constituant un village pouvant se densifier et s'étendre et les lieux-dits Kervilon, Kerescar et Phare de Trézien comme constituant des villages pouvant se densifier sans extension.

16. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet appartient à la partie nord du lieu-dit Phare de Trézien. Ce secteur qui se situe à plusieurs kilomètres du centre bourg de Plouarzel, compte plusieurs centaines de constructions, densément implantées et organisées sur plusieurs rangs et autour d'un important réseau de voies publiques. La parcelle d'assiette du projet est elle-même bâtie sur ses côtés nord et est et le terrain situé de l'autre côté de la rue des Fourches, en face, est également construit. Les requérants soutiennent par ailleurs que le terrain d'assiette du projet ne se trouverait pas dans un village au sens de la loi Littoral dans la mesure où il appartiendrait à la coupure d'urbanisation située entre le lieu-dit Kerescar et celui du Phare de Trézien et identifiée tant par le document d'orientations et d'objectifs du SCOT du Pays de Brest que par le PLU de Plouarzel. Cette situation ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, dès lors que le terrain d'assiette du projet est séparé du secteur non bâti constituant la coupure d'urbanisation par plusieurs parcelles elles-mêmes construites. Dans ces conditions, le projet se situe en continuité avec un village existant et le permis de construire contesté ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites appréciant l'impact de l'urbanisation sur la nature. Le plan local d'urbanisme respecte les dispositions de cet accord. (...).

18. Il résulte de ces dispositions qu'une opération conduisant à étendre l'urbanisation d'un espace proche du rivage ne peut être légalement autorisée que si elle est, d'une part, de caractère limité, et, d'autre part, justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme selon les critères qu'elles énumèrent. Cependant, lorsqu'un schéma de cohérence territoriale ou un des autres schémas mentionnés par les dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme comporte des dispositions suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions législatives qui précisent les conditions de l'extension de l'urbanisation dans l'espace proche du rivage dans lequel l'opération est envisagée, le caractère limité de l'urbanisation qui résulte de cette opération s'apprécie en tenant compte de ces dispositions du schéma concerné.

19. D'une part, doivent être regardées comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions l'ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées.

20. D'autre part, une opération qu'il est projeté de réaliser en agglomération ou, de manière générale, dans des espaces déjà urbanisés ne peut être regardée comme une " extension de l'urbanisation " au sens de ces dispositions que si elle conduit à étendre ou à renforcer de manière significative l'urbanisation de quartiers périphériques ou si elle modifie de manière importante les caractéristiques d'un quartier, notamment en augmentant sensiblement la densité des constructions. En revanche, la seule réalisation dans un quartier urbain d'un ou plusieurs bâtiments qui est une simple opération de construction ne peut être regardée comme constituant une extension au sens de la loi.

21. Le document d'orientations et d'objectifs du SCOT du Pays de Brest intègre le terrain d'assiette du projet dans les espaces proches du rivage. Il ressort des pièces du dossier, notamment des documents cartographiques et des photographies aériennes, que le terrain d'assiette du projet se trouve à environ 400 mètres du rivage, dont il est séparé par des espaces naturels ou agricoles peu bâtis. De plus, le rivage est visible depuis la parcelle du projet litigieux. Eu égard à sa proximité et sa covisibilité avec le rivage et aux caractéristiques de l'espace l'en séparant, le terrain d'assiette du projet doit être regardé comme étant situé en espace proche du rivage au sens de la loi Littoral. Par ailleurs, le permis de construire contesté autorise la construction d'une maison individuelle sur deux niveaux, d'une surface de plancher de 142,65 m², ainsi que d'un garage attenant d'une surface de 21,86 m², sur un terrain entouré de parcelles sur lesquels des maisons individuelles sont déjà construites. Dès lors, le projet litigieux constitue une simple opération de construction et non une extension de l'urbanisation et méconnaît pas l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.

22. En quatrième lieu, aux termes de l'article U.11 du règlement du PLU de Plouarzel : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

23. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice paysagère, que le projet se situe dans un environnement constitué d'éléments architecturaux hétérogènes, de styles et d'époques différents. Il ressort également des photographies produites par les parties que les parcelles voisines supportent aussi bien des maisons de type traditionnel, sans caractère remarquable, avec des toitures à double pente en ardoise que des constructions plus contemporaines comprenant des toitures terrasses, monopentes ou en forme de dôme. Le secteur dans lequel est projetée la construction litigieuse ne présente dès lors pas de caractère notable, notamment en l'absence de constructions d'architecture homogène. Ainsi, le projet qui prévoit des volumes simples surmontés d'une toiture monopente et de toitures terrasses s'insère dans son environnement et ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article U.11 du règlement du PLU de Plouarzel doit être écarté.

Sur l'application des article L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de justice administrative :

24. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis (...) d'aménager, (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

25. Le vice mentionné au point 7, tiré de ce que le permis de construire contesté méconnaît les dispositions de l'article U.10 du règlement du PLU de Plouarzel qui n'affecte que la hauteur de la construction, est susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation, laquelle n'implique pas nécessairement, en l'état des pièces au dossier, d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Il y a lieu dès lors, de surseoir à statuer sur la demande de M. et Mme A... jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois, à compter de la notification du présent arrêt, imparti à M. et Mme A... et à la commune de Plouarzel pour notifier à la cour un permis de construire régularisant le vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article U.10 du règlement du PLU de la commune Plouarzel.

D E C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. et Mme A... jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois, à compter de la notification du présent arrêt, imparti à M. et Mme A... et à la commune de Plouarzel pour notifier à la cour un permis de construire régularisant le vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article U.10 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune Plouarzel.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... et D... A..., à Mme D... B... F..., à M. C... B... et à la commune de Plouarzel.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT035062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT03506
Date de la décision : 08/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : VALLANTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-08;23nt03506 ?
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