Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association La nature en ville, M. D... C... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2022 par lequel la maire de Rennes a délivré un permis de construire à titre précaire à l'association Centre de Production des Paroles Contemporaines (CPPC) pour l'implantation d'une salle de spectacle et de diverses constructions au lieu-dit La Piverdière.
Par une ordonnance n° 2303369 du 3 août 2023, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande comme manifestement irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 août 2023, 12 avril 2024 et 9 janvier 2025, l'association La nature en ville, M. D... C... et Mme E... A..., représentés par Me Blanquet, demandent à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 3 août 2023 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de renvoyer en conséquence l'affaire devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) subsidiairement, d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2022 de la maire de Rennes ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Rennes la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur demande n'était pas tardive ; l'article R. 600-1 n'était pas mentionné sur le panneau d'affichage ; leur conseil a adressé une copie de la notification de leur recours gracieux dans une instance distincte, mais liée, et n'a pas été informé de son erreur matérielle par le greffe ; une ordonnance d'irrecevabilité ne pouvait leur être opposée en l'absence d'avertissement préalable par le tribunal ; les permis de construire délivrés à titre précaire ne sont pas assujettis aux obligations de l'article R. 600-1 du code de justice administrative ; leur demande n'était pas tardive en l'absence d'affichage continu de l'autorisation sur le terrain ; par suite leur recours gracieux, même non notifié au bénéficiaire, a conservé le délai de recours contentieux ; leur demande a été ensuite présentée au tribunal administratif de Rennes dans un délai raisonnable ;
- la décision contestée de la maire de Rennes est entachée d'incompétence ;
- elle méconnait l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme en raison d'une motivation en droit insuffisante ;
- en méconnaissance de l'article L. 422-4 du code de l'urbanisme et de l'article 2 du titre II du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de Rennes métropole, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites n'a pas été consultée ;
- l'arrêté méconnait l'article L. 433-1 code de l'urbanisme ; la construction ne répond pas à une nécessité caractérisée, tenant notamment à un motif culturel ; il s'agit d'un renouvellement d'autorisation précaire ou d'aménagement ; les atteintes portées aux règles d'urbanisme sont excessives et disproportionnées, eu égard à la localisation en zone naturelle au plan local d'urbanisme intercommunal ;
- l'arrêté méconnait l'article L. 433-2 du code de l'urbanisme en l'absence de prescription sur l'état descriptif des lieux ;
- les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme sont méconnues pour des motifs tenant aux nuisances sonores et au risque d'inondation ;
- les dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-3 du code de l'urbanisme sont méconnues dès lors qu'elles prohibent toute reconduction d'une autorisation précaire.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 février et 5 décembre 2024, l'association Centre de production de paroles contemporaines, représentée par Mes Bonnat et Costard, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'association La nature en ville, de M. D... C... et de Mme E... A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés et que la demande de première instance était tardive.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 décembre 2024 et 31 janvier 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Rennes, représentée par Mes Varnoux et Nadan, conclut à titre principal au rejet de la requête, subsidiairement au renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Rennes, plus subsidiairement au rejet de la requête au fond et demande de mettre à la charge de l'association La nature en ville, de M. C... et de Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
L'association La Nature en Ville, représentée par son président, M. B..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- les observations de Me Blanquet, représentant l'association La nature en ville, M. C... et Mme A..., de Me Nadan, représentant la commune de Rennes et de Me Costard, représentant l'association Centre de production des paroles contemporaines.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Centre de production des paroles contemporaines (CPPC) a conclu les 27 mars et 4 avril 2019 avec la commune de Rennes une convention d'occupation du domaine public aux fins d'exploiter jusqu'au 31 décembre 2022 un " équipement principalement destiné aux répétitions et présentations de spectacles, un espace de bar-restauration avec licence et différentes aménités qui en dépendent " sur un terrain situé au lieu-dit La Piverdière. Par un avenant n° 2, conclu le 22 décembre 2022, la commune de Rennes a prolongé la convention jusqu'au 31 décembre 2024. Par un premier arrêté du 29 mars 2019 la maire de Rennes a accordé à l'association CPPC un permis de construire à titre précaire pour l'implantation d'une salle de spectacle sur ce terrain. Puis, par un arrêté du 21 décembre 2022, elle a accordé à la même association un nouveau permis de construire à titre précaire, pour un délai n'excédant pas le 31 décembre 2024. Par un courrier du 21 février 2023, l'association La nature en ville, l'association des résidents de Sainte-Foix Prévalaye, représentée par Mme A..., ainsi que M. C..., se présentant comme un riverain, ont présenté un recours gracieux contre cet arrêté du 21 décembre 2022, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet par la maire de Rennes. L'association la nature en ville, M. C... et Mme A... ont alors saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande d'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2022 et de la décision implicite rejetant leur recours gracieux. Par une ordonnance du 3 août 2023 le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, en raison de son irrecevabilité manifeste. L'association la nature en ville, M. C... et Mme A... relèvent appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative dans sa rédaction alors applicable : " Les présidents de tribunal administratif (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...). ". Et aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas (...) de recours contentieux à l'encontre (...) d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, (...) l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. (...) " .
3. Il résulte des dispositions des articles R. 222-1, 4°, du code de justice administrative et R. 600-1 du code de l'urbanisme qu'un président de tribunal administratif peut, après avoir invité le requérant à régulariser sa requête en apportant la preuve de ce que les notifications du recours, administratif et contentieux, à l'auteur et au titulaire du permis de construire attaqué avaient été faites conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, rejeter cette requête comme manifestement irrecevable si à la date à laquelle il statue, qui est nécessairement postérieure à l'expiration du délai fixé par l'invitation à régulariser, il constate que ces justifications n'ont pas été produites.
4. La demande de l'association La nature en ville, de M. C... et de Mme A... enregistrée par le tribunal administratif de Rennes le 23 juin 2023 n'était pas accompagnée de la preuve de la notification de leur recours gracieux et de leur recours contentieux à l'auteur de la décision contestée et au titulaire de l'autorisation, effectuées par lettre recommandée avec accusé de réception dans le délai de quinze jours francs à compter de leur recours, conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Le greffier de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes a demandé à leur conseil, par un courrier du 4 juillet 2023 dont il a été accusé réception le même jour, d'apporter la preuve de l'accomplissement de cette formalité, tant en ce qui concerne le recours gracieux que le recours contentieux, dans un délai de 15 jours et l'a informé qu'à défaut de régularisation dans le délai imparti la demande pourra être rejetée comme irrecevable dès l'expiration de ce délai. Par un bordereau de communication de pièces reçu par ce tribunal le 6 juillet 2023, les demandeurs ont communiqué la preuve demandée pour le recours contentieux engagé, mais pas pour le recours gracieux formé le 21 février 2023 auprès de la maire de Rennes. Cette preuve d'une notification à la bénéficiaire de l'autorisation contestée dans les conditions prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme a néanmoins été produite par un bordereau distinct reçu au tribunal administratif de Rennes le 21 juillet 2023 et enregistré dans une instance différente.
5. D'une part, le bordereau de transmission de pièces émanant notamment de l'association La nature en ville, reçu le 6 juillet 2023 par le tribunal administratif de Rennes en réponse à la demande de régularisation faite par son greffe le 4 juillet précédent, se borne à mentionner : " Notification R. 600-1 de la requête " à la commune et à l'association CPPC, sans annoncer un envoi ultérieur. D'autre part, et cependant, il ressort des pièces de la procédure que la justification de la notification du recours gracieux à l'association pétitionnaire a été communiquée au tribunal le 21 juillet 2023, dans un autre dossier opposant les mêmes demandeurs à la commune de Rennes au sujet d'un contentieux relatif à l'occupation du domaine public concernant le même projet et instruit dans la même chambre du tribunal. Et si ce bordereau d'envoi du conseil des demandeurs mentionnait de manière erronée le numéro d'enregistrement par le tribunal de cette dernière affaire, et non celui du contentieux, également engagé par les mêmes demandeurs, relatif au permis de construire précaire, il mentionnait cependant explicitement dans son intitulé qu'il portait sur ce permis de construire précaire. Par ailleurs, le contenu de la pièce communiquée était dépourvu d'ambiguïté sur le lien à faire avec le dossier portant sur le seul permis de construire alors qu'en outre, une notification au titre de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'avait pas d'objet dans l'instance engagée au titre de l'occupation du domaine public. Par suite, les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes leur a opposé l'irrecevabilité manifeste de leur demande au motif qu'ils n'avaient pas notifié leur recours gracieux au titre de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme à l'association La nature en ville et que leur demande était tardive.
6. Par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres irrégularités soulevées à son encontre par les requérants.
7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association La nature en ville, M. D... C... et Mme E... A... devant le tribunal administratif de Rennes eu égard aux conclusions présentées par l'association pétitionnaire CPPC.
Sur la tardiveté alléguée de la demande de l'association La Nature en ville, de M. C... et de Mme A... opposée par l'association Centre de production des paroles contemporaines :
8. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...)".
9. Dans le cas où l'affichage du permis ou de la déclaration, par ailleurs conforme aux prescriptions de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme, n'a pas fait courir le délai de recours de deux mois prévu à l'article R. 600-2 du même code, faute de mentionner ce délai conformément à l'article A. 424-17 de ce code, un recours contentieux doit néanmoins, pour être recevable, être présenté dans un délai raisonnable à compter du premier jour de la période continue de deux mois d'affichage sur le terrain. En règle générale et sauf circonstance particulière dont se prévaudrait le requérant, un délai excédant un an ne peut être regardé comme raisonnable.
10. Par ailleurs, l'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire montre qu'il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n'aurait pas satisfait aux dispositions prévues en la matière par l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme.
11. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été exposé, que les appelants ont saisi la maire de Rennes, le 23 février 2023, d'un recours gracieux, qui a été reçu en mairie le 6 mars suivant, contre son arrêté du 21 décembre 2022. Leur demande d'annulation de cet arrêté a pour sa part été enregistrée le 23 juin 2023 au tribunal administratif de Rennes.
12. Il ressort des pièces du dossier que l'affichage sur le terrain du permis de construire précaire litigieux délivré le 21 décembre 2022 n'est attesté que par la copie d'un courriel du 18 janvier 2023 de l'architecte du projet, comportant une photographie du panneau, et ne précisant pas le début de cet affichage. Les requérants présentent pour leur part une photographie de ce panneau tombé en sol qu'ils affirment avoir prise en février 2023. Par ailleurs, le recours gracieux du 23 février 2023 qu'ils ont formé a attesté de leur connaissance acquise de l'arrêté du 21 décembre 2022. Et, ainsi qu'il a été exposé, les intéressés ont justifié avoir satisfait aux obligations imparties par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme à l'égard de l'association pétitionnaire. Leur recours gracieux, dont la commune n'a pas accusé réception, a donc permis de proroger le délai de recours contentieux à l'encontre de cet arrêté. Il s'ensuit que le délai de recours contentieux n'était pas expiré lorsqu'ils ont saisi le tribunal administratif de Rennes le 23 juin 2023 de leur demande d'annulation de cet arrêté. Par suite, l'association pétitionnaire n'est pas fondée à soutenir que la demande dont a été saisi le tribunal administratif de Rennes était irrecevable en raison de sa tardiveté.
Sur la légalité de l'arrêté de la maire de Rennes du 21 décembre 2022 accordant un permis de construire à titre précaire :
13. Aux termes de l'article L. 433-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Une construction n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 421-5 et ne satisfaisant pas aux exigences fixées par l'article L. 421-6 peut exceptionnellement être autorisée à titre précaire dans les conditions fixées par le présent chapitre. Dans ce cas, le permis de construire est soumis à l'ensemble des conditions prévues par les chapitres II à IV du titre II du présent livre. ". Par ailleurs aux termes de l'article L. 421-6 de ce code : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) ".
14. L'objet des dispositions relatives aux permis de construire précaires, figurant aux articles L. 433-1 et suivants du code de l'urbanisme, est d'autoriser, à titre exceptionnel, des constructions temporaires qui, sans respecter l'ensemble de la règlementation d'urbanisme applicable, répondent à une nécessité caractérisée, tenant notamment à des motifs d'ordre économique, social, culturel ou d'aménagement, et ne dérogent pas de manière disproportionnée aux règles d'urbanisme applicables eu égard aux caractéristiques du terrain d'assiette, à la nature de la construction et aux motifs rendant nécessaire le projet.
15. Il ressort, d'une part, des pièces des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que l'autorisation accordée le 21 décembre 2022 méconnait diverses dispositions d'urbanisme applicables au terrain d'assiette, dont celles réglementant les constructions autorisées en zone naturelle au plan local d'urbanisme intercommunal de Rennes métropole.
16. D'autre part, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée du 21 décembre 2022 que pour justifier la nécessité caractérisée du permis de construire accordé à titre précaire à l'association CPPC pour le maintien d'une salle de spectacle et de bâtiments abritant une guinguette, pour une surface totale de plancher de 1 351 m², en zone naturelle au plan local d'urbanisme intercommunal de Rennes métropole, la maire de Rennes a fait valoir une volonté de maintenir ce " pôle culturel d'attractivité original à forte dimension conviviale participant à la réappropriation des bords de Vilaine par la population et d'assurer la transition entre le site actuel et le nouveau projet dont l'implantation définitive prévue fin 2024 sans rupture d'activité économique ". Il est ajouté que " les aménagements sont prévus de manière à ne pas altérer la configuration naturelle initiale ".
17. Alors qu'une telle autorisation accordée à titre précaire doit être accordée à titre exceptionnel, il ressort des pièces du dossier que l'autorisation contestée est la reconduction d'un précédent permis de construire, accordé déjà à titre précaire le 29 mars 2019 pour une durée qui ne devait pas excéder le 31 décembre 2022 avec l'objectif alors affiché de créer un pôle culturel à dimension conviviale, et la volonté de se réapproprier les rives de la Vilaine. La pétitionnaire et la commune de Rennes font valoir que la salle de spectacle et les constructions autorisées devant accueillir une guinguette sont devenues, avant même la décision contestée, un équipement culturel et festif fréquenté. Toutefois, par son objet, une telle salle et ses annexes à but convivial peuvent être édifiées sans proximité avec la Vilaine, ou à tout le moins, s'il existe une volonté de réaliser une guinguette au bord de l'eau, dans un secteur ouvert à une telle urbanisation par le plan local d'urbanisme intercommunal. Enfin la circonstance que l'autorisation accordée devait permettre à l'association pétitionnaire et exploitante du projet de continuer son activité jusqu'à la fin de l'année 2024 dans l'attente d'un nouveau lieu d'activité, après des débuts compliqués par les périodes de confinement liées à l'épidémie de COVID, n'est pas par elle-même de nature, et compte tenu de ce qui vient d'être exposé, à caractériser la nécessité de cette activité à cet endroit. La circonstance que les constructions autorisées ne sont pas pérennes est également sans incidence sur la légalité de la décision contestée, alors que l'objet même d'un permis de construire précaire est de permettre la réalisation de constructions temporaires. Par suite, faute d'établir l'existence d'une nécessité caractérisée de cette construction, l'arrêté attaqué de la maire de Rennes est entaché d'illégalité.
18. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués par l'association La nature en ville, M. D... C... et Mme E... A... n'apparaît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation de l'autorisation de construire litigieuse.
En ce qui concerne les conséquences de l'illégalité du permis de construire accordé par la maire de Rennes à l'association CPPC :
19. L'article L. 600-5 du code de l'urbanisme dispose : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ".
20. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
21. Ainsi qu'il a été exposé l'autorisation contestée a été accordée à titre précaire par la maire de Rennes avec un terme fixé au 31 décembre 2024. Dans ces conditions, aucune mesure de régularisation n'est envisageable en l'espèce.
22. Il résulte de tout ce qui précède que l'association La nature en ville, M. C... et Mme A... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2022 de la maire de Rennes accordant à l'association Centre de production des paroles contemporaines un permis de construire à titre précaire pour l'implantation d'une salle de spectacle et de diverses constructions à usage de guinguette au lieu-dit La Piverdière.
Sur les frais d'instance :
23. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la commune de Rennes et l'association Centre de production des paroles contemporaines.
24. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et des articles 37 et 43 de la loi du 10 juillet 1991, que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de mettre à la charge, à son profit, de la partie perdante que le paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat. Mais, l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
25. L'association La nature en ville, pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ont été présentées, n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. Et son conseil n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête présentées par cette association tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
26. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge respective de la commune de Rennes et de l'association Centre de production des paroles contemporaines, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme globale de 800 euros au titre des frais exposés par M. C... et Mme A....
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2303369 du 3 août 2023 du président de la 5ème chambre du tribunal administratif de Rennes est annulée.
Article 2 : L'arrêté du 21 décembre 2022 de la maire de Rennes accordant à l'association Centre de Production des Paroles Contemporaines un permis de construire précaire pour l'implantation d'une salle de spectacle et de diverses constructions au lieu-dit La Piverdière est annulé.
Article 3 : La commune de Rennes et l'association Centre de production des paroles contemporaines verseront, chacune, à M. C... et Mme A... la somme globale de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la commune de Rennes et l'association Centre de production de paroles contemporaines au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association La nature en ville, désignée représentante unique des requérants par leur conseil en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la commune de Rennes et à l'association Centre de production de paroles contemporaines.
Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23NT02487