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08/07/2025 | FRANCE | N°23NT00938

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 08 juillet 2025, 23NT00938


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) " La Lande du Vionay " et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le permis de construire délivré tacitement le 3 juin 2017 à M. D... C... par le maire de Servon-sur-Vilaine pour l'aménagement et l'extension d'une construction existante.



Par un jugement n° 2004846 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé le permis de construire tacite du maire

de Servon-sur-Vilaine en date du 3 juin 2017.



Procédure devant la cour :



Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) " La Lande du Vionay " et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler le permis de construire délivré tacitement le 3 juin 2017 à M. D... C... par le maire de Servon-sur-Vilaine pour l'aménagement et l'extension d'une construction existante.

Par un jugement n° 2004846 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé le permis de construire tacite du maire de Servon-sur-Vilaine en date du 3 juin 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2023, M. D... C..., représenté par Me Tasciyan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'EARL " La Lande du Vionay " et M. A... devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'EARL " La Lande du Vionay " et M. A... le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités ; il a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors que les demandeurs n'ont pas soulevé le moyen tiré du caractère incomplet de l'affichage du permis de construire ; les premiers juges ont omis de soulever un moyen d'ordre public dès lors que les demandeurs n'ont pas produit de titre de propriété ;

- la demande de première instance était irrecevable en raison de sa tardiveté, dès lors que l'affichage du permis sur le terrain, débuté le 22 juin 2020 a été régulier, et que le recours gracieux exercé n'a pu avoir pour effet de proroger le délai de recours contentieux ;

- les demandeurs étaient dépourvus d'intérêt à agir en première instance ;

- le projet, qui ne porte pas sur un changement de destination, ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime ;

- le moyen tiré de la violation de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme est inopérant ;

- l'extension prévue est limitée et régulière au regard de l'article 2 NA du règlement du plan local d'urbanisme ; en tout état de cause, le projet est régulier au regard du règlement du nouveau plan local d'urbanisme, applicable depuis 2019 ;

- les autres moyens soulevés en première instance, tirés de la méconnaissance des articles NA 7 et NA 13 du règlement du plan local d'urbanisme, ont été écartés à bon droit par les premiers juges.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2023, l'EARL " La Lande du Vionay " et M. A..., représentés pas Me Lahalle, concluent au rejet de la requête, et demandent à la cour de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée le 4 avril 2023 à la commune de Servon-sur-Vilaine qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ody,

- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,

- les observations de Me Tasciyan, représentant M. C..., celles de Me Vautier, substituant Me Lahalle, représentant l'EARL " La Lande du Vionay " et M. A... et celles de Me Lefeuvre, représentant la commune de Servon-sur-Vilaine.

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er mars 2017, M. C... a déposé une demande de permis de construire n° 035 327 17 P0012 auprès du maire de Servon-sur-Vilaine, pour l'aménagement et l'extension d'un bâtiment existant sur le terrain cadastré section E n° 1447 sis 20 Le Vionay. Le 3 juin 2017, un permis de construire lui a été tacitement accordé puis retiré, à la suite d'un recours administratif formé par l'EARL La Lande du Vionay et M. A..., son gérant, par un arrêté du maire du 4 septembre 2017. Par un jugement du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé pour excès de pouvoir la décision de retrait du 4 septembre 2017 et enjoint au maire de Servon-sur-Vilaine de délivrer à M. C..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, un certificat de non-opposition au permis de construire tacitement obtenu. Le maire a délivré, le 3 juillet 2020, un certificat d'autorisation tacite, attestant que M. C... était titulaire du permis de construire qu'il avait sollicité. Par un jugement n° 2004846 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de l'EARL La Lande du Vionay et de M. A..., la décision du maire de Servon-sur-Vilaine du 3 juin 2017 délivrant tacitement le permis de construire. M. C... relève appel du jugement du 30 janvier 2023.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) " Selon l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code alors en vigueur : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite (...) est acquis et pendant toute la durée du chantier (...) ". L'article A. 424-15 du même code précise : " L'affichage sur le terrain du permis de construire (...) est assuré par les soins du bénéficiaire du permis (...) sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres ". Enfin, aux termes de l'article A. 424-16 du même code : " Le panneau prévu à l'article A. 424-15 indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, le nom de l'architecte auteur du projet architectural, la date de délivrance, le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. Il indique également, en fonction de la nature du projet : / a) Si le projet prévoit des constructions, la superficie du plancher hors œuvre nette autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ; / b) Si le projet porte sur un lotissement (...) ; / c) Si le projet porte sur un terrain de camping ou un parc résidentiel de loisirs (...) ; / (...) ".

3. Lorsqu'une décision créatrice de droits est retirée et que ce retrait est annulé, la décision initiale est rétablie à compter de la date de lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation. Une telle annulation n'a, en revanche, pas pour effet d'ouvrir un nouveau délai de quatre mois pour retirer la décision initiale, délai réduit à trois mois s'agissant des décisions d'urbanisme en application de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, alors même que celle-ci comporterait des irrégularités pouvant en justifier légalement le retrait. Toutefois, lorsqu'une décision créatrice de droits a été retirée dans le délai de recours contentieux puis rétablie à la suite de l'annulation juridictionnelle de son retrait, le délai de recours contentieux court à nouveau, à l'égard des tiers, à compter de la date à laquelle la décision créatrice de droits ainsi rétablie fait à nouveau l'objet des formalités de publicité qui lui étaient applicables ou, si de telles formalités ne sont pas exigées, à compter de la date de notification du jugement d'annulation.

4. Si l'annulation juridictionnelle du retrait, intervenu à la suite du recours administratif formé par un tiers, d'un permis de construire rétablit celui-ci, le deuxième recours gracieux formé par ce même tiers contre cette décision ne conserve pas à son profit le délai de recours contentieux, dès lors qu'il doit être regardé comme un deuxième recours administratif formé contre le même acte, insusceptible de conserver ce délai.

5. A la suite de l'annulation, prononcée par le jugement n° 1801118, 1801667 du 19 juin 2020 du tribunal administratif de Rennes, de l'arrêté du maire de Servon-sur-Vilaine du 4 septembre 2017, le permis de construire tacitement accordé le 3 juin 2017 a été rétabli. Le délai de recours contre le permis ainsi rétabli courait à nouveau à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue d'affichage de deux mois sur le terrain, postérieure à cette annulation.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'affichage sur le terrain comportait des indications précises notamment le numéro du permis de construire, le nom du bénéficiaire, la mention de travaux d'extension, la superficie du plancher et de hauteur de sol permettant d'identifier le permis de construire en cause. Dès lors, l'absence de mention d'un éventuel changement de destination de la construction qu'impliquait le projet alors qu'aucune disposition, notamment pas celles de l'article A. 424-16 du code de l'urbanisme, ne l'imposait, et la double erreur concernant la date de délivrance du permis de construire, ne faisait, dans les circonstances de l'espèce, pas obstacle à ce que cet affichage ait été suffisant pour faire courir à l'égard des tiers le délai du recours contentieux.

7. D'autre part, il n'est pas sérieusement contesté que la période d'affichage a débuté le 22 juin 2020 et il ressort des pièces du dossier, notamment de plusieurs témoignages concordants produits par M. C..., que l'affichage s'est poursuivi sur une période continue de deux mois. Il ressort des pièces du dossier que le recours gracieux formé le 7 septembre 2020 par l'EARL " La Lande du Vionay " et M. A... constituait un deuxième recours gracieux qui, en tant que tel, n'a pas pu conserver le délai de recours contentieux à l'encontre du permis de construire du 3 juin 2017 rétabli dans l'ordonnancement juridique. Par suite, la demande enregistrée le 5 novembre 2020 par le greffe du tribunal administratif de Rennes était tardive et dès lors irrecevable.

8. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du maire de Servon-sur-Vilaine du 3 juin 2017 portant délivrance tacite du permis de construire en vue de l'aménagement et l'extension d'une construction existante.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par l'EARL " La Lande du Vionay " et M. A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EARL " La Lande du Vionay " et de M. A... une somme globale de 1 500 euros à verser à M. C... au titre des mêmes frais.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 30 janvier 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'EARL " La Lande du Vionay " et M. A... devant le tribunal administratif de Rennes et leurs conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : L'EARL " La Lande du Vionay " et M. A... verseront ensemble à M. C... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à l'EARL " La Lande du Vionay " et M. B... A... et à la commune de Servon-sur-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT009382

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00938
Date de la décision : 08/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : TASCIYAN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-08;23nt00938 ?
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