Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du
7 août 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2405190 du 22 novembre 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2024, Mme A... B..., représentée par Me Alibert, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 2024 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 août 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article
L. 423-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- elle est victime de violences conjugales qui l'ont décidée à déposer plainte, à obtenir sa mise à l'abri à l'aide de l'association Le Goéland, et à engager les démarches qui lui ont permis d'obtenir une ordonnance de protection du juge judiciaire le 16 septembre 2024 et de déposer le 16 décembre 2024 une demande de titre de séjour sur le fondement adéquat de l'article
L. 423-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la confirmation de la mesure d'éloignement méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'elle n'a pu que récemment engager des démarches de régularisation, la précédente demande de titre pour raison de santé n'ayant été présentée sur un mauvais fondement qu'à l'initiative de son mari ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'elle n'était pas dépourvue de liens avec son pays d'origine, alors que le contexte des violences qu'elle a subies de la part de son mari a conduit à la rupture de ses liens avec sa famille.
La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2025.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., de nationalité marocaine, née en 1990, est entrée sur le territoire français le 11 décembre 2023 sous couvert d'un visa valable du 22 novembre 2023 au 20 février 2024, qui lui a été délivré pour lui permettre de rejoindre régulièrement son mari dans le cadre du regroupement familial. Elle a sollicité un titre de séjour pour raison de santé le 21 février 2024 et a été informée, le 10 avril 2024, que cette demande n'était pas recevable et qu'elle devait solliciter un titre de séjour dans le cadre du regroupement familial. Elle a été auditionnée par les services de la police aux frontières de Saint-Malo le 7 août 2024. Par un arrêté du même jour, le préfet a édicté à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du
22 novembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 423-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. ". L'article L. 611-1 du même code dispose que " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) ".
3. D'une part, si Mme B... fait valoir la situation de violence psychologique, physique et sexuelle à laquelle elle a été confrontée dès son arrivée en France de la part de son mari, dont elle s'est séparée en trouvant refuge et protection auprès d'une association, cette situation, qui n'est pas contestée par l'administration, laquelle n'a produit de mémoire en défense ni en première instance ni en appel, ne confère pas à l'intéressée, par elle-même, un droit au séjour en France, ni ne fait obstacle à son éloignement. A supposer que l'appelante entende se prévaloir des dispositions de l'article L. 423-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lesquelles le conjoint victime de violences après son arrivée en France mais avant qu'une première carte de séjour temporaire ait pu lui être délivrée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, elle ne rentre pas dans les prévisions de cet article dès lors que, bien que rentrée sur le territoire sous couvert d'un visa qui lui a été délivré, dans le cadre du regroupement familial, pour lui permettre de rejoindre son mari, présent régulièrement en France, elle n'a pas sollicité, à l'issue de la période de validité de ce visa, un titre " vie privée et familiale " correspondant à cette situation conjugale, ni même engagé des démarches à cette fin après que la demande de titre qu'elle avait présentée sur un fondement inadéquat, pour raison de santé, a été rejetée. Il suit de là qu'en l'absence de démonstration qu'un titre de séjour aurait dû être délivré à Mme B... de plein droit, le préfet a pu prononcer à son encontre la mesure d'éloignement litigieuse sur le fondement du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger, qui correspondait à la situation de l'appelante dès lors que celle-ci s'était maintenue en situation irrégulière après l'expiration de son visa le 20 février 2024, puis après le rejet pour irrecevabilité, le 10 avril 2024, de sa demande de titre de séjour pour raison de santé.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a vécu au Maroc jusqu'à l'âge de 33 ans est arrivée récemment en France le 11 décembre 2023, à peine un peu plus de 8 mois avant la mesure d'éloignement litigieuse. Séparée de son mari, présent régulièrement en France, dont elle se plaint des violences et mauvais traitements, elle ne justifie pas d'une intégration et de liens d'une particulière intensité en France par rapport à ceux qu'elle a dans son pays d'origine dans lequel elle a vécu l'essentiel de son existence et où résident des membres de sa famille. Dans ces conditions, et alors qu'elle ne peut plus vivre avec son mari en France, qu'aucun enfant n'est né de leur mariage et qu'elle ne démontre pas le bien-fondé de l'allégation selon laquelle, par l'effet du dénigrement et des accusations d'immoralité dont elle aurait été victime de la part de son conjoint auprès de sa famille, elle serait désormais rejetée par celle-ci dans son pays d'origine, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle en décidant de l'éloigner vers ce pays.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 août 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2025.
Le rapporteur,
G-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT036052