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27/06/2025 | FRANCE | N°25NT00322

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 27 juin 2025, 25NT00322


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 2 août 2024 par lequel le préfet du Finistère a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'a obligé à remettre son passeport aux services de la police nationale, 15 rue Colbert à Brest, et à se présenter u

ne fois par semaine à ce même service pour indiquer ses diligences en vue de son départ.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 2 août 2024 par lequel le préfet du Finistère a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'a obligé à remettre son passeport aux services de la police nationale, 15 rue Colbert à Brest, et à se présenter une fois par semaine à ce même service pour indiquer ses diligences en vue de son départ.

Par un jugement n° 2405905 du 5 décembre 2024, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision interdisant à M. B... de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de ce requérant.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2025, M. E..., représenté par Me Nohé-Thomas, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 décembre 2024 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2024 par lequel le préfet du Finistère a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'a obligé à remettre son passeport aux services de la police nationale, 15 rue Colbert à Brest, et à se présenter une fois par semaine à ce même service pour indiquer ses diligences en vue de son départ ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trois jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;

4°) à titre subsidiaire, de réduire la durée de l'interdiction de retour qui lui a été imposée ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- ce jugement est insuffisamment motivé ;

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

S'agissant de la décision lui refusant un titre de séjour :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement qui la fonde ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2025, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention conclue entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Côte-d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes, signée le 21 septembre 1992 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2025.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né en 1999, est entré en France le 1er septembre 2019 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", valable du 30 août 2019 au 30 août 2020. À l'expiration de ce visa, il a obtenu un titre de séjour portant la mention " étudiant ", qui été renouvelé jusqu'au 30 septembre 2022. Par la suite, toutefois, par un arrêté du 17 janvier 2023, il a fait l'objet d'un refus de renouvellement de ce titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours à laquelle il ne s'est pas conformé. M. B... a sollicité le 8 février 2024 son admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir ses liens privés et familiaux en France. Par un arrêté du 2 août 2024, modifié par un arrêté du 9 août 2024, le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il demandait sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai, lui a interdit de retourner en France pendant une durée d'un an et l'a obligé à remettre son passeport aux services de la police nationale de Brest et à se présenter une fois par semaine devant ce service pour indiquer ses diligences en vue de son départ. M. B... relève appel du jugement du 5 décembre 2024 du tribunal administratif de Rennes en tant que ce jugement rejette sa demande d'annulation des décisions lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il ressort des mentions du jugement attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés par M. B..., a suffisamment motivé sa décision en énonçant les considérations de droit et de fait qui la fondent. En particulier, les premiers juges, après avoir relevé que la demande de titre de séjour présentée par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était uniquement motivée par des considérations relatives à sa situation privée et familiale et que le préfet avait longuement examiné ces considérations dans sa décision, en ont déduit que le défaut d'examen allégué ne pouvait être retenu alors même que le préfet avait mentionné par erreur, dans son arrêté initial du 2 août 2024, l'article L. 423-23, au lieu de l'article L. 435-1, une telle erreur n'ayant été rectifiée que dans l'arrêté modificatif du 9 août 2024. Ils ont ainsi suffisamment répondu au moyen du requérant tiré du défaut d'examen particulier de sa demande même s'ils n'ont pas répondu à l'argument, également exposé à l'appui de ce moyen, tenant à une erreur commise par le préfet dans les visas de l'arrêté litigieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les décisions refusant à M. B... la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français :

4. En premier lieu, l'arrêté contesté du 2 août 2024, modifié le 9 août 2024, vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et cite comme base légale du refus de titre de séjour l'article L. 435-1 de ce code fondant la demande de titre de M. B..., substitué à l'article L. 423-23 initialement cité par erreur, ainsi que le 3° de l'article L. 611-1 permettant à l'administration d'obliger à quitter le territoire un étranger qui s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour. Il mentionne les éléments de fait pertinents sur lesquels il se fonde, en particulier ceux qui sont relatifs à la situation administrative de M. B..., à sa situation privée et familiale et à son insertion. Il contient donc, pour chacune des décisions qu'il comporte, les considérations de droit et de fait précises et non stéréotypées qui les fondent et qui révèlent que le préfet du Finistère a procédé à un examen complet de la situation du requérant à partir des documents et éléments d'information dont il disposait. Par suite, le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation de cet arrêté doit être écarté, le préfet n'étant pas tenu d'y énoncer, à peine d'irrégularité, l'ensemble des informations concernant la situation de la personne concernée ou les circonstances susceptibles de s'opposer à la décision en cause ou de justifier qu'une décision différente soit prise. Doit aussi être écarté, pour les mêmes motifs, le moyen tiré du défaut d'examen particulier, nonobstant la référence erronée, dans l'arrêté initial du 2 août 2024, à un refus de titre fondé sur l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la mention, dans les visas de l'arrêté, d'articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'étaient plus applicables à la date de la décision litigieuse mais auxquelles ont été substituées, sous de nouvelles références, des dispositions identiques.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., présent en France depuis un peu moins de 5 ans à la date de la décision attaquée, peut se prévaloir depuis le 10 décembre 2022, ainsi que le reconnaît le préfet du Finistère, d'une vie commune avec une compatriote en situation régulière avec laquelle il a eu un enfant, né le 19 mai 2023. Il est également constant qu'il a exercé régulièrement une activité salariée entre 2020 et 2022, alors qu'il disposait d'un titre de séjour " étudiant ". Toutefois, l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français et y a fondé une famille malgré une mesure d'éloignement prise à son encontre, pour laquelle la requête qu'il a présentée devant le tribunal administratif de Rennes a été rejetée par un premier jugement du 22 juin 2023, et sa vie familiale, à la date de la décision faisant l'objet de la présente instance, restait récente. Il n'est pas justifié d'obstacles à ce qu'elle se poursuive en Côte-d'Ivoire, où l'intéressé a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans, où il n'établit pas être sans attaches privées et familiales, et où son enfant et sa compagne, Mme C... A..., de nationalité ivoirienne, ont vocation à l'accompagner. Les circonstances que Mme A..., titulaire d'une carte de résident qui lui a été délivrée le 11 février 2021, valable jusqu'au 10 février 2031, et dont le père est de nationalité française, serait elle-même arrivée en France mineure, le 12 juillet 2019, quelques jours avant son 17ème anniversaire, qu'elle y ait passé son baccalauréat et engagé des études supérieures et qu'elle ait été rejointe en 2023 par sa mère, Mme F... A... et sa sœur cadette, Anaïs A..., ne permettent pas d'établir que la vie du couple ne pourrait s'établir en Côte-d'Ivoire ou tout autre pays où les membres de cette famille seraient légalement admissibles. Il ne peut être considéré, dans ces conditions, que le préfet du Finistère aurait fait une appréciation manifestement erronée des faits de l'espèce en estimant que l'admission exceptionnelle au séjour de M. B... ne répondait pas à des considérations humanitaires ou ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales rappelées au point précédent doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Pour les raisons exposées au point 6, la mesure d'éloignement contestée n'implique pas que M. B... soit séparé de son jeune enfant et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

9. En premier lieu, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire n'étant pas annulées, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi devrait être annulée par voie de conséquence.

10. En deuxième lieu, la décision contestée, qui vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et expose les raisons pour lesquelles M. B... peut être renvoyé dans son pays est suffisamment motivée. Il ressort des termes même de cette décision que le préfet a procédé à un examen de la situation particulière du requérant avant de prendre cette décision.

11. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les même motifs que ceux déjà exposés au point 6 ci-dessus.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions de sa requête tendant à l'annulation des décisions du 9 août 2024 par lesquelles le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans le délai le territoire français et a fixé le pays de destination. Ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2025.

Le rapporteur,

G-V. VERGNE

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 25NT003222


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 25NT00322
Date de la décision : 27/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: M. Georges-Vincent VERGNE
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : NOHE-THOMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-27;25nt00322 ?
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