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20/06/2025 | FRANCE | N°24NT02425

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 20 juin 2025, 24NT02425


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 17 juin 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 13 février 2023 des autorités consulaires françaises à Bahreïn refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de visiteuse.



Par un jugement n° 2312059 du 15 juillet 2024, le tribunal

administratif de Nantes a annulé la décision implicite, née le 17 juin 2023, de la commission de recour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 17 juin 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 13 février 2023 des autorités consulaires françaises à Bahreïn refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de visiteuse.

Par un jugement n° 2312059 du 15 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite, née le 17 juin 2023, de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme A... le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Mme A... de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée, le 31 juillet 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- la décision litigieuse n'est pas illégale ;

- elle est fondée légalement sur trois autres motifs tirés de ce que la réalité du motif de la demande de visa n'est pas établie, de ce que Mme A... ne justifie pas de la nécessité de se maintenir en France plus de trois mois et de ce qu'elle ne justifie pas de ressources suffisantes pour pourvoir à ses besoins en France.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 2 octobre 2024, Mme D... A..., représentée par Me Harir, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans le même délai ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés ;

- la décision litigieuse est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- le refus de visa méconnaît l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle remplit toutes les conditions prévues par cet article pour se voir délivrer un visa de long séjour portant la mention " visiteur " ;

- le motif tiré de ce qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires est entaché d'une erreur de droit ;

- elle justifie de la nécessité de résider en France pour une durée supérieure à trois mois ;

- la décision litigieuse méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 15 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme D... A..., la décision implicite, née le 17 juin 2023, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 13 février 2023 des autorités consulaires françaises à Bahreïn refusant de lui délivrer un visa de long séjour portant la mention visiteur, et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de lui délivrer le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'étranger désirant se rendre en France et qui sollicite un visa de long séjour en qualité de visiteur doit justifier de la nécessité dans laquelle il se trouve de résider en France pour un séjour de plus de trois mois. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où ce visa peut être refusé, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises, saisies d'une telle demande, disposent, sous le contrôle par le juge de l'excès de pouvoir, d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, tel que le détournement de l'objet du visa, mais aussi sur toute considération d'intérêt général.

3. L'article D. 312-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable, en vertu de l'article 3 du décret du 29 juin 2022 relatif aux modalités de contestation des refus d'autorisations de voyage et des refus de visas d'entrée et de séjour en France, aux demandes ayant donné lieu à une décision diplomatique ou consulaire prise, comme en l'espèce, à compter du 1er janvier 2023, dispose : " En l'absence de décision explicite prise dans le délai de deux mois, le recours administratif exercé devant les autorités mentionnées aux articles D. 312-3 et D. 312-7 est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision contestée. L'administration en informe le demandeur dans l'accusé de réception de son recours. ". Par suite, la décision implicite litigieuse de la commission doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision du 13 février 2023 des autorités consulaires qui se fonde sur " l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins de maintien illégal en France après l'expiration du visa ou pour y mener des activités illicites ", d'une part, et sur ce que " Les informations communiquées pour justifier l'objet et les conditions du séjour envisagées sont incomplètes et/ou ne sont pas fiables ", d'autre part.

4. D'une part, l'existence d'un risque de détournement du visa à des fins migratoires n'est pas de nature à justifier un refus de visa de long séjour en qualité de visiteur, qui permet de séjourner en France pendant une durée supérieure à trois mois et de solliciter, le cas échéant, avant l'expiration de la durée du visa, la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, en se fondant sur l'existence d'un tel risque pour rejeter le recours formé par Mme A... contre le refus de visa de long séjour qui lui a été opposé en qualité de visiteur, la commission a entaché sa décision d'une erreur de droit. D'autre part, le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne conteste pas que l'autre motif de la décision litigieuse, tiré de ce que les informations communiquées par Mme A... pour justifier l'objet et les conditions du séjour envisagées " sont incomplètes et/ou ne sont pas fiables ", est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

6. Pour établir que la décision contestée était légale, le ministre de l'intérieur et des outre-mer fait valoir, dans sa requête d'appel communiquée à Mme A..., que la réalité du motif de la demande de visa n'est pas établie, que la demandeuse ne justifie pas de la nécessité d'un séjour en France de plus de trois mois et qu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes pour pourvoir à ses besoins le temps de son séjour en France.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui tire ses seuls revenus de l'emploi d'infirmière salariée qu'elle occupe au sein d'un établissement hospitalier à Barheïn ne dispose pas de ressources propres suffisantes pour lui permettre de s'installer en France sans y exercer une activité professionnelle. Dès lors que Mme A... et M. C... ne sont pas mariés ni liés par un pacte civil de solidarité et que les éléments qu'ils produisent ne permettent pas d'établir le caractère effectif du projet de mariage qu'ils évoquent, l'attestation sur l'honneur par laquelle M. C... s'est engagé à héberger Mme A... et à pourvoir à ses besoins sur le territoire français, ne saurait pallier le défaut de ressources propres de cette dernière. Ce motif est de nature à fonder légalement la décision litigieuse, portant refus de délivrance d'un visa de long séjour en qualité de visiteur. Il résulte de l'instruction que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif. Dans ces conditions, il y a lieu de procéder à la substitution de motif demandée par le ministre, qui ne prive Mme A... d'aucune garantie.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif.

9. En premier lieu, l'étranger désirant se rendre en France et qui sollicite un visa de long séjour en qualité de visiteur doit justifier de la nécessité dans laquelle il se trouve de résider en France pour un séjour de plus de trois mois. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où ce visa peut être refusé, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises, saisies d'une telle demande, disposent, sous le contrôle par le juge de l'excès de pouvoir, d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, tel que le détournement de l'objet du visa, mais aussi sur toute considération d'intérêt général.

10. Il s'ensuit que lorsqu'une telle décision de refus de visa est fondée sur l'un de ces motifs et permet d'identifier, dans les circonstances de l'espèce, les raisons de ce refus, elle doit être regardée comme étant suffisamment motivée en droit comme en fait.

11. Ainsi qu'il a été dit, la décision implicite de la commission doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de la décision du 13 février 2023 des autorités consulaires qui se fonde sur " l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins de maintien illégal en France après l'expiration du visa ou pour y mener des activités illicites ", d'une part, et sur ce que " Les informations communiquées pour justifier l'objet et les conditions du séjour envisagées sont incomplètes et/ou ne sont pas fiables ", d'autre part. Ces mentions, dans leur ensemble, permettaient à l'intéressée d'identifier les considérations de droit et de fait fondant ce refus, compte-tenu des pièces qu'elle avait produites à l'appui de sa demande de visa, et, en conséquence, de discuter utilement ce motif, de sorte que cette décision satisfait à l'exigence de motivation qui découle des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

12. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de Mme A....

13. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 426-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régissent la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur ". Par suite, Mme A... ne peut utilement les invoquer à l'encontre du refus de visa de long séjour qui lui a été opposé. Le moyen tiré de ce que cette dernière remplirait l'ensemble des conditions prévues par cet article pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité de visiteur est inopérant.

14. En quatrième et dernier lieu, compte tenu du caractère relativement récent de la relation de Mme A... et de M. C..., de la nature du visa de long séjour sollicité par Mme A..., le refus de de délivrer à cette dernière un visa de long séjour en qualité de visiteur ne porte pas au droit de cette dernière au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, au regard des motifs de cette décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme A..., la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer à Mme A... le visa de long séjour sollicité.

Sur les conclusions présentées en appel par Mme A... tendant au prononcé d'une injonction :

16. Le présent arrêt rejette les conclusions de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif et n'appelle donc aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par cette dernière doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 15 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction présentées en appel par Mme A... et celles qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme D... A....

Délibéré après l'audience du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2025.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02425


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02425
Date de la décision : 20/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : HARIR

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-20;24nt02425 ?
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