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20/06/2025 | FRANCE | N°24NT01844

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 20 juin 2025, 24NT01844


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 décembre 2022 par laquelle les autorités consulaires françaises en Haïti ont abrogé le visa de court séjour qui lui a été délivré, le 18 janvier 2022, pour une durée de cinq ans.



Par un jugement n° 2304115 du 6 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision, a mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-

1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.



Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 décembre 2022 par laquelle les autorités consulaires françaises en Haïti ont abrogé le visa de court séjour qui lui a été délivré, le 18 janvier 2022, pour une durée de cinq ans.

Par un jugement n° 2304115 du 6 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision, a mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé la décision du 13 décembre 2022 et a mis à la charge de l'Etat les frais de procès ;

2°) de rejeter, dans cette mesure, la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il se réfère à ses écritures de première instance et soutient, en outre, que :

- le jugement est entaché d'une erreur de droit ; il se fonde sur un arrêt de la cour de justice de l'Union européenne qui n'est pas applicable aux décisions d'abrogation d'un visa ;

- la décision litigieuse trouve son fondement légal dans un autre motif, tiré de ce que M. A..., qui fait l'objet de sanctions internationales, représente une menace pour les relations internationales de la France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2024, M. C... A..., représenté par Me Canton-Fourrat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 6 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., la décision du 13 décembre 2022 par laquelle les autorités consulaires françaises en Haïti ont abrogé le visa de court séjour qu'elles lui avaient délivré, le 18 janvier 2022, pour une durée de cinq ans, a mis à la charge de l'Etat les frais de procès et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 13 décembre 2022 et a mis à la charge de l'Etat les frais de procès.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne figure pas sur la liste des personnes concernées par l'interdiction de voyager prise en application de la résolution 2653 du 21 octobre 2022 du Conseil de sécurité des Nations unies, ni en annexe de la décision (PESC) 2022/2319 du Conseil du 25 novembre 2022 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Haïti, prise pour la mise en œuvre de cette résolution. Par suite, la décision par laquelle les autorités consulaires françaises en Haïti ont abrogé le visa de court séjour qu'elles avaient délivré à l'intéressé ne peut s'analyser comme prise en exécution des engagements internationaux de la France. La circonstance qu'au mois de novembre 2022, le Canada ait pris des sanctions à l'encontre de M. A... ne suffit pas à faire regarder la décision litigieuse comme n'étant pas détachable de la conduite des relations internationales de la France et notamment de ses relations diplomatiques avec le Canada. Il suit de là qu'en se reconnaissant compétent pour connaître de la demande de M. A..., le tribunal administratif de Nantes n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 32 du règlement (CE) du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil modifié établissant un code communautaire des visas : " 1. (...) le visa est refusé : / a) si le demandeur : (...) / vi) est considéré comme constituant une menace pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique, au sens de l'article 2, point 19, du code frontières Schengen, ou pour les relations internationales de l'un des États membres, et, en particulier, qu'il a fait l'objet, pour ces mêmes motifs, d'un signalement dans les bases de données nationales des États membres aux fins de non-admission (...) ". Selon son article 34 : " (...) 2. Un visa est abrogé s'il s'avère que les conditions de délivrance ne sont plus remplies. Un visa est en principe abrogé par les autorités compétentes de l'Etat membre de délivrance. (...) 6. La décision d'annulation ou d'abrogation et ses motivations sont communiquées au demandeur au moyen du formulaire type figurant à l'annexe VI. (...) ". L'annexe VI du code des visas est constituée du " Formulaire type pour notifier et motiver le refus, l'annulation ou l'abrogation d'un visa " (ci-après le " formulaire type "). Ce formulaire comprend notamment, sous la phrase " La présente décision est motivée par la (les) raison(s) suivante(s) ", onze cases, destinées à être cochées par l'autorité compétente correspondant à un ou plusieurs motifs prédéfinis de refus, d'annulation ou d'abrogation d'un visa. L'une de ces cases correspond aux motifs de refus suivants : " Un ou plusieurs États membres estiment que vous représentez une menace pour l'ordre public, la sécurité nationale ou la santé publique, au sens de l'article 2, point 19, du règlement nº 562/2006, ou pour les relations internationales d'un ou plusieurs des États membres. ".

4. La Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt n°s C-225/19 et C-226/19 du 24 novembre 2020, R.N.N.S et K.A contre Minister van Buitenlandse Zaken, a dit pour droit que l'article 32, paragraphe 2 du règlement (CE) nº 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas, tel que modifié par le règlement (UE) no 610/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, lu à la lumière de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être interprété en ce sens qu'il impose à l'État membre qui a pris une décision de refus de délivrance d'un visa sur le fondement de l'article 32, paragraphe 1, sous a), vi), du règlement nº 810/2009, tel que modifié par le règlement nº 610/2013, en raison de l'émission d'une objection à la délivrance du visa par un autre État membre d'indiquer, dans cette décision, l'identité de l'État membre qui a émis une telle objection, le motif de refus spécifique basé sur cette objection, accompagné, le cas échéant, de la substance des raisons de cette objection.

5. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur et des outre-mer, l'article 34, paragraphe 6 du règlement (CE) n°810/2009 impose à l'Etat membre qui a pris une décision d'abrogation de visa, sur le fondement du paragraphe 2 de cet article, au motif que le titulaire entre dans le cas, prévu à l'article 32, paragraphe 1, sous a), vi), du règlement n°810/2009, où un autre Etat-membre le considère comme constituant une menace pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique, d'indiquer dans cette décision l'identité de cet Etat membre ainsi que les motifs pour lesquels il estime que le titulaire du visa représente une telle menace.

6. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 13 décembre 2022 par laquelle les autorités consulaires françaises en Haïti ont abrogé le visa de court séjour délivré à M. A... a été notifiée à l'intéressé au moyen du formulaire type mentionné au point 3. Si la case comportant la mention " Un ou plusieurs Etats membres estiment que vous représentez une menace pour l'ordre public ou la sécurité intérieure " a été cochée, le formulaire n'a pas été complété par la mention de l'identité de l'État membre ou des Etats membres concernés, ne précise pas le motif de refus spécifique opposé et ne comporte pas les raisons pour lesquelles l'intéressé aurait été considéré par le ou les Etats membres en cause comme constituant une menace pour l'ordre public ou pour la sécurité intérieure. Ainsi, la décision litigieuse est insuffisamment motivée.

7. La décision litigieuse n'étant pas annulée pour un vice tenant aux motifs qui la fondent mais pour une irrégularité de forme, le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne peut utilement demander qu'il soit procédé à une substitution de motifs.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 13 décembre 2022 par laquelle les autorités consulaires françaises en Haïti ont abrogé le visa de court séjour qu'elles avaient délivré à M. A... et a mis à la charge de l'Etat les frais de procès.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. C... A... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2025.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT01844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01844
Date de la décision : 20/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : CANTON-FOURRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-20;24nt01844 ?
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