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20/06/2025 | FRANCE | N°24NT00466

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 20 juin 2025, 24NT00466


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une demande, enregistrée sous le n° 2302235 le 10 février 2023, M. H... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 21 décembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision implicite née le 28 février 2021 de l'autorité consulaire française à Brazaville (République du Congo) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et

de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié.



Par une demande, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande, enregistrée sous le n° 2302235 le 10 février 2023, M. H... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 21 décembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision implicite née le 28 février 2021 de l'autorité consulaire française à Brazaville (République du Congo) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié.

Par une demande, enregistrée sous le n° 2302240 le 10 février 2023, M. I... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 10 décembre 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision implicite née le 28 février 2021 de l'autorité consulaire française à Brazaville (République du Congo) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié.

Par un jugement n°s 2302235,2302240 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Nantes, après les avoir jointes, a rejeté ces deux demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 16 février 2024, sous le n°24NT00466, M. H... A..., représenté par Me Ndiaye, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite née le 21 décembre 2022 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée étant un refus implicite, elle n'est motivée ni en fait ni en droit ;

- sa demande de visa n'a pas été instruite dans les meilleurs délais, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les documents d'état-civil produits à l'appui de sa demande de visa sont de nature à justifier de son identité et de son lien de filiation à l'égard du réunifiant ;

- le réunifiant justifie assurer sa prise en charge financière depuis 2017 ;

- il justifie de la date à laquelle sa demande de visa a été déposée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n°24NT00470 le 16 février 2024, M. E... I..., représenté par Me Ndiaye, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite née le 10 décembre 2022 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée étant un refus implicite, elle n'est motivée ni en fait ni en droit ;

- sa demande de visa n'a pas été instruite dans les meilleurs délais, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les documents d'état-civil produits à l'appui de sa demande de visa sont de nature à justifier de son identité et de son lien de filiation à l'égard du réunifiant ;

- le réunifiant justifie assurer sa prise en charge financière depuis 2017 ;

- il justifie de la date à laquelle sa demande de visa a été déposée ;

- du fait de la déchéance de l'autorité parentale exercée par sa mère, le réunifiant est désormais le seul titulaire de l'autorité parentale à son égard.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... K..., ressortissant congolais, né le 29 août 1974, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié en 2018 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. M. H... A..., né le 10 janvier 2003, et M. I..., né le 20 mai 2004, fils allégués de M. A... K..., ont déposé des demandes de visas d'entrée et de long séjour en France auprès de l'autorité consulaire française à Brazaville, en qualité de membres de famille d'un réfugié. Par des décisions implicites nées le 28 février 2021, l'autorité consulaire a refusé de délivrer les visas sollicités. Par des décisions implicites nées les 21 décembre 2022 et 10 décembre 2022, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté les recours formés respectivement par les intéressés contre les décisions consulaires. Par un jugement n°s 2302235 et 2302240, le tribunal administratif de Nantes a rejeté, après les avoir jointes, les demandes de M. A... et de M. I... tendant à l'annulation des décisions implicites nées, respectivement, les 21 décembre 2022 et 10 décembre 2022 de la commission de recours. Par deux requêtes, enregistrées sous les n°s 24NT00466 et 24NT00470, M. A... et M. I... relèvent chacun appel de ce jugement.

2. Les requêtes enregistrées sous les n°s 24NT00466 et 24NT00470 sont dirigées contre le même jugement. Par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...)/ 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur

dix-neuvième anniversaire. (...) ". L'article L. 561-4 du même code dispose : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. ". Aux termes de l'article L. 434-4 de ce code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".

4. Aux termes de l'article L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire./ En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) ". Aux termes de l'article R. 561-1 du même code : " La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa des membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire (...) ".

5. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

8. Il ressort des mémoires en défense produits par le ministre de l'intérieur et des

outre-mer que, pour rejeter les recours dont elle était saisie, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés de ce que, d'une part, les actes d'état-civil présentés par M. A... et M. I... pour justifier de l'identité et du lien familial allégué à l'égard du réunifiant ne présentent pas de valeur probante et que les éléments de possession d'état versés aux dossiers de demandes de visa ne sont pas suffisants et, d'autre part, de ce que, concernant M. I..., aucune délégation d'autorité parentale n'est produite.

En ce qui concerne M. A... :

9. Ont été produits, pour justifier de l'identité de M. A... et de son lien de filiation à l'égard du réunifiant, M. B... A... K..., une copie intégrale du volet n° 1 d'un acte de naissance n° 92/R3/18 du 27 décembre 2018 et, pour la première fois en appel, un jugement supplétif n° 418 rendu le 24 décembre 2018 par le tribunal d'instance de Nkayi (Congo), sur le fondement duquel l'acte de naissance produit a été établi. Si le ministre relève une incohérence concernant la date de naissance de la mère de M. A..., Mme J... G..., mentionnée comme née le 13 août 1980 dans l'acte de naissance de l'intéressée et le 13 août 1981 dans l'acte de naissance de M. A..., cette circonstance ne suffit pas à priver l'acte de naissance de toute valeur probante, en particulier s'agissant du lien de filiation de M. A... à l'égard du réunifiant M. A... K..., le ministre ne faisant pas valoir que le jugement supplétif présenterait un caractère frauduleux. Par ailleurs, la circonstance que l'acte de naissance de M. A... ne mentionne pas, en en-tête, le caractère tardif de la déclaration de naissance ne suffit pas à remettre en cause son caractère probant, alors que le jugement supplétif a autorisé, en l'absence de toute inscription de l'intéressé dans le centre d'état-civil de Soulouka, l'inscription tardive de la naissance de M. A.... Il s'ensuit qu'en estimant que M. A... ne justifie pas de son identité ni de son lien de filiation à l'égard de M. A... K... et en refusant de délivrer le visa sollicité pour ce motif, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées.

En ce qui concerne M. I... :

10. En premier lieu, a été produit, pour justifier de l'identité de M. I... et de son lien de filiation à l'égard du réunifiant, M. B... A... K..., une copie intégrale du volet n° 1 d'un acte de naissance n° 041/R2/16 du 26 janvier 2016. Le ministre se borne à faire état de l'absence de réponse des services de la mairie centrale de Nkayi La Bouenza à la demande de levée d'acte adressée le 7 janvier 2021 par les autorités consulaires françaises à Pointe-Noire et n'établit pas ce faisant le caractère inauthentique de l'acte de naissance de M. I.... Il s'ensuit qu'en estimant que M. I... ne justifie pas de son identité ni de son lien de filiation à l'égard de M. A... K..., la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées.

11. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance rendue le 7 décembre 2020 par le tribunal de grande instance de Pointe-Noire, Mme C... F... a été déchue de l'autorité parentale sur M. I... et que M. B... A... K... s'est vu accorder, par cette même ordonnance, l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur M. I.... Il s'ensuit qu'en se fondant sur l'absence de jugement de délégation parentale transférant à M. B... A... K... l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur M. I..., la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... et M. I... sont fondés à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que des visas de long séjour soient délivrés à M. A... et à M. I.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer ces visas dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 19 décembre 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : Les décisions implicites nées les 10 décembre et 21 décembre 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... et à M. I... des visas d'entrée et de long séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... et à M. I... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A..., à M. E... I... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2025.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 24NT00466, 24NT00470


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00466
Date de la décision : 20/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : NDIAYE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-20;24nt00466 ?
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