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13/06/2025 | FRANCE | N°24NT03429

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 13 juin 2025, 24NT03429


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 21 mars 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré, à titre subsidiaire de suspendre l'exécution de cet arrêté jusqu'à la décision à venir de la Cour nationale du droit d'asile et d'annuler l'arrê

té du 24 mai 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique portant interdiction de retour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 21 mars 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré, à titre subsidiaire de suspendre l'exécution de cet arrêté jusqu'à la décision à venir de la Cour nationale du droit d'asile et d'annuler l'arrêté du 24 mai 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2405222, 2408595 du 26 novembre 2024, la vice-présidente désignée du tribunal administratif de Nantes a rejeté les requêtes de M. A....

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le n° 24NT03429 le 5 décembre 2024 et un mémoire enregistré le 30 janvier 2025. M. A..., représenté par Me Thullier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 26 novembre 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 mars 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et l'arrêté du

24 mai 2024 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) à titre subsidiaire de suspendre l'exécution des décisions jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de son renoncement à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- s'agissant de la régularité du jugement : le jugement comporte des contradictions, erreurs de fait, de droit et d'appréciation ; le premier juge a omis de statuer sur un moyen ; le jugement est insuffisamment motivé compte tenu des erreurs qu'il comporte ;

- s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français : la décision n'est pas motivée ; la décision viole le principe général du droit de l'Union Européenne du droit d'être entendu et le code des relations entre le public et l'administration ; le préfet de la Loire Atlantique n'a pas examiné avec sérieux sa situation ; la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation a regard de son droit au séjour ; la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ; la décision viole le droit protégé par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- s'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire : la décision doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; la décision n'est pas motivée et est entachée d'une erreur de droit ;

- s'agissant de la décision fixant le pays de destination : la décision n'est pas motivée ; la décision méconnait le droit d'être entendu ; la décision doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; la décision méconnait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée te du séjour des étrangers et du droit d'asile et viole le dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- s'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français : la décision n'est pas motivée ; la décision doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; la décision méconnait les dispositions de l'article L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- à titre subsidiaire, la suspension de l'exécution de cette décision doit être suspendue jusqu'à la date de lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2025, le préfet de la

Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Le préfet soutient que les moyens ne sont pas fondés.

M. A... s'est vu octroyer le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 décembre 2024.

II - par une requête enregistrée le 11 février 2025 sous le n° 25NT00443 et un mémoire enregistré le 5 mars 2025, M. A... représenté par Thullier demande à la Cour :

1°) de suspendre l'exécution des jugements du Tribunal administratif de Nantes du

26 novembre 2024 n° 2405222 et n°2408595 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de la loi du

10 juillet 1991 sous réserve de son renoncement à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- s'agissant de la régularité du jugement : le jugement comporte des contradictions, erreurs de fait, de droit et d'appréciation ; le premier juge a omis de statuer sur un moyen ; le jugement est insuffisamment motivé compte tenu des erreurs qu'il comporte ;

- s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français : la décision n'est pas motivée ; la décision viole le principe général du droit de l'Union Européenne du droit d'être entendu et le code des relations entre le public et l'administration ; le préfet de la Loire Atlantique n'a pas examiné avec sérieux sa situation ; la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation a regard de son droit au séjour ; la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ; la décision viole le droit protégé par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- s'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire : la décision doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; la décision n'est pas motivée et est entachée d'une erreur de droit ;

- s'agissant de la décision fixant le pays de destination : la décision n'est pas motivée ; la décision méconnait le droit d'être entendu ; la décision doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; la décision méconnait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée te du séjour des étrangers et du droit d'asile et viole le dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- s'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français : la décision n'est pas motivée ; la décision doit être annulée en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; la décision méconnait les dispositions de l'article L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

Par un mémoire en défense enregistré le 20 mars 2025, le préfet de la Loire -Atlantique conclut au rejet de la requête.

Le préfet soutient que les moyens ne sont pas fondés.

M. A... s'est vu octroyer le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 février 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- les conclusions de M. Brasnu,

- et les observations de Me Thullier, représentant M. A....

Une note en délibéré, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 4 juin 2025.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité afghane, né en 2001, serait entré en France de manière irrégulière le 4 mars 2022. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 17 février 2023 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 21 août 2023. Sa demande de réexamen a été déclarée irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 décembre 2023. Par arrêté du 21 mars 2024, le préfet de la

Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et par arrêté du 24 mai 2024, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 26 novembre 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. M. A... relève appel de ce jugement et demande en outre à la cour d'en ordonner le sursis à exécution.

2. Les requêtes n°s 24NT03429 et 25NT00443 sont dirigées contre le même jugement.

Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, les circonstances que le jugement attaqué comporterait plusieurs erreurs de fait, de droit et d'appréciation ont trait au bien-fondé du jugement et sont donc sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, M. A... soutient que le magistrat désigné du tribunal administratif n'a pas étudié les risques qu'il encourt en cas de renvoi en Afghanistan au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme, ni étudié sérieusement sa situation. Cependant, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant contre la décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même qui, en vertu de l'article L. 721-3 du même code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est une décision distincte de celle fixant le pays de renvoi. Il en va ainsi alors même que l'existence de motifs sérieux et avérés de croire que l'étranger courrait dans son pays un risque réel de subir de telles atteintes est susceptible de permettre, sous réserve des clauses d'exclusion, la reconnaissance par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par la Cour nationale du droit d'asile de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire. Par suite, le magistrat désigné du tribunal administratif n'a pas entaché d'irrégularité le jugement attaqué en écartant ce moyen comme inopérant.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté par adoption des motifs opposés à bon droit par le premier juge.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

7. M. A... qui a présenté une demande d'asile, laquelle constitue aussi une demande de titre de séjour en qualité de bénéficiaire d'une protection, a été entendu par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, à cette occasion, a été mis à même de faire valoir tout élément justifiant qu'il soit autorisé à séjourner en France et ne soit pas contraint de quitter ce pays et de retourner, en particulier, en Afghanistan. Il n'ignorait pas qu'il était susceptible de faire l'objet d'une décision de retour à l'issue du rejet de sa demande de réexamen de sa demande d'asile. Il était à même de faire valoir auprès du préfet de la Loire-Atlantique toutes observations comme tous éléments de nature à faire obstacle à l'intervention d'une telle mesure d'éloignement. Il était également à même de demander un entretien pour faire valoir ses observations orales et ne justifie, ni qu'il aurait sollicité un tel entretien, ni que cet entretien lui aurait été refusé. Il en résulte qu'il n'est pas fondé à prétendre que l'obligation de quitter le territoire français a été prise à l'issue d'une procédure entachée d'une méconnaissance du droit d'être entendu et cela alors même qu'il allègue n'avoir jamais été mis à même de faire valoir tout élément relatif à sa demande d'asile devant la Cour nationale du droit d'asile et l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à l'occasion de l'examen de la demande d'asile qu'il a présentée.

8. En troisième lieu, si M. A... soutient que le préfet n'a étudié ni son intégration sur le territoire français, ni la consistance de ses attaches culturelles, amicales, et familiales, ni les éléments fondant sa demande de protection faisant l'objet d'un réexamen auprès de la Cour nationale du droit d'asile, il ressort de la motivation de la décision attaquée que le préfet de la Loire-Atlantique a procédé à un examen particulier de la situation personnelle et familiale du requérant avant de prendre une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de la situation du requérant doit être écarté.

9. En quatrième lieu, M. A... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'il est susceptible de pouvoir prétendre au séjour au titre de l'asile. Cependant, alors que M. A... a fait l'objet d'une mesure portant obligation de quitter le territoire en application du 4° de l'article

L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en édictant l'obligation de quitter le territoire français. Le moyen est écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire et sans enfant et qu'il ne réside sur le territoire français que depuis deux ans à la date de la décision attaquée, dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile. S'il se prévaut de la présence en France de son frère et de liens créés depuis son arrivée en France, il ressort des pièces du dossier qu'il a vécu en Afghanistan, où résident les membres de sa famille jusqu'à l'âge de 20 ans. Dans ces conditions, la décision attaquée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En sixième lieu, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant contre la décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même qui, en vertu de l'article L. 721-3 du même code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est une décision distincte de celle fixant le pays de renvoi. Il en va ainsi alors même que l'existence de motifs sérieux et avérés de croire que l'étranger courrait dans son pays un risque réel de subir de telles atteintes est susceptible de permettre, sous réserve des clauses d'exclusion, la reconnaissance par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par la Cour nationale du droit d'asile de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire.

Sur la légalité de la décision fixant un délai de départ volontaire :

12. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas annulée, le moyen tiré de l'exception d'illégalité dirigé contre la décision fixant le délai de départ volontaire doit être écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612- 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation ". La circonstance que M. A... a présenté avant l'édiction de la décision attaquée un recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile contre la décision d'irrecevabilité opposée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides à sa demande de réexamen de sa demande d'asile suite au rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 21 aout 2023 n'est pas de nature à établir que le délai accordé serait entaché d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

14. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

15. M. A... soutient être originaire de la province de Nangarhar où sévit une grande violence, devoir transiter par la ville de de Kaboul, également soumise à des violences importantes, en cas de retour en Afghanistan et présenter un profil occidentalisé qui l'expose à être reconnu par les talibans comme un traitre et identifié comme membre d'une famille opposée aux talibans, les membres de sa famille étant identifiés comme opposants et son père étant un soldat de l'armée nationale afghane. Enfin, il précise également qu'il a un tatouage, fait en Afghanistan, et qu'il pratiquait également les arts martiaux mixtes dans son pays.

16. M. A... produit de nombreux éléments à l'appui de ses allégations relatives à l'occidentalisation de son profil tels que des attestations de suivi de cours de français et des photographies le représentant lors d'activités associatives et culturelles, notamment en mixité. Eu égard au statut de son frère, titulaire de la protection subsidiaire en France, de son lien avec son oncle maternel, exilé en Ukraine depuis de nombreuses années et identifié comme ayant un profil occidentalisé, de ses conditions de vie notamment depuis son arrivée en France il y trois ans, il ressort des pièces du dossier que M. A... pourrait être considéré comme contrevenant à la ligne idéologique et religieuse des taliban en cas de retour en Afghanistan et y serait perçu comme " occidentalisé ". Dans ces conditions, M. A... établit que sa vie ou sa liberté seraient menacées ou qu'il serait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas d'éloignement ver l'Afghanistan.

17. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination contenue dans l'arrêté du 21 mars 2024 doit être annulée.

Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

18. En premier lieu, la décision par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a fait interdiction à M. A... de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an vise les articles L. 612-7 à L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et envisage chacun des critères énoncés par ce dernier article pour déterminer la durée de l'interdiction de retour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

19. En deuxième lieu la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas annulée, le moyen tiré de l'exception d'illégalité dirigé contre la décision d'interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.

20. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". M. A... expose les circonstances justifiant selon lui l'octroi de l'asile. Cependant, en se bornant à faire état de craintes en cas de retour dans son pays d'origine, du recours pendant devant la CNDA contre le rejet par l'OFPRA de la demande de réexamen de sa demande d'asile, de la présence de son frère en France et de ce qu'il ne représente pas de menace à l'ordre public, il ne justifie pas de circonstances humanitaires susceptibles de faire obstacle à l'édiction de l'interdiction de retour sur le territoire français attaquée. Le moyen tiré de la violation des dispositions précitées et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sont écartés.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le magistrat désigné du tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination contenue dans l'arrêté du 21 mars 2024.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

22. Aux termes des dispositions de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. ".

23. Il résulte de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, la Cour nationale du droit d'asile a statué par une décision du 13 mai 2025 sur le recours de M. A... contre le rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de sa demande de réexamen au droit d'asile. Par suite les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article

L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit sont devenues sans objet.

Sur les conclusions de sursis à exécution :

24. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel de M. A... contre le jugement attaqué du 26 novembre 2024. Par suite, les conclusions de la requête n° 25NT00443 à fin de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Thullier, conseil de M. A..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°s 2405222, 2408595 du 26 novembre 2024 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination contenue dans l'arrêté du 21 mars 2024.

Article 2 : Le surplus des conclusions aux fins d'annulation de la requête n° 24NT03429 sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 752-5 du code de l'entrée te du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur les conclusions de la requête n° 25NT00443 de M. A....

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Thullier au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2025.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 24NT03429,25NT0044302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT03429
Date de la décision : 13/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : THULLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-13;24nt03429 ?
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