Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 avril 2024 par lequel le préfet du Calvados a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement nos 2302557,2401206 du 26 juillet 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 août 2024, et des mémoires, enregistrés le 23 octobre 2024, le 6 novembre 2024, le 22 janvier 2025 et le 21 mai 2025, ces trois derniers non communiqués, M. A..., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 26 juillet 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 avril 2024 du préfet du Calvados ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet du Calvados a commis une erreur de droit en retenant et en priorisant un critère de situation familiale particulière en France du demandeur qui n'est pas prévu à l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet du Calvados a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet du Calvados a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet du Calvados a méconnu les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2024 et un mémoire, enregistré le 24 octobre 2024, non communiqué, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens du requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant nigérian, né le 10 mars 1976, est entré en France le 17 juillet 2017, selon ses déclarations. Le 3 novembre 2022, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 avril 2024, le préfet du Calvados a rejeté sa demande d'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant un an. M. A... relève appel du jugement du 26 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles et justifiant de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par un étranger sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger, dont la présence en France ne doit pas constituer une menace pour l'ordre public, est accueilli dans un organisme de travail solidaire et justifie de trois années d'activité ininterrompue auprès d'un ou plusieurs organismes relevant de cette catégorie. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. D'une part, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Calvados aurait commis une erreur de droit lui opposant un critère de situation familiale particulière en France qui n'est pas prévu à l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il résulte des termes précités de cet article que la situation familiale est susceptible de constituer un élément d'appréciation pouvant être pris en compte par l'autorité administrative au titre des perspectives d'intégration du demandeur. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados aurait fait prévaloir ce critère dans son appréciation. Le moyen tiré de l'erreur de droit au regard de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'arrivé en tant que bénévole le 22 janvier 2019 au sein de l'association Emmaüs de Douvres-la-Délivrande, M. A... y a été intégré comme travailleur solidaire - compagnon, non salarié, depuis le 10 septembre 2019, pour y faire du tri et de la vente du secteur vaisselle/bibelots avec un volume horaire de 39 heures par semaine. Le rapport de l'association Emmaüs et les nombreuses attestations de proches produites témoignent du sérieux et de la motivation de M. A... dans son travail, ainsi que de son assiduité dans l'apprentissage de la langue française et de sa sociabilité. Il a obtenu le diplôme d'études en langue française de niveau A2 et un certificat de compétences de citoyen de sécurité civile de niveau 1 et justifie avoir suivi deux demi-journées de formation en sécurité incendie et faire du bénévolat. Toutefois, il n'est pas soutenu que l'association Emmaüs lui offrirait des perspectives de professionnalisation et de salariat et s'il fait état d'un projet dans le secteur de la cuisine, il ne justifiait à la date de la décision contestée d'aucun élément concret significatif. Il n'est pas allégué qu'il aurait des attaches familiales en France. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Caen du 16 janvier 2019, quelques jours avant qu'il ne se présente à l'association Emmaüs de Douvres-la-Délivrande. Dans ces conditions, le préfet du Calvados n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A... sur le fondement de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort de la demande de titre de séjour formulée par M. A... que son épouse et ses trois enfants résident au Nigeria, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-et-un an. Il n'est pas allégué qu'il disposerait d'attaches familiale sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Calvados aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale méconnaissant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
9. Les seules circonstances avancées par M. A... tirées de son intégration et de sa vie privée et familiale, qui ainsi qu'il a été dit précédemment ne sont pas caractérisées, ne suffisent pas pour considérer, eu égard à la nature de ses liens avec la France et alors qu'il avait déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 30 octobre 2018, que le préfet du Calvados aurait commis une erreur d'appréciation en lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent donc être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2024 par lequel le préfet du Calvados a rejeté sa demande d'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant un an.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions du requérant aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Cavelier et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2025.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT02652