Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2024 par lequel le préfet de la Sarthe l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine, le mercredi à 9h30, au service ces étrangers de la préfecture de la Sarthe.
Par un jugement n° 2402681 du 31 octobre 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 23 janvier 2024 du préfet de la Sarthe.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2024, le préfet de la Sarthe demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2024 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande de Mme A... B....
Il soutient que c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré de ce que son arrêté est entaché d'un défaut d'examen de la situation personnelle de Mme A... B....
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2025, Mme A... B..., représentée par Me Leroy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les moyens invoqués par le préfet ne sont pas fondés ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme A... B... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Penhoat,
- et les observations de Me Leroy, représentant Mme A... B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante congolaise née le 23 mai 1991, est entrée en France le 27 mai 2022 sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 mai 2023 dont la légalité a été confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 29 décembre 2023. Par un arrêté du 23 janvier 2024, le préfet de la Sarthe lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et l'a astreinte à se présenter une fois par semaine, le mercredi à 9h30, au service ces étrangers de la préfecture de la Sarthe. Par un jugement du 31 octobre 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté. Le préfet de la Sarthe relève appel de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :
2. Mme A... B... fait valoir que le préfet n'a pas sérieusement examiné sa situation personnelle et en veut pour preuve que l'arrêté contesté ne mentionne pas la présence de son frère en France ni son orientation sexuelle. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier, que le préfet, qui n'est au demeurant pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressée, ait été informé de la présence du frère de la requérante en France. Par ailleurs, la seule circonstance que l'arrêté en litige, qui précise que la requérante est célibataire et sans enfant, ne mentionne pas son orientation sexuelle alors qu'il fait suite au rejet de sa demande d'asile fondée notamment sur les craintes exposées en cas de retour dans son pays d'origine au regard de cette orientation ne suffit pas à établir que la préfète n'aurait pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle. Par suite, le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré de ce que son arrêté est entaché d'un défaut d'examen de la situation de Mme A... B....
3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... B... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
Sur les autres moyens soulevés par Mme A... B... devant le tribunal et devant la cour :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 23 janvier 2024 à laquelle a été adopté l'arrêté contesté, Mme A... B..., n'y était entrée que récemment, le 27 mai 2022. L'intéressée, célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente et un ans. Si elle se prévaut de la présence de son frère en France, la seule production d'une attestation peu circonstanciée ne permet pas d'établir la réalité de l'intensité du lien allégué. L'engagement bénévole de l'intéressée ne saurait démontrer une insertion sociale et professionnelle effective au sein de la société française. Dans ces conditions, en obligeant Mme A... B... à quitter le territoire français, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
6. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
7. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
8. Mme A... B... n'apporte à la cour aucun élément nouveau sur les risques actuels encourus en cas de retour au Congo, liés notamment à son homosexualité, alors au demeurant qu'ainsi qu'il a été indiqué, sa demande d'asile a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 23 janvier 2024. Par voie de conséquence, les conclusions présentées en appel par Mme A... B... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2402681 du 31 octobre 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... B... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme C... A... B....
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
H. DAOUD
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT03332 2
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