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10/06/2025 | FRANCE | N°24NT02421

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 10 juin 2025, 24NT02421


Vu la procédure suivante :



Par une requête enregistrée le 30 juillet 2024, l'association de défense des paysages et de l'environnement du Nord Sarthe, l'association sites et monuments, Mme AB... I..., M et Mme L... et Isabelle Bernardeau, M. et Mme K... C..., M. D... AM..., Mme AC... M..., M. AD... AQ..., Mme H... AP..., Mme S... AT..., M. W... AE..., M. AJ... T..., M. et Mme E... et AI... N..., AU..., Mme AO... AF..., M. et Mme AN... et AL... U..., A... et Mme AR... et R... AK..., Mme P... lechat et Mme V... AH..., Mme X... et Marie-France Levazeux, M ; et Mme AA...

et An Lippens, Mme B... Y..., Mme AG... AS..., Mme O... Z..., M...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2024, l'association de défense des paysages et de l'environnement du Nord Sarthe, l'association sites et monuments, Mme AB... I..., M et Mme L... et Isabelle Bernardeau, M. et Mme K... C..., M. D... AM..., Mme AC... M..., M. AD... AQ..., Mme H... AP..., Mme S... AT..., M. W... AE..., M. AJ... T..., M. et Mme E... et AI... N..., AU..., Mme AO... AF..., M. et Mme AN... et AL... U..., A... et Mme AR... et R... AK..., Mme P... lechat et Mme V... AH..., Mme X... et Marie-France Levazeux, M ; et Mme AA... et An Lippens, Mme B... Y..., Mme AG... AS..., Mme O... Z..., Mme J... Q... et M. G... F..., représentés par Me Echézar, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté en date du 2 avril 2024 par lequel le Préfet de la Sarthe a délivré à la Société ferme éolienne " le mortier Jumeau " une autorisation d'exploitation d'un parc éolien constitué de deux aérogénérateurs et d'un poste de livraison, sur le territoire des communes de Moitron-sur-Sarthe et Saint-Christophe-du-Jambet ;

2°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à agir contre l'arrêté du préfet ;

- la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestier n'a pas été consultée en application des dispositions de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme ;

- l'étude acoustique est insuffisante alors que le modèle d'éolienne qui sera implantée n'est pas connu ;

- la présentation des variantes proposées a pour but de dénaturer les solutions de substitution ;

- le dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 réalisé est insuffisant ;

- l'étude des impacts cumulés notamment sur le paysage et les chiroptères est insuffisante ;

- la présentation du bilan carbone du projet est insuffisante ;

- les études chiroptérologiques et avifaunistiques sont insuffisantes ;

- l'analyse de l'impact sur les zones humides est insuffisante ;

- l'étude paysagère est insuffisante :

- la présentation des capacités financières est insuffisante en méconnaissance des dispositions de l'article L. 181-27 du code de l'environnement ;

- une demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées aurait dû être déposée pour l'avifaune, les chiroptères, les insectes et les amphibiens ;

- l'arrêté porte atteinte aux oiseaux, chiroptères, insectes et amphibiens et méconnait les dispositions de l'article L. 781-3 et L. 511-1 du code l'environnement ;

- le projet porte atteinte à une zone humide et méconnait le SDAGE ;

- le projet a un impact visuel fort et porte atteinte à la commodité du voisinage ;

- il existe une co-visibilité forte entre le projet et l'église de Saint-Christophe du Jambet ;

- la distance d'éloignement de 500 mètres prescrite par l'article 515-44 n'est pas respectée.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2024, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Le préfet soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 24 novembre 2024, la société ferme éolienne " le mortier jumeau ", représentée par Me Fazio conclut au rejet de la requête et à ce que les requérants soient condamnés à lui verser la somme de 4500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que la requête est irrecevable et que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Viéville,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- et les observations de Me Fazio représentant la SAS ferme éolienne " le Mortier Jumeau ".

Une note en délibéré présentée par la société Ferme éolienne Le Mortier Jumeau a été enregistrée le 28 mai 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 février 2020, la SAS ferme éolienne " le Mortier Jumeau " a déposé auprès du préfet de la Sarthe une demande d'autorisation environnementale portant sur la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de deux éoliennes et d'un poste de livraison, sur le territoire de la commune de Moitron sur Sarthe et de Saint AN... du Jambet. Par arrêté du 15 décembre 2021, le préfet a rejeté la demande d'autorisation environnementale de la SAS ferme éolienne Le Mortier Jumeau. La société a contesté cette décision de rejet devant la cour administrative d'appel de Nantes, laquelle a rejeté cette demande dans un arrêt du 28 novembre 2023. Parallèlement, la société ferme éolienne " le Mortier Jumeau " a déposé une nouvelle demande d'autorisation le 13 mars 2023 pour un parc éolien composé de deux éoliennes. Par un arrêté du 2 avril 2024, le préfet de la Sarthe a délivré une autorisation environnementale à la Société ferme éolienne " le Mortier Jumeau " pour l'exploitation d'un parc éolien constitué de deux aérogénérateurs et d'un poste de livraison, sur le territoire des communes de Moitron-sur-Sarthe et Saint-Christophe-du-Jambet. M. AE... et autres demandent à la cour d'annuler cet arrêté.

Sur la recevabilité :

2. Il résulte de l'article 1er des statuts de l'association Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France (SPPEF) que l'objet de l'association est " 1° de défendre les paysages contre les enlaidissements de toute réclame commerciale ou autre, de tout affichage imposé avec un abus manifeste. / 2° d'empêcher que les sites naturels ou urbains qui font la beauté du visage de la France, ne soient dégradés ou détruits par des spéculations des industries, des constructions, des travaux publics, conçus, installés, exécutés sans aucun souci de l'aspect de la région et des intérêts matériels mêmes qui sont attachés à cet aspect. (...) ". Il ressort de l'arrêté du 3 août 2022 du ministre de l'intérieur et des outre-mer approuvant les modifications apportées au titre et aux statuts de l'association SPPEF que cette association est devenue l'association " Sites et Monuments " et qu'elle poursuit le même objet statutaire, puisque ses nouveaux statuts indiquent qu'elle " a pour but de défendre le territoire métropolitain et ultra-marin de toute atteinte, notamment destructions, dégradations y compris publicitaires, dispersions ou aliénation, le patrimoine : paysager, rural et environnemental, bâti, architectural et urbain, historique, artistique, archéologique ou pittoresque (...) ".

3. Il ressort de l'arrêté du 31 mai 2021 du ministre de la transition écologique portant publication de la liste des associations agréées au titre de la protection de l'environnement dans le cadre national que l'association SPPEF, désormais dénommée " Sites et Monuments ", bénéficie d'un agrément au titre de la protection de l'environnement pour cinq ans depuis le 1er janvier 2018, soit antérieurement à la date de délivrance de l'autorisation unique attaquée, conformément aux dispositions de l'article L. 142-1 du code de l'environnement. Cet agrément a été renouvelé pour une période de cinq ans à compter du 1er janvier 2023 par arrêté du ministre de la transition écologique. Cette association justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre toute décision qui, relevant de son objet statutaire, produit des effets dommageables pour les sites et paysages et l'environnement au sens de l'article L. 141-1 du même code. Il en va notamment ainsi d'une autorisation environnementale de construire et d'exploiter un parc éolien.

4. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt pour agir des autres requérants, la fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt à agir, qui est opposée par la société ferme éolienne Le Mortier Jumeau à la requête, ne saurait être accueillie.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 17 novembre 2022 :

En ce qui concerne la saisine de la Commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers :

5. En premier lieu, aux termes de l'article D.181-15-2 du code de l'environnement : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : [...]12° Pour les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent : a) Sauf dans le cas prévu au 13°, un document établi par le pétitionnaire justifiant que le projet est conforme, selon le cas, au règlement national d'urbanisme, au plan local d'urbanisme ou au document en tenant lieu ou à la carte communale en vigueur au moment de l'instruction ;[...] ". Ces dispositions ne prévoient pas la consultation de la Commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et n'impliquent aucunement que la société pétitionnaire produise au stade de sa demande d'autorisation environnementale l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers mentionnés à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable, auquel l'article L.111-5 du code de l'urbanisme renvoie. En tout état de cause, les requérants n'établissent ni même n'allèguent que l'importance de l'emprise des éoliennes autorisées sur les parcelles agricoles concernées, soit 0,9764 hectares en phase de chantier et 0,9362 hectares de façon permanente serait telle que le défaut d'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers aurait pu exercer la moindre influence sur le sens de la décision prise ou les priver d'une garantie.

En ce qui concerne le contenu de l'étude d'impact :

6. Aux termes de l'article R. 122-2 du code de l'environnement " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. (...) ". Il résulte du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement que les projets de parcs éoliens soumis à autorisation mentionnés par la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement sont soumis à évaluation environnementale. Figurent au sein de la rubrique 2980 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent et comprenant au moins un aérogénérateur dont la hauteur du mât et de la nacelle au-dessus du sol est supérieure ou égale à 50 mètres. Aux termes de l'article R. 122-5 du même code dans sa rédaction en vigueur à la date de l'autorisation : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / (...) II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / (...) 3° Une description des aspects pertinents de l'état initial de l'environnement, et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet ainsi qu'un aperçu de l'évolution probable de l'environnement en l'absence de mise en œuvre du projet, dans la mesure où les changements naturels par rapport à l'état initial de l'environnement peuvent être évalués moyennant un effort raisonnable sur la base des informations environnementales et des connaissances scientifiques disponibles ; / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : / a) De la construction et de l'existence du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition ; / b) De l'utilisation des ressources naturelles, en particulier les terres, le sol, l'eau et la biodiversité, en tenant compte, dans la mesure du possible, de la disponibilité durable de ces ressources ; / c) De l'émission de polluants, du bruit, de la vibration, de la lumière, la chaleur et la radiation, de la création de nuisances et de l'élimination et la valorisation des déchets ; / d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement ; / (...) 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; / 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : / - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; / 9° Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées ; / (...) ".

7. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

8. En premier lieu, les requérants font valoir que l'étude acoustique a été réalisée sans même connaitre le modèle d'éoliennes qui sera installé, ce qui ne permet pas de la regarder comme étant pertinente. Cependant, il résulte du dossier que les simulations acoustiques du projet ont été réalisées à partir de quatre modèles d'éoliennes correspondant au gabarit envisagé pour le projet, d'une hauteur en bout de pale de 200 mètres et que les préconisations de l'étude s'appliqueront quel que soit le modèle retenu. La société pétitionnaire a défini dans sa demande d'autorisation les caractéristiques des aérogénérateurs du projet, notamment leur hauteur et leur puissance, permettant ainsi d'évaluer leurs incidences sonores. La seule circonstance qu'une étude de bruit complémentaire sera réalisée une fois le modèle d'aérogénérateur choisi ne suffit pas à démontrer que les études prévisionnelles assortissant la demande seraient insuffisantes.

9. En deuxième lieu, les requérants font valoir que la présentation du pétitionnaire, oppose des variantes qui n'ont pas le même nombre d'éoliennes, pour retenir la variante proposant le plus petit nombre de machines qui présente ainsi l'impact le moins important. Cependant, il résulte de l'étude d'impact que deux hypothèses ont été envisagées incluant 2 ou 4 éoliennes (de gabarit moindre pour cette dernière hypothèse) et comparées. L'étude ainsi conduite a montré que l'hypothèse retenant 4 machines apparait plus imposante et désorganisée par des effets de superposition des éoliennes entre elles et d'isolement depuis les secteurs les plus proches du projet. L'hypothèse retenant 2 éoliennes a donc été privilégiée. Cette hypothèse a ensuite été étudiée selon trois variantes d'implantation compte tenu de l'orientation de l'alignement et leur espacement au regard de l'impact sur la faune et la flore, sur le plan humain, sur le plan technico économique et sur le plan patrimonial et paysager. Compte tenu de ces paramètres, l'étude d'impact conclut à ce que les variantes 1 et 3 sont à privilégier. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que les variantes de l'hypothèse à 2 éoliennes ont été proposées aux seules fins d'orienter le choix final.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article R 414-23 du code de l'environnement : " Le dossier d'évaluation des incidences Natura 2000 est établi, s'il s'agit d'un document de planification, par la personne publique responsable de son élaboration, s'il s'agit d'un programme, d'un projet ou d'une intervention, par le maître d'ouvrage ou le pétitionnaire, enfin, s'il s'agit d'une manifestation, par l'organisateur. Cette évaluation est proportionnée à l'importance du document ou de l'opération et aux enjeux de conservation des habitats et des espèces en présence. I. Le dossier comprend dans tous les cas : 1° Une présentation simplifiée du document de planification, ou une description du programme, du projet, de la manifestation ou de l'intervention, accompagnée d'une carte permettant de localiser l'espace terrestre ou marin sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets ; lorsque des travaux, ouvrages ou aménagements sont à réaliser dans le périmètre d'un site Natura 2000, un plan de situation détaillé est fourni ; 2° Un exposé sommaire des raisons pour lesquelles le document de planification, le programme, le projet, la manifestation ou l'intervention est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000 ; dans l'affirmative, cet exposé précise la liste des sites Natura 2000 susceptibles d'être affectés, compte tenu de la nature et de l'importance du document de planification, ou du programme, projet, manifestation ou intervention, de sa localisation dans un site Natura 2000 ou de la distance qui le sépare du ou des sites Natura 2000, de la topographie, de l'hydrographie, du fonctionnement des écosystèmes, des caractéristiques du ou des sites Natura 2000 et de leurs objectifs de conservation. (...) ".

11. Les éléments prévus à l'article R. 414-23 du code de l'environnement que l'étude d'impact doit contenir en application des dispositions du VI de l'article R. 122-5 du même code consistent, dans tous les cas, en une description du projet accompagnée d'une carte permettant de localiser l'espace sur lequel il peut avoir des effets et les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés par ces effets. Les dispositions de l'article R. 414-23 exigent également, dans tous les cas, un exposé sommaire des raisons pour lesquelles le projet est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000. Dans les cas où des effets potentiels sont identifiés, une analyse plus approfondie est exigée.

12. En l'espèce, l'étude d'impact mentionne que l'éloignement des éoliennes est supérieur à 50 mètres de tout secteur présentant un enjeu fort pour l'activité des chiroptères et que des écoutes ont été réalisées pour conclure à une " absence manifeste d'effet du projet sur la conservation des espèces et habitats qui ont permis la désignation des sites Natura 2000 ". Suite aux recommandations émises par la Mission régionale d'autorité environnementale, la société pétitionnaire a réalisé une analyse plus poussée pour les quatre espèces protégées présentes dans la forêt de Sillé (le Grand Rhinolophe, la Barbastelle d'Europe, le Murin de Bechstein et le Grand Murin) et a estimé qu'eu égard aux territoires de chasse de ces espèces (allant de 3 à 4 km), à la faible activité de certaines d'entre elles dans la ZIP, aux mesures de bridage mises en place, et à leur faible sensibilité aux collisions, il n'apparaît pas que le projet pourrait avoir des incidences sur leur conservation. Par suite, il résulte de l'instruction que la société a bien exposé les raisons pour lesquelles le projet est ou non susceptible d'avoir une incidence sur un ou plusieurs sites Natura 2000.

13. En quatrième lieu, la recommandation émise par la Mission régionale d'autorité environnementale quant au partage des suivis de mortalité avec les parcs alentours n'est pas de nature à établir que les impacts cumulés sur les chiroptères et le paysage ont été mal présentés dans l'étude d'impact. En outre, le projet s'inscrit dans un contexte éolien ouvert et aucun autre projet n'est autorisé aux abords immédiats de la zone d'implantation, seuls trois parcs en fonctionnement ou en projet se situant dans un périmètre inférieur à dix kilomètres. Enfin, il résulte de l'instruction qu'un plan de bridage a été mis en place sur le parc de Juillé-Piacé-Vivion compte tenu des résultats du suivi de mortalité des chiroptères sur ce parc.

14. En cinquième lieu, les requérants soutiennent que le bilan carbone exposé dans l'étude d'impact n'intègre pas le coût de la construction et le démantèlement, l'incidence du bridage sur la production et l'intermittence inhérente à une production d'énergie éolienne qui implique souvent de recourir à des sources de production d'énergie carbonées. Cependant, il résulte de l'étude d'impact que le bilan carbone a été réalisé sur la base du calcul du bilan final du parc, incluant la compensation des impacts des phases de chantier, d'exploitation et de démantèlement par les bénéfices permis par l'exploitation des éoliennes mais aussi les étapes de fabrication et transport des composants d'éoliennes et, par extension, à toutes les étapes ou activités intermédiaires en prenant la base des calculs et méthodologies de l'ADEME. Sur les mesures de bridages, la réponse apportée par le pétitionnaire à l'avis de la Mission régionale d'autorité environnementale mentionne que la production annuelle estimée a été recalculée avec le gabarit de machine générant la plus faible production, cela en tenant compte des mesures de bridages acoustiques. Il ressort ainsi de ces éléments qu'une étude approfondie du bilan carbone a été réalisée. Enfin, les dispositions règlementaires de l'article R 122-5 du code de l'environnement n'impliquent pas que la problématique de l'intermittence de la production d'énergie éolienne doive figurer dans l'étude d'impact. En tout état de cause, les requérants n'établissent aucunement que le développement de l'éolien en France se serait accompagné d'une augmentation de la production électrique à base de charbon ou de gaz.

15. En sixième lieu, en ce qui concerne l'étude de l'avifaune et des chiroptères, les requérants reprennent à leur compte les observations et recommandations de la mission régionale de l'autorité environnementale.

16. S'agissant tout d'abord des linéaires de haies détruites, dans son mémoire en réponse à l'avis de la mission régionale de l'autorité environnementale, la société précise que seule une suppression de 5 mètres linéaires de haie, situées dans un linéaire de 250 mètres, est induite par le projet. L'étude d'impact évalue la présence de cette haie au regard de la flore et de la faune pour conclure à ce qu'aucun habitat à enjeu ou flore protégée ou flore patrimoniale ne sera impacté par la destruction de haie compte tenu de la mesure d'évitement consistant à une adaptation de la période de travaux par rapport à la période de reproduction du Bruant jaune, de la Linotte mélodieuse et de la Tourterelle des bois, de l'absence de destruction d'arbre et de gite potentiel sur les 5 mètres détruits et de la compensation par plantation de haies arbustives simples.

17. S'agissant ensuite de l'impact sur l'avifaune nocturne, à la suite des observations de la mission régionale de l'autorité environnementale, la société pétitionnaire a qualifié la sensibilité du risque de collision des espèces nocturnes identifiées comme faible en se fondant sur les sensibilités et les cas de mortalité constatés du fait des éoliennes en Europe.

18. S'agissant du risque lié à l'intérêt de l'avifaune pour des parcelles agricoles en période d'attractivité (fauche, moisson, labour), la société a répondu aux observations de la mission régionale de l'autorité environnementale et a qualifié le risque d'attractivité ponctuelle des parcelles agricoles exploitées autour des éoliennes de ponctuellement modéré lors des phases de travaux agricoles, pour certaines espèces et en dehors de ces périodes, de faible.

19. S'agissant des chiroptères, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir des observations et recommandations de la mission régionale de l'autorité environnementale concernant l'impact de la hauteur de garde des éoliennes sur l'avifaune. Ensuite, s'agissant de l'éloignement des machines des haies et des boisements, la société relève que les deux éoliennes du projet se situent à plus de 50 m de tout secteur présentant un enjeu fort pour l'activité des chiroptères et que ces distances sont suffisantes pour réduire fortement le risque de collision, les chauves-souris étant dépendantes des éléments structurants du paysage pour leurs déplacements et la chasse, leur activité décroissant fortement à distance de la végétation jusqu'à 50 m et ne variant plus significativement pour certaines espèces qui ont besoin d'être en contact avec la végétation. De plus, la société souligne l'importance de la garde au sol de 37 mètres qui limite le risque d'impact sur les espèces observées qui volent à basse altitude, les écoutes passives réalisées de février à novembre 2022, à des altitudes de 10, 50 et 80 mètres, attestant d'une activité manifestement plus importante des chiroptères à 10 mètres avec 37 627 contacts, contre 18 675 contacts à 50 mètres et 5 336 contacts à 80 mètres. En outre, la période de bridage est justifiée par l'existence d'un pic d'activité observé au printemps et à l'automne. Par ailleurs, les relevés in situ ont été réalisés au cours de l'année 2018 puis de l'année 2022 durant la totalité de la phase active des chiroptères, de sorte que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les études sont trop anciennes ou n'auraient pas été réalisées sur l'intégralité d'un cycle biologique. Enfin, la circonstance que des prospections pour identifier des gites hivernaux n'aient pas été réalisées n'est pas de nature à établir l'insuffisance de l'étude d'impact et il résulte de l'instruction que les périodes de prospection et le nombre de journées et de nuits d'écoute ont été suffisants pour rendre compte de l'activité chiroptérologique sur l'ensemble d'un cycle biologique.

20. En septième lieu, s'il résulte de l'instruction que 62% de la ZIP a été identifiée comme zone humide, l'implantation des éoliennes autorisées est prévue en dehors des zones humides identifiées. Si 0.18 % des zones humides seront néanmoins affectées par la mise en place de raccordement et de chemins d'accès, il est prévu la restauration par ailleurs de 4200 m2 de zones humides minimum.

21. En huitième lieu, les requérants font valoir qu'alors qu'une quinzaine d'habitations sont situées à moins de 850 mètres des éoliennes, seuls quatre photomontages dans l'étude paysagère sont réalisés à moins d'un kilomètre des machines et trois à plus d'un kilomètre, le reste des photomontages étant situés à plus de deux kilomètres. Il résulte cependant de l'instruction que les photomontages n°40 (hameau de la mare), 39 bis (D 39 aux abords de la voie ferrée), 39 (hameau de la Bruyère), 38 (la Mouchardière), 37 (hameau de l'Arcy) et 36 (hameau des Louvarderies) permettent d'appréhender l'impact de l'implantation des machines sur les habitations les plus proches alors que le choix de la localisation des photomontages résulte de l'analyse des différentes composantes du paysages et des perceptions du site. Il résulte également de l'instruction que les différents photomontages ont été réalisés afin de pouvoir rendre compte de l'impact visuel du projet dans le contexte paysager du site à l'échelle des aires d'études paysagères éloignées, rapprochées et immédiates depuis les secteurs d'intérêt paysager patrimonial et touristique et depuis les principaux bourgs et axes de circulation. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante qualité de l'étude paysagère doit être écarté.

En ce qui concerne la présentation des capacités financières de la société :

22. Aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". Aux termes de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement : " I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : (...) 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation ".

23. Le dossier administratif de la demande mentionne que le projet est porté par la société ferme éolienne le mortier jumeau, " société projet " dédiée exclusivement à la construction et à l'exploitation du parc éolien qui a été constituée par la société FE Zukunftsenergien AG (FEAG) qui endétient le capital et les droits de vote à 100%. Le parc sera financé à 90 % par emprunt bancaire auprès de la banque publique d'investissement et 10% sur les fonds propres de la société FEAG. Les lettres d'engagement de soutien financier de BPI France et de la société FEAG sont jointes au dossier administratif ainsi que le business plan prévisionnel sur 25 ans. Dans ces conditions, la société pétitionnaire a justifié de ses capacités financières.

En ce qui concerne l'absence de dérogation au titre de la destruction d'espèces protégées et d'habitats d'espèces protégées ;

24. Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, qui transposent en droit interne l'article 12 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, comme le prévoient les dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

25. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

26. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées "

27. En premier lieu, si les requérants font valoir que la MRAE a pu recommander une nouvelle étude de l'absence d'impact résiduel du projet sur l'avifaune en conduisant une analyse plus fine des impacts sur l'avifaune nocturne, sur les hauteurs de vol des espèces contactées, et sur le risque d'attractivité ponctuelle des parcelles agricoles exploitées autour des éoliennes, ces recommandations ne sont pas de nature à établir l'existence d'un risque suffisamment caractérisé sur les espèces protégées d'oiseaux ayant été observées sur la zone d'implantation potentielle après mise en œuvre des mesure d'évitement et de réduction. En outre, postérieurement aux recommandations de la MRAE, la société pétitionnaire a complété son analyse initiale sur les risques de collision pour l'avifaune nocturne, lesquels sont qualifiés de faibles eu égard aux sensibilités et cas de mortalités constatés sur les éoliennes en Europe et a qualifié le risque lié à l'attractivité ponctuelle des parcelles agricoles exploitées autour des éoliennes de ponctuellement modéré lors des phases de travaux agricoles, et faible en dehors de ces périodes. Il résulte également de l'instruction que les zones les plus fréquentées par les oiseaux ont été le plus souvent évitées lors de la conception du projet et que le calendrier de travaux de terrassement et de VRD exclura la période du 1er avril au 31 juillet pour tout début de travaux. Il résulte encore de l'instruction et de l'étude d'impact que toutes les espèces d'oiseaux recensées ont une sensibilité nulle à faible au risque de collision, d'effet barrière et de dérangement. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le risque d'atteinte aux espèces d'oiseaux protégées serait suffisamment caractérisé et nécessiterait en conséquence l'obtention d'une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées.

28. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur

protection : " Pour les espèces de mammifères dont la liste est fixée ci-après : / I. - Sont

interdits sur tout le territoire métropolitain et en tout temps la destruction, la mutilation,

la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle des animaux dans le milieu

naturel. / (...) ". La liste d'espèces de mammifère de cet article vise notamment la Noctule

commune, la Noctule de Leisler, le Petit Rinolophe, la Pipistrelle commune, la Pipistrelle de Kuhl, la Pipistrelle de Nathusius, la Pipistrelle pygmée, la Sérotine commune.

29. Tout d'abord, il résulte de l'instruction que les écoutes effectuées en 2018 et 2022 ont révélé une grande diversité d'espèces sur la zone d'implantation potentielle (au moins 20 espèces présentes, toutes protégées) et que l'aire d'étude est utilisée comme zone de chasse et de transit, notamment en période de transit printanier, de transit automnal et de migration. Les écoutes au sol ont montré une importante activité au niveau des éléments arborés. Les écoutes en altitude ont en outre relevé un enjeu modéré à fort à 50 mètres d'altitude pour les Pipistrelles de Kuhl et de Nathusius ainsi que la Noctule de Leisler, et fort pour la Pipistrelle commune et un enjeu modéré à 80 mètres d'altitude pour la Noctule de Leisler et modéré à fort pour la pipistrelle commune. La pipistrelle commune a représenté 78.8 % des contacts enregistrés et la pipistrelle de Kuhl 16.55% sur le site.

30. Ensuite, il résulte de l'instruction que les éoliennes autorisées se situent à l'interface de plusieurs secteurs à enjeux notables. Ainsi, les mâts des éoliennes se situent à plus de 50 mètres des haies et l'extrémité des pâles de l'éolienne E1 sont à 15 mètres d'une haie à enjeux, et pour E2, les pâles survolent une haie à enjeux modérés. De plus, Les plans d'eau identifiés à enjeux forts pour les chiroptères se trouvent à environ 40 mètres des zones survolées par les pâles. Enfin, l'étude écologique a relevé que le site était fréquenté au niveau du mat de mesure qui se trouve être l'emplacement de E1.

31. Ainsi, la mesure d'évitement proposée par la société consistant en la localisation des éoliennes n'apparait pas de nature à éviter un risque d'atteinte pour certaines espèces de chiroptères alors au surplus que la localisation des machines ne respecte pas les recommandations de la publication Eurobats (lignes directrices pour la prise en compte des chauves-souris dans les projets éoliens) d'implantation des éoliennes à plus de 200 mètres des haies. De même, et alors que l'activité en altitude de plusieurs espèces protégées apparait modérée et forte pour la pipistrelle commune et alors que la garde au sol des éoliennes projetées s'établit à seulement 37 mètres, le plan de bridage prévu dans la décision attaquée consistant en une mise à l'arrêt des machines du 15 mars au 31 octobre une heure avant le coucher du soleil jusqu'à une heure après le lever du soleil lorsque les conditions météorologiques présentent à la fois des températures supérieures ou égales à 10°c et des vitesses de vent inférieures ou égales à 6.5m/s permettant une réduction du risque de 90% selon l'étude écologique n'apparait pas de nature à diminuer le risque pour l'ensemble des espèces pour lesquelles l'impact brut a été reconnu dans l'étude d'impact comme modéré, c'est-à-dire le groupe des pipistrelles et des noctules. Il s'ensuit que les requérants sont fondés à soutenir que la société pétitionnaire aurait dû solliciter et obtenir une dérogation s'agissant des pipistrelles (commune, Kuhl et Nathusius) et des noctules (commune et de Leisler).

32. En troisième lieu, les requérants se bornent à soutenir que plusieurs espèces protégées de reptiles et d'amphibiens ont été observées sur le site. Ce faisant, ils n'assortissent leur moyen tiré de ce que le porteur du projet contesté aurait dû solliciter, pour ces espèces, une dérogation au titre des espèces protégées sur le fondement des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, alors en outre que l'étude écologique n'a conclu à l'existence d'aucun impact sur les amphibiens, reptiles, écureuil roux, agrion de mercure et insectes xylophages.

En ce qui concerne les atteintes aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

33. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 de ce code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".

S'agissant de l'atteinte les oiseaux, chiroptères, insectes et amphibiens :

34. En premier lieu, les requérants soutiennent que l'étude d'impact minimise les incidences ou n'analyse pas ces incidences sur l'ensemble des espèces présentes sur le site de haute qualité environnementale. Cependant, et s'agissant de l'avifaune, et ainsi qu'il a été dit, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude d'impact et l'étude écologique aurait minimisé les incidences du projet ; en outre, il résulte de l'instruction qu'afin de limiter les impacts sur l'avifaune, les zones les plus fréquentées par les oiseaux ont été évitées au maximum lors de la conception du projet et que le calendrier de travaux de terrassement et de VRD exclut la période du 1er avril au 31 juillet pour tout début de travaux afin de pallier au risque de dérangement et de destruction d'individus et de pertes d'habitats pour certaines espèces exposées (bruant jaune, linotte mélodieuse, pic épeichette, tourterelle des bois et œdicnème criard). Enfin, il ne résulte pas l'instruction qu'une espèce d'oiseaux diurnes ou nocturnes serait exposée à un risque marqué en période d'exploitation.

35. En deuxième lieu, s'agissant des insectes et amphibiens, l'étude écologique n'a conclu à l'existence d'aucun impact sur les amphibiens, reptiles, écureuil roux, agrion de mercure et insectes xylophages. Les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir l'impact du projet autorisé sur les insectes et amphibiens.

36. En troisième lieu, s'agissant des chiroptères, ainsi qu'il a été dit, il résulte de l'instruction que la zone d'implantation du projet constitue un enjeu fort pour les chiroptères, en raison de la très forte diversité d'espèces sur la zone d'implantation potentielle laquelle constitue une zone de chasse et de transit, notamment en période de transit printanier, de transit automnal et de migration. Par ailleurs, les écoutes au sol et en hauteur ont montré une importante activité au niveau des éléments arborés et un enjeu modéré à fort à 50 mètres d'altitude pour les Pipistrelles de Kuhl et de Nathusius ainsi que la Noctule de Leisler, et fort pour la Pipistrelle commune et un enjeu modéré à 80 mètres d'altitude pour la Noctule de Leisler et modéré à fort pour la pipistrelle commune. Enfin, la disposition des éoliennes à proximité de haies arbustives et points d'eau expose les populations de chiroptères et notamment les espèces évoluant en hauteur. Toutefois, le risque de perte d'habitat engendré par le projet n'est pas suffisamment caractérisé, et les mesures d'évitement et de bridage multifactoriels prévues dans l'arrêté attaqué et de mise en drapeau préconisé par la DDT de la Sarthe et qui au terme de l'arrêté attaqué doit être proposé par le société titulaire de l'autorisation avant la mise en service du parc, permettent de réduire le risque de collision ou de barotraumatisme à un niveau qui n'est pas suffisamment caractérisé à l'exception des pipistrelles (commune, Kuhl, Nathusius) et des noctules (commune et de Leisler). Par suite, et hormis ces dernière espèces, l'incidence finale du projet demeure faible pour les chiroptères et ne porte aucune atteinte excessive à ces mammifères.

S'agissant de l'impact sur les zones humides :

37. Les requérants soutiennent que la mise en place de chemins d'accès permanents et temporaires à l'éolienne E1 implique la destruction de 621 m 2 de zones humides réparties en 564 m2 de bandes enherbées et 57 m2 de culture de blé méconnaissent ainsi l'objectif 8B-1 du SDAGE des pays de la Loire qui impartit aux maitres d'ouvrage de projets impactant une zone humide de chercher une autre implantation à leur projet, afin d'éviter de dégrader la zone humide. Cependant, il résulte de l'instruction que l'implantation des fondations des éoliennes ne se fera pas sur les zones humides identifiées. En outre, si 0.18 % des zones humides seront affectées par la mise en place de raccordement et de chemins d'accès, il est prévu la restauration par ailleurs de 4200 m2 minimum dans l'arrêté d'autorisation et la réalisation d'un diagnostic préalable sur les fonctions à restaurer. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les zones humides existantes seront impactées notablement.

S'agissant de l'impact visuel et de la commodité du voisinage :

38. Il résulte des dispositions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement que pour apprécier l'atteinte significative d'une installation à des paysages ou des sites, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la visibilité du projet depuis ces sites ou la covisibilité du projet avec ces sites ou paysages. S'agissant de l'atteinte alléguée à la commodité du voisinage, il appartient au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à un effet de saturation du paysage, de tenir compte de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents.

39. Le paysage de l'aire d'étude est composé de plusieurs unités paysagères (Champagnes ondulées Sarthoises, Balcons de la Sarthe, les Collines du Maine, les Corniches des Alpes Mancelles et des Avaloirs, les Plaines d'Alençon et du Saosnois, les vallées et buttes boisées de Bonnétable, la champagne de Conlie).

40. Il résulte de l'instruction qu'à l'échelle de l'aire immédiate, les bourgs gravitant autour de la vallée de la Sarthe et du vallon du Lombron disposent de vues dégagées en direction du projet et que les bourgs de Saint-Christophe-du-Jambet et de Moitron-sur-Sarthe disposent d'une vue prégnante sur le projet. Cependant, il résulte de l'instruction et des photomontages produits dans l'étude paysagère que le projet s'insère de manière relativement harmonieuse en continuité d'autres parcs éoliens. En outre, le projet ne génère aucun effet d'écrasement ou de domination des éoliennes sur ces bourgs.

41. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les hameaux sont nombreux et dispersés au sein du fond de vallée mais également parfois situés en position haute sur le flanc des coteaux autour du projet. Sur les 38 hameaux situés dans l'aire d'étude immédiate, une dizaine présentent une sensibilité forte au projet en raison d'une large vue sur un ou plusieurs secteurs de la zone d'implantation potentielle depuis les secteurs habités et onze présentent une sensibilité modérée du fait d'une simple ouverture visuelle vers la zone d'implantation potentielle ou une partie de cette zone depuis les secteurs habités. Il résulte également des photomontages produits au dossier que les hameaux situés aux abords du projet disposent d'une forte visibilité potentielle sur le projet en particulier les hameaux " la Bruyère ", " Mouchardière ", " La Mare ", " les Gerbaudières ", " la Monnerie ", " Les Jeunoires " et " l'Arcy ". Des effets d'encerclement étant également possibles pour les hameaux se situant entre le projet et le parc de Juillé, Piacé et Vivoin tel que le hameau de " La Mare ". Cependant, parmi les hameaux à sensibilité forte ou modérée, neuf ont une orientation des façades qui n'est pas dirigée vers la zone d'implantation potentielle. En outre, ces hameaux sont constitués pour la plupart d'habitations isolées, de corps de ferme ou encore de vastes ensembles agricoles (hangar, bâtiment d'habitation)et les requérants n'établissent par ailleurs pas par les pièces qu'ils produisent le nombre d'habitants qui seront ainsi fortement impactés par le projet. Ces hameaux, parfois enserrés d'un écrin boisé limitant les vues vers l'extérieur, s'orientent tantôt sur le paysage environnant tantôt sur les rivières, mais aussi constituent parfois des éléments clos peu perméables.

42. En outre, une analyse spécifique sur la saturation visuelle basée sur les indices d'occupation d'horizon et l'indice d'espace de respiration a été effectuée sur les bourgs situés à moins de dix kilomètres des éoliennes du projet et sur les hameaux situés à moins d'un kilomètre. Cette analyse a montré un faible risque de saturation visuelle limitée à deux bourgs sur les vingt-sept analysés et à deux hameaux sur les treize situés à moins d'un kilomètre.

43. Enfin, s'agissant des éléments patrimoniaux, il résulte de l'instruction que l'église de Saint AN... du Jambet située à trois kilomètres du projet dispose, à l'instar de la commune, d'une situation de surplomb par rapport au projet, lequel s'insère de manière relativement harmonieuse et en continuité d'autres parcs éoliens. L'église de Fresnay sur Sarthe présente des co-visibilités avec le projet seulement depuis les secteurs habités situés au nord en recul du centre-ville. L'église de Beaumont sur Sarthe est co-visible depuis le sud de la route départementale 38 lorsque les accotements de la voie ne sont pas refermés par des haies ou de la végétation. La commanderie des templiers du gué-Lion se situe dans un écrin boisé atténuant la visibilité du projet et la co-visibilité suivant les saisons. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que le projet autorisé porterait une atteinte excessive aux paysages , aux sites ou à la commodité du voisinage.

S'agissant du non-respect des dispositions de l'article L. 515-44 du code de l'environnement :

44. Aux termes de l'article L. 515-44 du code de l'environnement : " (...) La délivrance de l'autorisation d'exploiter est subordonnée au respect d'une distance d'éloignement entre les installations et les constructions à usage d'habitation, les immeubles habités et les zones destinées à l'habitation définies dans les documents d'urbanisme en vigueur au 13 juillet 2010 et ayant encore cette destination dans les documents d'urbanisme en vigueur, cette distance étant, appréciée au regard de l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1. Elle est au minimum fixée à 500 mètres. (...)".

45. Si les requérants soutiennent qu'il existe une construction située au lieu-dit " La Maison Neuve ", à 260 mètres de l'éolienne E1, l'acquisition de cette maison au bénéfice de la société ferme éolienne du mortier jumeau, au demeurant inhabitée depuis huit ans et non reliée aux réseaux a été finalisé par un acte de vente du 2 avril 2024. La société s'est par ailleurs engagée à déconstruire partiellement cette maison pour le réaffecter de aire d'accueil pour cyclotourisme. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 515-44 du code de l'environnement doit être écarté.

Sur la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

46. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II. - En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées. ".

47. Il résulte de ce qui a été dit aux points 29 à 31 que l'arrêté préfectoral attaqué du est entaché d'illégalité en ce qu'il n'a pas donné lieu au dépôt d'une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées au titre des pipistrelles (commune, Kuhl, Nathusius) et des noctules (commune et de Leisler).

48. En premier lieu, le vice résultant de l'absence de demande de dérogation en application des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, relevé au point 31 est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative comportant une telle dérogation, prise après la consultation prévue à l'article R. 181-28 du code de l'environnement. L'avis recueilli à l'issue de cette consultation ainsi que la demande de dérogation de la société pétitionnaire seront versés au dossier soumis à l'enquête publique, afin de soumettre ces nouveaux éléments à la connaissance du public.

49. Eu égard aux modalités de régularisation fixées aux points précédents, l'éventuelle mesure de régularisation devra être communiquée à la cour dans un délai de 18 mois à compter de la notification du présent arrêt.

50. Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été dit au point 45 du présent arrêt, s'agissant des pipistrelles (commune, Kuhl, Nathusius) et des noctules (commune et de Leisler), la cour est dans l'impossibilité d'examiner le bien-fondé du moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué porte une atteinte excessive aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement, en ce qui concerne les chiroptères. Il y a donc lieu de réserver la réponse à ce moyen, que la cour pourra examiner au vu d'une autorisation modificative de régularisation.

51. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de M. W... AE... et autres et autres jusqu'à l'expiration du délai mentionné au point précédent afin de permettre ces régularisations.

D E C I D E:

Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête de M. AE... et autres jusqu'à l'expiration d'un délai de 18 mois, courant à compter de la notification du présent arrêt, imparti à l'État ou à la Société ferme éolienne " le mortier Jumeau " pour produire devant la cour un arrêté de régularisation édicté selon les modalités définies aux points 47 à 49.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. W... AE..., désigné représentant unique des requérants, à la société ferme éolienne " le Mortier Jumeau " et au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.

Le rapporteur

S. VIÉVILLELe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne à la ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT0242102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02421
Date de la décision : 10/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Sébastien VIEVILLE
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : FAZIO

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-10;24nt02421 ?
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