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10/06/2025 | FRANCE | N°24NT01719

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 10 juin 2025, 24NT01719


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A..., épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 février 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de réintégration dans la nationalité française.



Par un jugement n° 2201274 du 7 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande dans un délai de deux mois.



Procédure de

vant la cour :



Par une requête, enregistrée le 11 juin 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A..., épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 février 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de réintégration dans la nationalité française.

Par un jugement n° 2201274 du 7 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 mai 2024 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- sa décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que Mme A... épouse C... n'a jamais travaillé en France avant qu'une situation de handicap soit identifiée ; depuis lors, ce handicap ne lui interdisait pas tout emploi ; aucune discrimination fondée sur l'âge ou le handicap n'est établie ;

- le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée, soulevé en première instance, n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2024, Mme B... A..., épouse C..., représentée par Me Madeline, conclut au rejet de la requête, et demande d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A..., épouse C..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., épouse C..., ressortissante algérienne née le 1er octobre 1954, a sollicité sa réintégration dans la nationalité française. Par une décision du 16 septembre 2020, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande, puis, par une décision du 17 février 2021, le ministre de l'intérieur a rejeté son recours formé contre cette décision. Par un jugement du 7 mai 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision ministérielle et a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer cette demande de réintégration. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 24-1 du code civil : " La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 48 du décret susvisé du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. ".

3. L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Elle peut, dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, l'intégration de l'intéressé dans la société française, son insertion sociale et professionnelle et le fait qu'il dispose de ressources lui permettant de subvenir durablement à ses besoins en France. Pour rejeter une demande de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, l'autorité administrative ne peut se fonder ni sur l'existence d'une maladie ou d'un handicap ni, par suite, sur l'insuffisance des ressources de l'intéressé lorsqu'elle résulte directement d'une maladie ou d'un handicap.

4. Pour rejeter la demande de réintégration de Mme A... épouse C..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le motif tiré de ce qu'elle ne dispose pas de revenus personnels et qu'elle ne subvient pour l'essentiel à ses besoins qu'à l'aide de prestations sociales.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... épouse C... est entrée sur le territoire français en 2007 à l'âge de 53 ans et qu'elle s'y maintenue ensuite sans jamais exercer une activité professionnelle, alors même qu'à compter de 2010, elle s'est inscrite comme demandeuse d'emploi. A compter du 1er juin 2016 elle a obtenu le bénéfice de l'allocation de solidarité due aux personnes qui ne relèvent pas d'un régime de retraite en France et qui sont en situation régulière, pour un montant mensuel de 800 euros. Si elle se prévaut d'un courrier de la Maison départementale des personnes handicapées de la Seine-Maritime du 26 mai 2016 lui reconnaissant un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 % et exposant que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées lui a reconnu un handicap qui " peut justifier l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés à compter du 1er novembre 2016 ", il n'est pas établi que ce handicap, ou son âge, la plaçait, à compter de 2016, dans l'impossibilité complète de trouver un emploi. Au demeurant, il n'est pas établi que Mme A... aurait perçu effectivement l'allocation aux adultes handicapés après vérification de sa situation par la caisse d'allocations familiales compétente. Par ailleurs, si à compter du décès de son conjoint le 29 mars 2021, elle a perçu une pension de réversion, cette circonstance est postérieure à la décision ministérielle contestée du 17 février 2021, et donc sans incidence sur la légalité de cette décision. Ainsi, si Mme A... épouse C... a séjourné en France de 2007 à 2016, il n'est pas établi qu'elle ne pouvait alors exercer un emploi, ni que le handicap qui lui a été ensuite reconnu lui aurait interdit tout emploi. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur a pu, sans commettre d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation ni de discrimination à son encontre, estimer, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont il dispose pour accorder ou rejeter une demande de naturalisation que l'intéressée ne justifiait pas d'une insertion professionnelle suffisante lui permettant de disposer de ressources lui permettant de subvenir durablement à ses besoins en France et, par suite, d'accéder à la nationalité française.

6. Par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision contestée du ministre au motif qu'elle était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... épouse C... tant devant le tribunal administratif de Nantes que devant la cour.

7. En premier lieu, par une décision du 12 septembre 2019, publiée au Journal officiel de la République française le 14 septembre 2019, la directrice de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité, compétente à cet effet en vertu de l'article 3 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, a donné délégation à M. E... D..., chef du bureau des affaires juridiques, du précontentieux et du contentieux, à l'effet de signer au nom du ministre de l'intérieur la décision attaquée. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision ministérielle du 17 février 2021 doit être écarté comme manquant en fait.

8. En second lieu, Mme A... épouse C... ne peut utilement se prévaloir d'une note du ministre de l'intérieur aux préfets du 25 octobre 2016 intitulée " Acquisition de la nationalité française par les personnes nées en France métropolitaine avant le 1er janvier 1963 de parents algériens de statut civil de droit local ", qui est dépourvue de valeur réglementaire. De même, eu égard au motif du rejet de sa demande, elle ne peut utilement se prévaloir du fait qu'elle remplirait les autres conditions posées par le législateur pour voir sa demande de réintégration dans la nationalité examinée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 17 février 2021 et lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation de Mme A... épouse C.... Par suite, il y a lieu de rejeter les demandes présentées par cette dernière aux fins d'injonction sous astreinte et au titre des frais d'instance.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2201274 du 7 mai 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... épouse C... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Nantes sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... épouse C....

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2025.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT01719


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01719
Date de la décision : 10/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-10;24nt01719 ?
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