Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2024 du préfet du Morbihan portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, fixation du pays de destination, interdiction de retour en France pendant un an et obligation de remise de son passeport et de présentation deux fois par semaine au commissariat de Lorient.
Par un jugement n° 2406276 du 13 février 2025, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet du Morbihan de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois et de faire procéder dans le même délai à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gourlaouen, conseil M. A..., de la somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'État.
Procédure devant la cour :
I- Par une requête enregistrée sous le n° 25NT00600 le 26 février 2025, et régularisée le 28 février suivant, le préfet du Morbihan demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 février 2025 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes.
Il soutient qu'il n'est pas établi que l'état de santé de M. A... nécessite l'accompagnement de sa mère.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2025, M. B... A..., représenté par Me Gourlaouen, conclut au rejet de la requête et au versement à son conseil, par l'Etat, d'une somme de 2 000 euros en application des articles L 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet du Morbihan ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2025.
II - Par une requête, enregistrée le 26 février 2025 sous le n° 25NT00601, le préfet du Morbihan demande à la cour de prononcer sur le sursis à l'exécution du jugement n° 2406276 du 13 février 2025 du tribunal administratif de Rennes, dans l'attente que la cour se prononce sur le fond de l'affaire.
Il soutient qu'il n'est pas établi que l'état de santé de M. A... nécessite l'accompagnement de sa mère.
Par un mémoire enregistré le 15 mars 2025, M. A..., représenté par Me Gourlaouen, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'en l'absence de moyens sérieux et de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement du 13 février 2025, les conclusions du préfet seront rejetées.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les observations de Me Gourlaouen, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant marocain entré en France le 16 mai 2022 à l'âge de 37 ans, a bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé au titre de la période du 16 juin 2023 au 15 juin 2024. Le 30 juillet 2024, il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. Si dans son avis du 9 septembre 2024, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une extrême gravité, il a cependant considéré qu'il pourrait bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine. Par un arrêté du 26 septembre 2024 le préfet du Morbihan a rejeté sa demande de titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, d'une interdiction de retour en France pendant un an et d'une obligation de remise de son passeport et de présentation deux fois par semaine au commissariat de Lorient. M. A... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Rennes. Par un jugement du 13 février 2025, le tribunal a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet du Morbihan de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois et de faire procéder dans le même délai à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gourlaouen, conseil de M. A..., de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par une requête enregistrée sous le n° 25NT00600, le préfet du Morbihan relève appel de ce jugement. Par une requête enregistrée sous le n° 25NT00601, le préfet demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du même jugement. Ces deux requêtes sont relatives à un même jugement. Dès lors, il y a lieu de les joindre pour que la cour se prononce par un même arrêt.
Sur la requête n° 25NT00600 :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. / Chaque année, un rapport présenté au Parlement l'activité réalisée au titre du présent article par le service médical de l'office ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande en raison de son état de santé, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre de schizophrénie paranoïde dissociative depuis l'âge de seize ans et a été hospitalisé à plusieurs reprises, et notamment en 2017 au Maroc puis en France en 2022, 2023 et 2024 dans le cadre de poussées interprétatives persécutives. Son traitement médicamenteux est dispensé par le psychiatre qui le suit régulièrement depuis son entrée en France, le 16 mai 2022. Ce spécialiste a clairement indiqué dans un certificat du 4 octobre 2024, qui se rapporte à l'état de son patient antérieur à la décision contestée, que " la séparation d'avec son milieu maternel-familial ne peut qu'entraîner une pathologie traumatique qui se surajouterait à sa maladie propre ". Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 26 juillet 2018, le tribunal de première instance de Sale au Maroc a désigné, avec l'accord du père de l'intéressé, sa mère comme sa tutrice au motif qu'elle le prenait en charge. Il s'ensuit, que le préfet du Morbihan n'est pas fondé à soutenir que M. A... n'établirait pas que son état de santé nécessite la présence à ses côtés de sa mère.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Morbihan n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 26 septembre 2024, lui a enjoint de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois et de faire procéder dans le même délai à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gourlaouen, conseil M. A..., de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Sur la requête n° 25NT00601 :
7. Dès lors que le présent arrêt statue sur la requête n° 25NT00600 du préfet du Morbihan tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 13 février 2025, les conclusions de sa requête n° 25NT00601 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement deviennent sans objet. Par suite, il n'y plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre des deux instances, la somme globale de 1 500 euros à verser à Me Gourlaouen, avocate de M. A..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Gourlaouen renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution de la requête n° 25NT00601 du préfet du Morbihan.
Article 2 : La requête n° 25NT00600 du préfet du Morbihan est rejetée.
Article 3 : L'État versera à Me Gourlaouen la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente de chambre,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2025.
La rapporteure,
V. GELARD La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 25NT00600