La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2025 | FRANCE | N°24NT02714

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 06 juin 2025, 24NT02714


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de La Baule-Escoublac à leur verser une somme provisoire de 5 000 euros à parfaire en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait d'un accident dont Mme B... a été victime le 3 novembre 2020 et d'ordonner avant dire droit une expertise médicale.



Par un jugement n° 2114729 du 9 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande

.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de La Baule-Escoublac à leur verser une somme provisoire de 5 000 euros à parfaire en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait d'un accident dont Mme B... a été victime le 3 novembre 2020 et d'ordonner avant dire droit une expertise médicale.

Par un jugement n° 2114729 du 9 juillet 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 septembre 2024 et 2 avril 2025, M. et Mme B..., représentés par Me Viaud, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 juillet 2024 ;

2°) de condamner la commune de La Baule-Escoublac à leur verser une somme provisoire de 5 000 euros à parfaire en réparation des préjudices qu'ils ont subis du fait d'un accident dont Mme B... a été victime le 3 novembre 2020 ;

3°) d'ordonner une expertise médicale avant dire droit afin de déterminer l'ampleur des préjudices corporels subis par Mme B... du fait de cet accident ;

4°) de mettre à la charge de la commune de La Baule-Escoublac une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le lien de causalité entre l'excavation présente sur le trottoir et la chute de Mme B... est établi ;

- l'excavation qui a causé la chute de Mme B... présente une profondeur avoisinant les 15 centimètres ; compte tenu de ces dimensions, cette excavation révèle un défaut d'entretien normal de la chaussée de nature à engager la responsabilité de la commune de La Baule-Escoublac ;

- aucune faute exonératoire ne peut être reprochée à Mme B... ; elle était dans l'impossibilité d'anticiper une telle excavation sur la chaussée, dès lors en particulier qu'elle n'emprunte pas fréquemment le boulevard de la Forêt à pied ; la circonstance qu'un poteau était manquant sur ce boulevard ne s'imposait pas avec évidence car les poteaux avaient été installés peu de temps avant l'accident ; l'accident a eu lieu en fin d'après-midi, la luminosité déclinait à ce moment de la journée ;

- une expertise médicale est nécessaire afin d'évaluer l'étendue des préjudices subis par Mme B... du fait de l'accident dont elle a été victime ;

- en raison de l'accident, elle s'est fracturée le col du fémur et porte désormais une prothèse totale de la hanche gauche ; ils ont avancé des frais médicaux en lien avec cet accident ; Mme B... a subi un déficit fonctionnel temporaire important ; elle a particulièrement souffert des séquelles corporelles consécutives à l'accident ; compte tenu de ces préjudices, ils sont fondés à solliciter le versement d'une somme provisoire s'élevant à 5 000 euros à parfaire dans l'attente des résultats de l'expertise médicale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2025, la commune de La Baule-Escoublac, représentée par Me Bernot, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. et Mme B... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Loire-Atlantique qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard ;

- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public ;

- les observations de Me Viaud, représentant M. et Mme B... ;

- et les observations de Me Ferard, substituant Me Bernot, représentant la commune de La Baule-Escoublac.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été victime d'un accident, le 3 novembre 2020 vers 16 heures 30, alors qu'elle marchait avec son époux sur le trottoir du boulevard de la Forêt situé sur le territoire de la commune de La Baule-Escoublac (Loire-Atlantique). L'intéressée a été immédiatement prise en charge par les pompiers puis conduite au centre hospitalier de Saint-Nazaire. Des examens médicaux ont permis de diagnostiquer que Mme B... s'était fracturée le col du fémur et que son état justifiait la pose d'une prothèse totale de la hanche gauche. Estimant que cet accident est imputable à un défaut d'entretien normal du trottoir, Mme B... et son époux ont présenté, le 30 août 2021, une demande indemnitaire préalable auprès de la commune de La Baule-Escoublac. Par un courrier du 23 novembre 2021, l'assureur de la collectivité a refusé toute indemnisation. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 9 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale avant dire droit afin de déterminer l'étendue des préjudices subis par Mme B... et à ce que la commune de La Baule-Escoublac soit condamnée à leur verser une somme provisoire de 5 000 euros, à parfaire, sur l'indemnisation des préjudices subis par Mme B... du fait de son accident.

Sur la responsabilité de la commune de La Baule-Escoublac :

2. Pour obtenir réparation par le maître de l'ouvrage des dommages qu'il a subis, l'usager de la voie publique doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse sur elle, il incombe à la collectivité, soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un évènement de force majeure.

3. En premier lieu, la main courante dressée par les services de police municipale dans les suites immédiates de l'accident ainsi que l'attestation de M. B..., témoin direct de l'accident, suffisent à établir que son épouse a chuté sur le trottoir du boulevard de la Forêt en se coinçant le pied dans une excavation qui s'est formée en raison du descellement d'un poteau en bois implanté sur le trottoir de ce boulevard, alors qu'elle s'apprêtait à emprunter un passage piéton. La matérialité des faits ainsi que le lien de causalité entre la chute de Mme B... et l'excavation doivent être tenus pour établis.

4. En deuxième lieu, M. et Mme B... justifient, pour la première fois en appel, des dimensions de l'excavation dans laquelle Mme B... a coincé son pied, en se prévalant des dimensions d'un second poteau également descellé sur le boulevard de la Forêt, qui fait apparaître un trou d'une profondeur de 19 centimètres et un diamètre de 15 centimètres. Si la commune conteste ces mesures par comparaison, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations alors qu'il résulte pourtant de l'instruction que ce boulevard est constitué par la présence, à intervalles réguliers, de poteaux en bois présentant la même taille et que les photos produites montrent un trou correspondant au diamètre du poteau ainsi qu'une déformation de la chaussée tout autour de celui-ci. Par suite, cette excavation, eu égard à ses dimensions, excédait les défectuosités qu'un piéton normalement attentif pouvait s'attendre à rencontrer en empruntant un trottoir. Alors que la commune de La Baule-Escoublac n'établit, ni même n'allègue, avoir procédé à des inspections régulières du boulevard, ou avoir pris les mesures nécessaires pour remédier au désordre constaté ou, à tout le moins, le signaler de façon adéquate, et qu'elle ne justifie pas que la défectuosité serait apparue très peu de temps avant l'accident, elle ne peut être regardée comme établissant, ainsi qu'il lui incombe, l'entretien normal de cette partie de la voie publique.

5. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, M. et Mme B... sont fondés à rechercher la responsabilité de la commune de La Baule-Escoublac à raison de ces faits.

Sur la faute de la victime :

6. Il est constant que la chute de Mme B... est intervenue le 3 novembre 2020 vers 16 heures 30. Il n'est pas établi que les conditions météorologiques ou la présence de feuilles mortes auraient rendues moins visibles cette déformation de la chaussée. Par ailleurs, si les intéressés indiquent qu'ils se déplacent généralement en voiture et que le poteau arraché était le premier d'un alignement qui avait été récemment installé, la commune fait valoir sans être contredite que l'accident s'est produit à moins de 15 minutes de leur domicile, sur un boulevard très fréquenté, de sorte qu'ils connaissaient les lieux. Dans ces conditions, s'il incombait à la commune de La Baule-Escoublac de faire disparaître cette excavation ou de la signaler de manière adéquate, Mme B..., alors âgée de 72 ans, a également contribué, par son inattention, à la survenue de l'accident dont elle a été victime. Par suite, Mme B... doit être regardée comme ayant commis une faute de nature à exonérer la commune de La Baule-Escoublac à hauteur de 50% des conséquences dommageables de l'accident.

Sur les préjudices et les conclusions tendant au versement d'une indemnité provisoire :

7. L'état du dossier ne permet pas à la cour de se prononcer sur l'étendue des préjudices, temporaires et permanents, dont Mme B... et son époux sollicitent la réparation. Dès lors, il y a lieu, comme ils le demandent, d'ordonner une expertise médicale aux fins et dans les conditions précisées dans le dispositif du présent arrêt.

8. Dans l'attente de cette expertise, M. et Mme B... sollicitent le versement d'une indemnité provisoire de 5 000 euros. Il est constant que l'accident dont Mme B... a été victime lui a causé une fracture du col du fémur qui a nécessité la pose d'une prothèse totale de la hanche gauche. Mme B... a alors été hospitalisée au service de chirurgie orthopédique et traumatologique du centre hospitalier de Saint-Nazaire du 3 au 7 novembre 2020. Un certificat médical du Dr A... du 28 juillet 2022 mentionne que l'intéressée se plaint de douleurs de hanches persistantes. Ce certificat indique également un déficit de force musculaire du quadriceps gauche. Dans ces conditions, et compte tenu de la part de responsabilité de la commune de La Baule-Escoublac, l'obligation d'indemnisation incombant à cette dernière est établie avec un degré suffisant de certitude à hauteur d'un montant qui sera fixé à 2 500 euros. Par suite, il y a lieu de faire droit, dans cette limite, aux conclusions de M. et Mme B... et de mettre à la charge de la commune de La Baule-Escoublac une allocation provisionnelle de 2 500 euros à faire valoir sur l'indemnisation des préjudices des intéressés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs conclusions indemnitaires.

10. Dans l'attente des conclusions expertales, il y a lieu de réserver jusqu'en fin d'instance les droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, incluant les conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2114729 du 9 juillet 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : Il sera procédé, avant dire droit, à une expertise médicale contradictoire entre les parties.

Article 3 : L'expert aura pour mission de :

1°) se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de Mme B... ; convoquer et entendre les parties ainsi que tout sachant ; procéder à l'étude de l'entier dossier médical de Mme B... et à son examen clinique ;

2°) décrire l'état de santé de Mme B... avant l'accident afin d'évaluer son état antérieur non imputable à l'accident du 3 novembre 2020 ;

3°) décrire les séquelles dont elle reste atteinte à la suite de cet accident ainsi que l'évolution chronologique de celles-ci ;

4°) de préciser la date de consolidation de l'état de santé de Mme B... et dans le cas où cet état ne serait pas consolidé, de dire s'il est susceptible de modification en amélioration ou en aggravation en indiquant son degré de probabilité et, dans le cas où un nouvel examen serait nécessaire, de mentionner dans quel délai ;

5°) évaluer les différents préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux, temporaires et permanents, subis par Mme B... du fait de l'accident.

Article 4 : L'expert accomplira la mission définie à l'article 3 dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il pourra, au besoin, se faire assister par un sapiteur préalablement désigné par le président de la cour.

Article 5 : L'expert appréciera l'utilité de soumettre au contradictoire des parties un pré-rapport.

Article 6 : L'expert déposera son rapport au greffe par voie électronique, accompagné de l'état de ses vacations, frais et débours. Il en notifiera copie aux personnes intéressées, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord desdites parties, à laquelle il joindra copie de l'état de ses vacations, frais et débours.

Article 7 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 8 : La commune de la Baule-Escoublac versera à M. et Mme B... une somme provisoire de 2 500 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices que Mme B... a subis du fait de l'accident dont elle a été victime.

Article 9 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et Mme D... B..., à la commune de La Baule-Escoublac et à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025.

La rapporteure,

V. GELARD

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24NT027142


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02714
Date de la décision : 06/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : PARTHEMA 3

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-06;24nt02714 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award