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06/06/2025 | FRANCE | N°24NT02114

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 06 juin 2025, 24NT02114


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme N... H... M..., M. B... I... et Mme K... D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 mars 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Kinshasa refusant de délivrer des visas d'entrée et de long séjour à Mme H... M... et à M. I... au titre de la procédure de réunification familiale.

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Par un jugement n°2305099 du 15 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme N... H... M..., M. B... I... et Mme K... D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 mars 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Kinshasa refusant de délivrer des visas d'entrée et de long séjour à Mme H... M... et à M. I... au titre de la procédure de réunification familiale.

Par un jugement n°2305099 du 15 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2024, Mme H... M..., M. I... et Mme D... C..., représentés par Me Régent, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 8 mars 2023 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le délai de trois mois pour solliciter un visa au titre de la procédure de réunification familiale à la suite de l'obtention de la protection est inconventionnel ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à Mme H... M... par une décision du 4 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Montes-Derouet,

- et les observations de Me Régent, représentant Mme H... M... et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... C..., ressortissante congolaise née le 25 janvier 1977, s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée par une décision du 31 janvier 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par un jugement du 13 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme N... H... M..., de M. B... I... et de Mme G... C..., la décision du 5 janvier 2022 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de délivrer les visas sollicités pour M. J..., Mme E... H... L... et Mme A... H... D... au titre de la réunification familiale et de réexaminer les demandes de visa présentées pour Mme N... H... M... et M. B... I.... Par une décision du 8 mars 2023, la commission de recours a, dans le cadre de ce réexamen, refusé la délivrance à Mme N... H... M... et à M. B... I... des visas sollicités. Par un jugement du 15 mars 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme H... M..., de M. I... et de Mme D... C... tendant à l'annulation de la décision du 8 mars 2023 de la commission de recours. Mme N... H... M..., M. B... I... et Mme G... C... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...)/ ; 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. (...) / L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite ". Aux termes de l'article R. 561-1 du même code : " La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa des membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'âge de l'enfant pour lequel il est demandé qu'il puisse rejoindre son parent réfugié sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être apprécié à la date de la demande de réunification familiale, c'est-à-dire à la date à laquelle est présentée la demande de visa à cette fin, sans qu'aucune condition de délai ne puisse être opposée. La circonstance que cette demande de visa ne peut être regardée comme effective qu'après son enregistrement par l'autorité consulaire, qui peut intervenir à une date postérieure, est sans incidence à cet égard. Par ailleurs, lorsqu'une nouvelle demande de visa est déposée après un premier refus définitif, il convient, pour apprécier l'âge de l'enfant, de tenir compte de cette demande, et non de la première demande.

4. Les dispositions précitées ne peuvent toutefois recevoir application dans le cas où l'enfant a atteint l'âge de dix-neuf ans entre la demande d'asile de son parent et l'octroi à celui-ci du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Dans cette hypothèse, sous réserve que la demande de réunification ait été introduite dans les trois mois suivant l'octroi de la protection, l'âge doit être apprécié à la date de la demande d'asile.

5. Il ressort des pièces du dossier que les refus opposés par la commission de recours aux premières demandes de visa déposées pour Mme N... H... M... et M. B... I..., le 17 juillet 2018 sont devenus définitifs en l'absence de tout recours contentieux. Par suite, il convient, pour apprécier leur âge, de tenir compte de la seconde demande de visa déposée le 21 mai 2021. A cette date, les intéressés étaient âgés de plus de dix-neuf ans et ne pouvaient dès lors plus être admis au bénéfice des dispositions de l'article L. 561-2 précité.

6. Dans ces conditions, en estimant que Mme H... M... et M. I... n'étaient pas éligibles à la procédure de réunification familiale, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.

7. En deuxième lieu, les demandes de visas présentées pour Mme H... M... et M. I... ayant été introduites le 21 mai 2021, alors que leur mère, Mme K... D... C... s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée le 31 janvier 2017, les intéressés ne relèvent pas de la dérogation prévue au point 4 ci-dessus. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette dérogation qui prévoit que " la condition tenant à ce que la demande de réunification doit être introduite dans les trois mois suivant l'octroi de la protection " serait inconventionnelle en ce qu'elle contreviendrait à la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 doit être écarté comme inopérant.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme H... M... et M. I..., âgés respectivement de 26 ans et 25 ans à la date de la décision contestée, seraient dépourvus de toutes attaches privées et familiales en République démocratique du Congo, pays dans lequel ils ont toujours vécu. Dans ces conditions, et alors même que résident en France leur mère, et depuis le mois d'avril 2023, les trois membres les plus jeunes de leur fratrie, la décision contestée n'a pas porté une atteinte excessive à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, dès lors, qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme H... M... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. L'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme H... M... et autres, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par ces derniers doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme H... M... et autres une somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme H... M... et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme N... H... M..., à M. B... I..., à Mme G... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. F...

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT02114


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT02114
Date de la décision : 06/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : REGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-06;24nt02114 ?
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