Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... E... H..., M. C... B... et Mme D... B..., agissant en son nom et en qualité de représentante légale de l'enfant mineur A... B..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 octobre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 4 mai 2021 des autorités consulaires françaises à Luanda (Angola) refusant de délivrer à M. C... B..., à Mme D... B... et à l'enfant A... B... des visas d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.
Par un jugement n° 2207024 du 6 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 mars 2024 et 29 janvier 2025, Mme E... H... et autres, représentés par Me Bourgeois, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 13 octobre 2021 de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. C... B..., à Mme D... B... et à l'enfant A... B... des visas d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer les demandes de visa, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) subsidiairement, avant dire droit, de saisir, à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : l'interprétation de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile donnée par Conseil d'Etat dans son avis contentieux du 29 juin 2023, selon lequel lorsque une nouvelle demande de visa au titre de la réunification familiale est déposée après un premier refus définitif, il convient, pour apprécier l'âge de l'enfant, de tenir compte de cette nouvelle demande et non de la première demande est-elle compatible avec les dispositions de la directive n°2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial qui prévoient d'accorder aux réfugiés des conditions plus favorables pour l'exercice de leur droit au regroupement familial, dès lors qu'en droit français, la procédure de regroupement familial n'est enfermée dans un aucun délai, et que l'âge du demandeur s'apprécie à la date de la première demande de visa '
5°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros hors taxe sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme E... H... et autres soutiennent que :
- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit ; pour apprécier l'âge des demandeurs, la commission s'est placée à la date de la seconde demande de visa, alors que le premier refus de visa n'était pas devenu définitif ; à la date de la première demande, les demandeurs étaient âgés de moins de 19 ans ; le délai de recours raisonnable défini par la décision du Conseil d'Etat Czabaj n'est pas opposable aux décisions de refus de visas ; par ailleurs, cette règle d'origine jurisprudentielle ne saurait, sauf à méconnaître le principe de sécurité juridique, s'appliquer de façon rétroactive ; le délai de recours raisonnable n'a pas pu courir, dès lors qu'il n'est pas établi qu'ils ont eu connaissance de la décision implicite de rejet de la commission ;
- la règle selon laquelle lorsque une nouvelle demande de visa au titre de la réunification familiale est déposée après un premier refus définitif, il convient, pour apprécier l'âge de l'enfant, de tenir compte de cette nouvelle demande et non de la première demande, est manifestement contraire à l'esprit et la lettre de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 en ce qu'elle revient à réserver aux réfugiés un traitement moins favorable, en matière de regroupement familial, que les autres étrangers ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation au regard du principe d'unité familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 31 juillet 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 6 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme F... E... H... et autres tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions du 4 mai 2021 des autorités consulaires françaises à Luanda (Angola) refusant de délivrer à M. C... B..., à Mme D... B... et à l'enfant A... B... des visas d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale. Mme E... H... et autres relèvent appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ".
3. Aux termes de l'article L. 561-4 du même code : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. ". Aux termes de l'article L. 434-3 de ce code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". Aux termes de l'article L. 434-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".
4. Aux termes de l'article L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais (...) ". Pour l'application de ces dispositions, l'article R. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa des membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire mentionnée à l'article L. 561-5. Elle est déposée auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire dans la circonscription de laquelle résident ces personnes ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'âge de l'enfant pour lequel il est demandé qu'il puisse rejoindre son parent réfugié sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être apprécié à la date de la demande de réunification familiale, c'est-à-dire à la date à laquelle est présentée la demande de visa à cette fin, sans qu'aucune condition de délai ne puisse être opposée. La circonstance que cette demande de visa ne peut être regardée comme effective qu'après son enregistrement par l'autorité consulaire, qui peut intervenir à une date postérieure, est sans incidence à cet égard. Par ailleurs, lorsqu'une nouvelle demande de visa est déposée après un premier refus définitif, il convient, pour apprécier l'âge de l'enfant, de tenir compte de cette demande, et non de la première demande.
6. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que, pour rejeter le recours formé par Mme E... H... contre les refus de visa de long séjour opposés à M. C... B..., à Mme D... B... ainsi qu'à l'enfant A... B..., la commission s'est fondée sur les motifs tirés, d'une part, de ce que M. C... B... et Mme D... B... étaient âgés de plus de 19 ans à la date du dépôt de leur demande d'asile de sorte qu'ils ne sont pas éligibles à la procédure de réunification familiale, d'autre part, de ce que le lien familial de l'enfant A... et de Mme E... H... ne correspond pas à l'un des cas lui permettant d'obtenir un visa dans le cadre de la procédure de réunification familiale.
En ce qui concerne les refus de visas opposés à M. C... B... et à Mme D... B... :
7. En premier lieu, s'agissant des étrangers autres que les réfugiés, les dispositions de l'article R. 434-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que l'âge des enfants pouvant bénéficier du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande. Toutefois, lorsqu'une nouvelle demande de regroupement familial est déposée après un premier refus définitif, il convient, pour apprécier l'âge des enfants, de tenir compte de cette demande, et non de la première demande. Ainsi, la règle énoncée au point 5 ci-dessus ne soumet pas les réfugiés à des conditions plus strictes que celles qui s'appliquent aux autres étrangers, en matière de regroupement familial. Le moyen tiré de ce que cette règle serait " manifestement contraire à l'esprit et la lettre de la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial " en ce qu'elle réserverait aux réfugiés un traitement moins favorable que celui prévu, en matière de regroupement familial, pour les autres étrangers, doit être écarté.
8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les décisions de refus de visas opposées, le 29 janvier 2016, à M. C... B... et à Mme D... B... leur ont été notifiées, le jour même, avec les voies et délais de recours. Ainsi, le 8 juillet 2016, date du recours formé contre ces décisions par Mme E... H... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, le délai de deux mois prévu à l'article D. 211-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les contester était expiré. Il suit de là que les refus de visas opposés le 29 janvier 2016 à M. C... B... et à Mme D... B... étaient devenus définitifs lorsque les intéressés ont déposé, le 8 février 2021, de nouvelles demandes de visa au titre de la réunification familiale. Par suite et en application de la règle énoncée au point 5, leur âge devait être apprécié à cette dernière date et non pas à la date des précédents refus, devenus définitifs. Il est constant que, le 8 février 2021, M. B... et Mme B... étaient âgés, respectivement, de 24 et 22 ans de sorte qu'ils n'étaient donc plus éligibles à la procédure de réunification familiale. En rejetant pour ce motif le recours de Mme E... H..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... et Mme B..., les enfants de Mme E... H..., étaient âgés respectivement de plus de 24 et 22 ans à la date de la décision contestée et qu'ils ne sont pas isolés en Angola où ils vivent, selon leurs déclarations, depuis au moins l'année 2010. Par suite, en rejetant le recours de Mme E... H..., la commission n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale, au regard des motifs de la décision contestée, ni méconnu, en tout état de cause, le principe d'unité familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi que celui tiré de la méconnaissance du principe d'unité familiale.
En ce qui concerne le refus de visa opposé au jeune A... B... :
11. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
12. Il n'est pas contesté que le jeune A... B..., présenté comme le petit-fils de Mme E... H..., n'entre dans aucun des cas prévus par les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour pouvoir prétendre au bénéfice de la réunification familiale. Ainsi qu'il a été dit au point 8, Mme D... B..., mère de cet enfant, n'est pas davantage éligible à cette procédure. Aussi, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les intéressés qui vivent en Angola depuis 2010, et ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur du jeune A... B.... Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 doit, par suite, être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit aussi être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle qui ne présente pas d'utilité pour la solution du litige, que Mme E... H... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E... H... et autres, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par ces derniers doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme E... H... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... H... et autres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... H..., à M. C... B..., à Mme D... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFET La greffière,
M. G...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00948