Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... et Mme B... D... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 mars 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 20 décembre 2022 de l'autorité consulaire française à Téhéran (Iran) refusant de leur délivrer un visa d'entrée et de court séjour pour visite touristique.
Par un jugement n° 2307644 du 29 avril 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer les visas de court séjour sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mai 2024 le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 avril 2024 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2024, M. et Mme A... et B... C..., représentés par Me Assadollahi, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que le moyen soulevé par le ministre de l'intérieur n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- le règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire des visas ;
- le règlement (CE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dubost a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., ressortissants iraniens nés les 8 septembre 1992 et 1er septembre 1994, ont chacun déposé une demande de visa de court séjour pour visite touristique auprès de l'autorité consulaire française à Téhéran, qui a rejeté ces demandes par une décision du 20 décembre 2022. Le recours formé contre ces refus consulaires devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision du 22 mars 2023. M. et Mme C... ont alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 29 avril 2024 de ce tribunal annulant la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et lui enjoignant de délivrer les visas de court séjour sollicités.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, pour rejeter le recours formé à l'encontre de la décision des autorités consulaires françaises à Téhéran, sur les circonstances que, d'une part, M. et Mme C... n'ont pas justifié des ressources suffisantes pour toute la durée de leur séjour en France et, d'autre part, qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
3. Le tribunal administratif de Nantes, pour annuler la décision contestée, en a censuré les deux motifs énoncés au point précédent. Le ministre, qui relève appel de ce jugement, soutient que le motif tiré du risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires est de nature à légalement fonder la décision contestée.
4. Aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...). ". Aux termes de l'article 14 du règlement n° 810/2009 (CE) du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas : " Documents justificatifs / 1. Lorsqu'il introduit une demande de visa uniforme, le demandeur présente les documents suivants : (...) d) des informations permettant d'apprécier sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. ". Aux termes de l'article 21 du même règlement : " 1. Lors de l'examen d'une demande de visa uniforme, (...) une attention particulière est accordée à l'évaluation du risque d'immigration illégale (...) que présenterait le demandeur ainsi qu'à sa volonté de quitter le territoire des États membres avant la date d'expiration du visa demandé. ". Aux termes de l'article 32 de ce même règlement : " 1. (...) le visa est refusé : (...) / b) s'il existe des doutes raisonnables sur (...) la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. (...) ".
5. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.
6. M. et Mme C... ont sollicité la délivrance de visas de court séjour à des fins touristiques. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été employé, à compter de 2015, au sein de la société iranienne Tossee Azad Pasargad en tant que directeur commercial pour une rémunération mensuelle de 204 millions de rials iraniens, soit environ 4 653 euros, puis à compter du mois d'avril 2023, par la société Moharrek Machin Kohan. Mme C... est également employée, depuis 2018, par la société Moharrek Machin Kohan, entreprise familiale, dans laquelle elle exerce les fonctions de directrice administrative pour une rémunération mensuelle de 300 millions de rials soit environ 6 840 euros. Elle dispose également depuis 2022 de parts sociales au sein de cette société. La seule circonstance que les certificats de travail produits ne soient pas accompagnés de la pièce d'identité de leur signataire n'est pas de nature à leur retirer toute force probante alors au demeurant que M. et Mme C... produisent des attestations d'un organisme de sécurité sociale iranien qui démontrent le versement de cotisations sociales afférentes aux emplois occupés. Par ailleurs, M. et Mme C... justifient être propriétaires de plusieurs biens immobiliers en Iran où résident également leurs parents et leur fratrie. Enfin, M. C..., qui a été titulaire de plusieurs titres de séjour en France, a quitté volontairement avant leur terme le territoire national en 2014 et a obtenu plusieurs visas de court séjour en France en 2015, 2016 et 2018. A cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'en aurait pas respecté la durée de validité. Par suite, en refusant la délivrance des visas de court séjour demandés au motif tiré de l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 22 mars 2023 de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France sur le recours dirigé contre la décision des autorités consulaires de France à Téhéran du 20 décembre 2022 et lui a enjoint de délivrer les visas de court séjour sollicités.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. et Mme C... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... C... et à Mme B... D... épouse C....
Délibéré après l'audience du 5 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Rivas, président de la formation de jugement,
- Mme Ody, première conseillère,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2025.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président de
la formation de jugement,
C. RIVASLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
S. PIERODÉ
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01519