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27/05/2025 | FRANCE | N°24NT00857

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 5ème chambre, 27 mai 2025, 24NT00857


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 août 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.



Par un jugement n° 2106673 du 27 février 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mars et 13 mai 2024, M. B... A..., représ

enté par Me Bonnin, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 25 août 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 2106673 du 27 février 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mars et 13 mai 2024, M. B... A..., représenté par Me Bonnin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 25 août 2022 du ministre de l'intérieur ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'erreur dans l'appréciation des faits reprochés ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'interdiction de fonder une décision d'ajournement sur la consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires en cas de classement sans suite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 27 mai 2025, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 25 août 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation. M. A... relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) ". L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Elle peut, dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, les renseignements défavorables recueillis sur le comportement général du postulant.

3. Il ressort des pièces du dossier que pour ajourner la demande de naturalisation présentée par M. A..., le ministre s'est fondé sur le motif tiré de ce que le postulant a fait l'objet d'une procédure pour des faits de harcèlement moral du 21 au 29 juin 2014.

4. L'article 36 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française dans sa rédaction applicable en l'espèce dispose que : " Toute demande de naturalisation ou de réintégration fait l'objet d'une enquête. (...) Cette enquête, qui porte sur la conduite et le loyalisme du demandeur, est effectuée par les services de police ou de gendarmerie territorialement compétents. Elle peut être complétée par une consultation des organismes consulaires et sociaux. (...) ". Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 234-1 du code de la sécurité intérieure et 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité que cette enquête inclut la consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel mentionnés à l'article 230-6 du code de procédure pénale.

5. L'article R. 40-23 du code de procédure pénale dispose que : " Le ministre de l'intérieur (direction générale de la police nationale et direction générale de la gendarmerie nationale) est autorisé à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé ''traitement d'antécédents judiciaires", dont les finalités sont celles mentionnées à l'article 230-6. ". Aux termes de l'article 230-6, ce traitement a pour finalité de " faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement de preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs. ".

6. L'article 230-8 du code de procédure pénale dispose que : " Le traitement des données à caractère personnel est opéré sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent, qui, d'office ou à la demande de la personne concernée, ordonne qu'elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire, ou qu'elles fassent l'objet d'une mention. (...) En cas de décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, les données à caractère personnel concernant les personnes mises en cause sont effacées, sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien, auquel cas elles font l'objet d'une mention. Lorsque le procureur de la République prescrit le maintien des données à caractère personnel relatives à une personne ayant bénéficié d'une décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, il en avise la personne concernée. En cas de décision de non-lieu ou de classement sans suite, les données à caractère personnel concernant les personnes mises en cause font l'objet d'une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données à caractère personnel. Lorsque les données à caractère personnel relatives à la personne concernée font l'objet d'une mention, elles ne peuvent faire l'objet d'une consultation dans le cadre des enquêtes administratives prévues aux articles L. 114-1 et L. 234-1 à L. 234-3 du code de la sécurité intérieure et à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. (...) ".

7. Aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, (...) les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : 1° Les personnels de la police et de la gendarmerie habilités selon les modalités prévues au 1° et au 2° du I de l'article R. 40-28 ; / (...) 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorable sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code. (...)".

8. Il résulte des dispositions du code de procédure pénale précitées que, dans le cadre d'une enquête administrative menée pour l'instruction d'une demande d'acquisition de la nationalité française, les données à caractère personnel concernant une personne mise en cause qui figurent le cas échéant dans le traitement des antécédents judiciaires ne peuvent être consultées lorsqu'elles ont fait l'objet d'une mention, notamment à la suite d'une décision de non-lieu ou de classement sans suite. Aucun texte ne permet de déroger à cette interdiction. Lorsque les données à caractère personnel ne sont pas assorties d'une telle mention les personnels mentionnés au point précédent peuvent les consulter.

9. L'autorité compétente ne peut légalement fonder le rejet ou l'ajournement de la demande de naturalisation sur des informations qui seraient uniquement issues d'une consultation des données personnelles figurant dans le traitement des antécédents judiciaires à laquelle elle aurait procédé en méconnaissance de l'interdiction mentionnée au point précédent.

10. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a eu connaissance des faits de harcèlement moral reprochés à M. A... lors de la consultation du fichier automatisé du traitement des antécédents judiciaires réalisé le 13 mars 2020 dans le cadre de l'enquête administrative menée aux fins d'instruire la demande de naturalisation présentée par l'intéressé. Cette consultation a été complétée par une demande d'information adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nanterre qui, par un courriel du 16 août 2022, a indiqué que la procédure engagée à l'encontre de M. A... pour lesdits faits commis entre les 21 et 29 juin 2014 avait fait l'objet d'un classement sans suite. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas allégué que le requérant a adressé au procureur de la République une demande tendant à ce que ses données à caractère personnel figurant dans le traitement des antécédents judiciaires fassent l'objet d'une mention restrictive d'accès aux infractions constatées prévue à l'article 230-8 du code de procédure pénale. De plus, la circonstance que le fichier automatisé du traitement des antécédents judiciaires n'aurait pas été actualisé après le classement sans suite n'a pas empêché l'administration d'être informée de ce classement dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, l'administration a adressé au procureur de la République une demande d'information à l'issue de laquelle elle en a été informée. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.

11. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été exposé au point 3, que l'ajournement de la demande de naturalisation de M. A... est fondé sur la circonstance qu'il a fait l'objet d'une procédure pénale pour des faits de harcèlement moral du 21 au 29 juin 2014. Si le requérant conteste la matérialité des faits et leur qualification, ses dénégations ne sont pas établies par les pièces du dossier alors que ces faits se sont déroulés dans un contexte conflictuel avec l'entraîneur de son club de sport ayant donné lieu à des mains courantes déposées par les deux protagonistes. Pour autant, les faits reprochés ne sont pas dépourvus de gravité et avaient un caractère encore récent à la date de la décision contestée. Par suite, et quand bien même la procédure a donné lieu à un classement sans suite, le ministre de l'intérieur, qui détient un large pouvoir pour apprécier l'opportunité d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite, a pu, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, ajourner la demande de naturalisation de M. A... pour une durée de deux ans.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 25 août 2022. Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- Mme Ody, première conseillère,

- Mme Dubost, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2025.

La rapporteure,

C. ODY

Le président de la formation de jugement,

C. RIVAS

La greffière,

S. PIERODÉ

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT00857


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT00857
Date de la décision : 27/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : BONNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-27;24nt00857 ?
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