Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 22 juin 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 27 juin 2022 des autorités consulaires françaises à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.
Par un jugement n° 2310005 du 3 juin 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 22 juin 2023 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. B... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2024 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif.
Le ministre de l'intérieur et des outre-mer soutient que :
- en estimant que M. B... représente une menace pour l'ordre public, la commission n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision litigieuse ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2025, M. A... B... conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- en estimant qu'il représente une menace pour l'ordre public, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;
- son mariage avec une ressortissante française est dépourvu de caractère frauduleux ;
- la décision litigieuse méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 25 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 mars 2025.
Un mémoire, présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, a été enregistré le 11 avril 2025, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dias,
- et les observations de Me Cissé, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 3 juin 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B..., la décision du 22 juin 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a expressément rejeté le recours formé par ce dernier contre la décision du 27 juin 2022 des autorités consulaires françaises à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour sollicité au même titre. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public (...) ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La circonstance que l'intention matrimoniale d'un des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle, à elle seule, à ce qu'une telle fraude soit établie.
3. Il ressort de la décision litigieuse que, pour rejeter le recours formé par M. B... contre le refus de visa de long séjour en qualité de conjoint de ressortissante française qui lui a été opposé par les autorités consulaires, la commission s'est fondée sur les motifs tirés, d'une part, de ce que la présence en France de M. B... représente une menace pour l'ordre public, d'autre part, de ce que son mariage a été conclu avec une ressortissante française dans le seul but de faciliter son installation en France.
4. Pour établir le caractère frauduleux du mariage, le ministre de l'intérieur et des outre-mer fait valoir qu'il a été célébré alors que M. B... séjournait irrégulièrement en France depuis plus de trois ans, et de ce que la communauté de vie entre les époux n'est pas établie depuis le mariage. Toutefois, les nombreuses photographies et échanges entre les époux produits par M. B... attestent de l'existence d'une communauté de vie après le mariage. La circonstance que l'union de M. B... avec une ressortissante française a été célébrée alors que ce dernier séjournait irrégulièrement sur le territoire national depuis plusieurs années ne suffit pas à établir que son mariage aurait été conclu à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter son installation en France.
5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment du bulletin n°2 de l'extrait du casier judiciaire que M. B... a été condamné, par des ordonnances pénales du 17 octobre 2019 et du 29 mai 2020 du président du tribunal de grande instance de Draguignan, au paiement d'amendes de 750 et 800 euros pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis commis, le 5 août 2019 et des faits de même nature, commis de nouveau le 24 mars 2020 qualifiés de " récidive ", et que, par une ordonnance du 19 avril 2021, rendue sur comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, il a été condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de conduite d'un véhicule malgré une interdiction judiciaire et de refus de se soumettre aux vérifications relatives au véhicule ou au conducteur, commis le 24 novembre 2020. Au regard de la gravité des faits ainsi commis, ainsi que de leur caractère répété et relativement récent à la date de la décision litigieuse, la présence en France de M. B... présente une menace pour l'ordre public. Par suite, en rejetant, pour ce motif, le recours de M. B..., la commission n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de l'instruction que la commission aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le mariage de M. B... avec une ressortissante française présentait un caractère récent à la date de la décision litigieuse. Par ailleurs, il n'est pas établi ni même allégué que l'épouse du requérant serait dans l'impossibilité de lui rendre visite en Tunisie. Par suite, et compte tenu de la menace que présente M. B... pour l'ordre public, le refus de visa qui lui a été opposé ne porte pas au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts de cette mesure. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.
8. Par suite, c'est à tort que, pour annuler la décision du 22 juin 2023 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, le tribunal s'est fondé sur ce que la décision du 22 juin 2023 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Aucun autre moyen, dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel, n'a été invoqué par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ou devant la cour.
10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 3 juin 2024, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B..., la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 22 juin 2023.
D E C I D E:
Article 1er : Le jugement du 3 juin 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2025.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLa greffière,
A. MARCHAND
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT02128