Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A..., agissant en son nom et en qualité de représentant des enfants C... A..., E... A... et F... A..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 9 décembre 2022 par lesquelles les autorités consulaires françaises à Dakar (Sénégal) ont refusé de délivrer à Mme B... G... A... ainsi qu'aux enfants C... A..., E... A... et F... A... des visas de long séjour au titre du regroupement familial ainsi que la décision implicite née le 5 mars 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. A... contre ces décisions.
Par un jugement n°s 2304633,2304634, 2304636 et 2304638 du 13 février 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 mars et 10 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Daimallah, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler les décisions du 9 décembre 2022 des autorités consulaires françaises à Dakar refusant de délivrer des visas de long séjour à Mme B... G... A... et aux enfants C... A..., E... A... et F... A..., au titre de la procédure de regroupement familial, ainsi que la décision implicite née le 5 mars 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. A... contre ces décisions ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme B... G... A... ainsi qu'aux enfants C... A..., E... A... et F... A... des visas de long séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier ; les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la décision des autorités consulaires ainsi que celle de la commission de recours sont entachées d'une erreur d'appréciation ;
- pour le même motif, le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation ;
- l'identité des demandeurs ainsi que les liens familiaux allégués sont établis par les actes de l'état civil produits ainsi que par la possession d'état.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance et soutient, en outre, que le patronyme des demandeuses de visas est très courant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 13 février 2024, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les demandes de M. A... tendant à l'annulation des décisions du 9 décembre 2022 par lesquelles les autorités consulaires françaises à Dakar (Sénégal) ont refusé de délivrer à Mme B... G... A... et aux enfants C... A..., E... A... et F... A... des visas de long séjour au titre du regroupement familial ainsi que la décision implicite née le 5 mars 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. A... contre ces décisions. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation des décisions consulaires :
2. Aux termes de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la décision contestée : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. ".
3. En vertu des dispositions citées au point précédent, la décision implicite, née le le 5 mars 2023, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. A... contre les décisions du 9 décembre 2022 des autorités consulaires françaises à Dakar (Sénégal) refusant à Mme B... G... A... ainsi qu'aux enfants C... A..., E... A... et F... A... la délivrance de visas de long séjour au titre du regroupement familial, s'est substituée à ces décisions des autorités consulaires. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de ces décisions présentées par M. A... doivent être regardées comme dirigées contre la seule décision implicite de la commission de recours. Pour le même motif, le moyen tiré de ce que les décisions des autorités consulaires seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de commission de recours :
4. Aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : / 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans ; / 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ".
5. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
6. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
7. L'accusé de réception du recours formé par M. A... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France indique qu'en l'absence d'une réponse expresse de la commission dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du recours, celui-ci est réputé rejeté pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire. Il en résulte que la décision implicite de la commission, qui s'est substituée à la décision des autorités consulaires, doit être regardée comme s'étant appropriée les motifs de cette dernière décision, qui comporte une case cochée portant la mention suivante : " Le (ou les) documents(s) d'état civil que vous avez présenté(s) en vue d'établir votre état civil comporte(nt) des éléments permettant de conclure qu'il(s) n'est (ou ne sont) pas authentique(s). ".
S'agissant de Mme A... :
8. Il ressort des pièces du dossier que, pour établir l'identité de Mme A... et le lien matrimonial l'unissant au requérant, ont été produits un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n° 20442 rendu le 29 août 2016, à la demande de Mme A..., par le tribunal de première instance de Conakry, l'acte n° 3359 dressé, le 30 juin 2020, en transcription de ce jugement ainsi qu'un jugement supplétif n° 203 rendu, le 26 janvier 2017, par la même juridiction tenant lieu d'acte de mariage ainsi que l'attestation de la transcription de ce jugement, dans les registres, le 27 janvier 2017. Le jugement supplétif d'acte de naissance de Mme A... comporte les noms, prénoms, dates et lieux de naissance de ses parents, de telle sorte qu'il est revêtu des mentions essentielles et suffisantes permettant d'identifier avec certitude la personne à laquelle il se rapporte. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'établit pas ni même n'allègue que les jugements supplétifs d'acte de naissance et mariage ainsi produits présenteraient un caractère frauduleux. Par suite et alors, en outre, que les mentions qu'ils comportent sont concordantes avec celles figurant sur la carte d'identité, le passeport et le livret de famille de Mme A..., les jugements supplétifs ainsi produits sont de nature à établir l'identité de la demandeuse de visa, ainsi que le lien matrimonial qui l'unit à M. A.... En estimant que ce lien n'était pas établi et en rejetant, pour ce motif, le recours formé par M. A... contre le refus de visa opposé à son épouse, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées.
S'agissant des enfants C..., F... et E... A... :
9. Il ressort des pièces du dossier que, pour établir l'identité des enfants C..., F... et E... A... ainsi que les liens de filiation qui les unissent à M. A..., ont été produits les copies de trois jugements supplétifs d'actes de naissance rendus le 25 janvier 2017 par le tribunal de première instance de Conakry II, sous les n°s 1919, 1920 et 1922, ainsi que les extraits du registre d'état civil attestant de leur transcription dans les registres, le 26 janvier 2017 sous les n°s 243, 244 et 245. La circonstance que ces jugements supplétifs ont été rendus à la demande d'un tiers dont il n'est pas justifié qu'il disposerait de l'autorité parentale sur les enfants ne permet pas d'établir leur caractère frauduleux. Il est vrai que ces jugements ne mentionnent pas les dates et lieux de naissance des parents. Toutefois, en appel, M. A... a produit les copies de trois nouveaux jugements supplétifs rendus le 29 décembre 2023 par le tribunal de première instance de Dixinn ainsi que les extraits du registre d'état civil attestant de leur transcription dans les registres, les 28 février 2024 et 27 mars 2024, sous les n°s 4829, 6906 et 4828. Ces actes dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'établit pas ni même n'allègue qu'ils seraient frauduleux, comportent les noms, prénoms, dates et lieux de naissance de ses parents, de telle sorte qu'ils sont revêtus des mentions essentielles et suffisantes permettant d'identifier avec certitude les personnes auxquelles ils se rapportent. Ces mentions concordent, par ailleurs, avec celles figurant dans les autres pièces du dossier, notamment les jugements supplétifs d'actes de naissance du 25 janvier 2017, les passeports des enfants et l'acte de mariage de leurs parents. Ainsi, les actes d'état civil produits sont de nature à établir l'identité des enfants C... A..., F... A... et E... A..., ainsi que les liens de filiation qui les unissent au requérant. En estimant que ce lien n'était pas établi et en rejetant, pour ce motif, le recours formé par M. A... contre le refus de visa opposé à ses enfants, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que des visas de long séjour soient délivrés à Mme A... ainsi qu'aux enfants C... A..., F... A... et E... A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, de délivrer ces visas dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E:
Article 1er : Le jugement du 13 février 2024 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision implicite née le 5 mars 2023 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. A... contre les décisions du 9 décembre 2022 des autorités consulaires françaises à Dakar refusant de délivrer à Mme B... G... A... ainsi qu'aux enfants C... A..., E... A... et F... A... des visas de long séjour au titre du regroupement familial est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur de délivrer à Mme B... G... A... ainsi qu'aux enfants C... A..., E... A... et F... A... des visas d'entrée et de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2025.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLa greffière,
A. MARCHAND
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00701