Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 11 juin 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 2008980 du 29 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 11 juin 2020 du ministre de l'intérieur et a enjoint à cette autorité de réexaminer la demande de naturalisation présentée par Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes et de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
-il ne peut être considéré que, du fait de la convocation de l'intéressée le 28 avril 2020 par le préfet du Val-de-Marne, la décision du 16 juillet 2019 par laquelle ce même préfet avait ajourné à deux ans la demande de naturalisation s'est trouvée abrogée ;
- en outre, une décision implicite de rejet du recours formé à l'encontre de la décision du 16 juillet 2019 du préfet du Val-de-Marne ajournant à deux ans la demande de naturalisation de Mme B... s'étant substituée le 16 février 2020 à cette décision, le préfet du Val-de-Marne n'a pu abroger le 28 avril 2020 la décision du 16 juillet 2019, qui avait disparu de l'ordonnancement juridique ;
- la décision contestée du 11 juin 2020 est suffisamment motivée ;
- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2024, Mme B..., représenté par Me Nguiyan, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante camerounaise née le 1er septembre 1980, a sollicité sa naturalisation. Par une décision du 16 juillet 2019, le préfet du Val-de-Marne a ajourné sa demande à deux ans. Mme B... a formé à l'encontre de cette décision le recours administratif auprès du ministre de l'intérieur prévu par l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 susvisé. Ce recours a été rejeté par une décision implicite du ministre de l'intérieur née le 16 février 2020, à laquelle s'est ultérieurement substituée une décision explicite de la même autorité du 11 juin 2020. Par un jugement du 29 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme B..., la décision du 11 juin 2020 du ministre de l'intérieur.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article L. 412-6 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " L'administration qui a pris la décision initiale peut la retirer d'office si elle est illégale tant que l'autorité chargée de statuer sur le recours administratif préalable obligatoire ne s'est pas prononcée. " Aux termes de l'article L. 412-7 du même code : " La décision prise à la suite d'un recours administratif préalable obligatoire se substitue à la décision initiale. ". Aux termes de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 et 44 peuvent faire l'objet d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l'exclusion de tout autre recours administratif. / Ce recours, pour lequel le demandeur peut se faire assister ou être représenté par toute personne de son choix, doit exposer les raisons pour lesquelles le réexamen de la demande est sollicité. Il constitue un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. / Le silence gardé par le ministre chargé des naturalisations sur ce recours pendant plus de quatre mois vaut décision de rejet du recours. ".
3. La circonstance que, par courrier du 28 avril 2020, le préfet du Val-de-Marne a convoqué Mme B... en vue de reprendre l'instruction de sa demande de naturalisation n'a pas eu pour effet d'abroger la décision du 16 juillet 2019 par laquelle ce même préfet avait ajourné à deux ans la demande de naturalisation. Ainsi, c'est à tort que, pour annuler la décision du 11 juin 2020 du ministre de l'intérieur, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que, compte tenu de l'abrogation de la décision préfectorale d'ajournement, la décision contestée du ministre, prise sur un recours administratif préalable obligatoire, est " intervenue alors que la décision initiale avait disparu de l'ordonnancement juridique, rendant ainsi le recours sans objet ".
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes.
5. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
6. La décision du 11 juin 2020 du ministre de l'intérieur vise les articles 45 et 48 du décret du 30 décembre 1993 qui en constituent la base légale et mentionne les circonstances de fait prises en compte par le ministre de l'intérieur pour apprécier l'opportunité d'accéder à la demande de naturalisation de Mme B..., à savoir la commission par l'intéressée de l'infraction de conduite d'un véhicule sans permis le 20 août 2017, faits ayant donné lieu à une condamnation pénale prononcée le 3 novembre 2017. Le ministre de l'intérieur, qui n'était pas tenu de mentionner tous les éléments relatifs à la situation personnelle de Mme B..., a ainsi indiqué les motifs de droit et de fait constituant le fondement de sa décision, mettant à même l'intéressée de contester utilement ces motifs devant le juge administratif. Le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision contestée du 11 juin 2020 doit dès lors être écarté.
7. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) ". L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Elle peut dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.
8. Mme B... ne conteste pas les faits de conduite d'un véhicule sans permis qu'elle a commis le 20 août 2017 et qui ont donné lieu à une condamnation pénale. Eu égard à la gravité de ces faits et à leur caractère récent à la date de la décision contestée du 11 juin 2020, le ministre de l'intérieur, qui dispose en la matière d'un large pouvoir d'appréciation, a pu, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, confirmer l'ajournement à deux ans de la demande de naturalisation de Mme B..., sans qu'y fassent obstacle ses liens familiaux en France et son parcours scolaire et professionnel.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 11 juin 2020.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme A... B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 29 novembre 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de Mme B... présentée devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 6 mai 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2025.
Le rapporteur,
B. MASLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
A. MARCHAND
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00188