Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B..., agissant en son nom et en qualité de représentant de son enfant A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 11 juin 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 7 février 2022 des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à l'enfant A... B... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.
Par un jugement n° 2300117 du 10 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Tercero, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer un visa de long séjour à l'enfant A... B..., dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous une astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits et par la possession d'état ;
- la décision contestée porte atteinte au principe de l'unité de la famille et méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 25 octobre 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il se réfère à ses écritures de première instance et fait valoir, en outre, qu':
- aucune explication convaincante sur les différents actes de naissance produits relatifs à l'enfant ;
- aucun élément de possession d'état n'est produit, alors que le requérant est présent sur le territoire français depuis 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 10 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision implicite, née le 11 juin 2022, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 7 février 2022 des autorités consulaires françaises à Conakry (Guinée) refusant de délivrer à l'enfant A... B... un visa de long séjour en qualité de membre de famille d'un réfugié statutaire. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur le recours formé contre le refus de visa opposé au jeune A... B..., réceptionné le 11 avril 2022, doivent être regardées comme dirigées contre la décision du 22 juillet 2022, qui s'y est substituée, par laquelle la commission a expressément rejeté le recours de M. B....
3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint (...) ; 2° Par son concubin, (...) ; 3° Par les enfants non mariés du couple (...). ". L 'article L. 561-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. ". Aux termes de l'article L. 434-3 du même code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux ". L'article L. 434-4 dudit code dispose que : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. Il ressort de la décision contestée que, pour rejeter le recours formé par M. B... contre le refus de visa de long séjour opposé à l'enfant A... B..., la commission s'est fondée sur le motif tiré de ce que les actes de naissance produits étaient inauthentiques et qu'en l'absence de tout élément de possession d'état, l'identité du demandeur de visa et son lien familial avec le réunifiant n'étaient pas établis.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'alors que M. B... a transmis au bureau des familles de réfugiés (BFR) le volet n°1 d'un acte de naissance non numéroté, établi le 17 janvier 2013, par l'officier de l'état civil de la commune de Matam, relatif à l'enfant A... B..., il a produit, à l'appui de la demande de visa de cet enfant, un jugement supplétif d'acte naissance n°7886 du 27 avril 2021 rendu par le tribunal de première instance de Conakry III - Mafanko, ainsi que l'extrait attestant de sa transcription dans les registres de l'état civil de la commune de Matoto, le 28 mai 2021, sous le n°7439. En outre, il ressort des pièces du dossier que les 11ème, 12ème et 13ème chiffres du numéro personnel d'identification du passeport biométrique délivré à l'enfant, le 7 avril 2021, qui forment le chiffre 331 ne correspondent pas au numéro de son acte de naissance établi en transcription du jugement supplétif, le 28 mai 2021, de sorte que le passeport a été délivré au vu d'un autre acte de naissance que ceux communiqués au poste consulaire et au bureau des familles de réfugiés. Dès lors qu'aucune explication n'est apportée par M. B... sur l'existence de ces différents actes de naissance, tous relatifs au jeune A... B..., ces documents doivent être regardés comme frauduleux. Par ailleurs, alors que M. B... est présent en France depuis 2014, il ne fait état d'aucun autre élément de possession d'état que la déclaration de l'enfant aux instances de l'asile, le 27 mai 2014, après qu'il a obtenu le statut de réfugié, le 30 avril de la même année. Ainsi l'identité du demandeur de visa ainsi que lien de filiation l'unissant au requérant ne sont pas établis. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, pour ce motif, la commission a rejeté le recours formé contre le refus de visa de long séjour opposé à l'enfant, en qualité de membre de la famille d'un réfugié.
7. En troisième et dernier lieu, dès lors que l'identité du demandeur de visa et le lien de filiation allégué ne sont pas établis, le moyen tirés de ce que la décision contestée porterait atteinte au principe d'unité de la famille, protégée par la convention de Genève sur les réfugiés, ainsi que celui tiré de ce que le refus de visa en litige méconnaîtrait les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par ce dernier doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2025.
Le rapporteur,
R. DIAS
La présidente,
C. BUFFETLa greffière,
A. MARCHAND
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT03740